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Interprétations et Inspirations des peintures de Hieronymus Bosch sur le Jardin des Délices

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Interprétations et Inspirations des peintures de Hieronymus Bosch sur le Jardin des Délices

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mettez le sous-titrage en français...

version courte en premier, version longue ensuite.


1/ Les peintures troublantes de Hieronymus Bosch






2/ Hieronymus Bosch, The Garden of Earthly Delights (Full Length): Great Art Explained






...............................
Modifié en dernier par Gemani le 17 septembre 2023, 19:46, modifié 2 fois.
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3/ Jérôme Bosch et ses toiles analysées par les experts de l'art (en français)






Je ne vous mets pas les vidéos en français [ Paradisum voluptatis - Vie & Oeuvre de Jérôme Bosch ] qui aimeraient à faire penser que Bosch faisait partie du Mouvement du Libre Esprit (par opposition au Saint Esprit). Et d'étranges références à l'alchimie.

Je ne sais plus qu'en penser sachant qui était le commanditaire du tableau : Henri III de Nassau-Breda qui appartenait à l'Ordre de la Toison d'Or. Et il s'était fait construire un lit de 50 places !

On a du mal à imaginer que Bosch ait pu ne pas être chrétien tant il était fasciné par Jésus, le Paradis et l'Enfer.

Onfray a explicité la doctrine du Mouvement du Libre Esprit...

Que serait devenu l'humanité s'il n'y avait pas eu de péché originel : le Jardin des Délices.
Modifié en dernier par Gemani le 18 septembre 2023, 19:21, modifié 6 fois.
En ligne Pascal
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Très bonne idée Jeff.

A mon avis Bosch est un clairvoyant psychologique. Il a certainement développé le sens de l'auto-observation psychologique.
C'est tellement réaliste de notre monde intérieur.
Le VM n'en a pas parlé mais la culture hispanique le connaît bien.

Il semble également avoir été alchimiste et tarologue.
J'ai un tarot reconstitué avec ses tableaux et dessins.

Un excellent magazine sur lui. Je vous envoie le texte qui en a été extrait (meilleur que Wikipédia).
Regards sur la peinture 62.jpg
BIOGRAPHIE

Nous ne savons rien ou presque de la vie de l'un des plus grands peintres des Flandres, et guère plus de son œuvre. Jacques Combe, l'un des principaux spécialistes de Bosch, remarquait en 1946 que ses tableaux - une quarantaine seulement attribués avec certitude - posaient d'innombrables problèmes d'interprétation d'autant plus que les documents ne nous apprenaient rien sur sa formation, ses maîtres, ses influences, ses goûts, ses amitiés et ses rapports avec les autres peintres. Pas un seul de ses tableaux n'est daté et il n'existe aucun témoignage d'époque sur lui.

La recherche a légèrement progressé dans le domaine de l'interprétation, mais les informations biographiques sont restées ce qu'elles étaient. Les seules sources directes qui nous permettent sommairement de reconstruire sa vie sont celles des archives de la Confrérie de Notre-Dame dont Bosch fut un membre influent et pour laquelle il exécuta quelques travaux, tous perdus à l'exception de l'Epiphanie, aujourd'hui au Musée du Prado de Madrid.

Son lieu de naissance, d'abord : "Hieronymus Van Aken, alias Bosch, insignis pictor", comme le définit l'acte de décès conservé à la Confrérie, est né à Bois-le-Duc, petite ville du Brabant à laquelle il emprunta son nom d'artiste. Sa famille s'appelait en effet Aeken ou Aken, ce qui signifie qu'elle était originaire d'Aachen, c'est-à-dire Aix-la-Chapelle en Allemagne. Quant à la date, on l'a déduite de l'analyse stylistique de ses œuvres. On pense qu'elle se situe autour de 1450 puisque ses tableaux montrent qu'il connaissait l'art flamand de la première moitié du siècle, des "primitifs" de l'ère hollandaise (Geertgen Tôt sint Jans, Dierick Bouts et le Maître de la Virgo inter Virgines) à ceux de l'ère flamande comme Robert Campin, dit le Maître de Flémalle, et le grand Jan Van Eyck. Son père et ses oncles étaient peintres; son grand-père Jan Van Aken, mort en 1456, était même un maître estimé.

Au XVe siècle, Bois-le-Duc était un centre provincial florissant grâce à ses nombreuses industries. On y fabriquait en particulier des couteaux, des aiguilles et des tissus. Lorsque Bosch naît, les Flandres sont dominées par les ducs de Bourgogne. Lorsqu'il meurt, elles appartiennent à la maison d'Autriche et depuis plusieurs décennies sont en proie à des guerres politiques et religieuses qui mettront le pays à feu et à sang.

On ne sait rien de la formation de l'artiste, mais il est probable qu'elle ait eu lieu dans l'atelier familial, et que le jeune homme ait vu dans des églises quelques-uns des chefs-d'œuvre récents de Van Eyck ou de Roger Van der Weyden ou feuilleté ces fameux livres d'heures décorés de miniatures tels que les Très riches heures du duc de Berry ou le Cœur d'amour épris attribué au roi René, ou bien encore les Heures de Milan de Jan Van Eyck. Ses paysages et le soin minitieux qu'il apporte aux moindres détails en sont la preuve. L'influence de la vie religieuse de son pays, rythmée par les cérémonies, les processions, les mystères, les sculptures bizarres et terrifiantes qui décoraient la partie la plus ancienne de la cathédrale Saint-Jean à Aix-la-Chapelle, a aussi puissamment contribué à la formation de son goût.

En 1478, il épouse Aleyt van de Meervenne, fille d'un seigneur aisé, qui lui apporte en dot une maison avec un terrain dans la campagne voisine, à Oirschot. Nous ne savons pas si le couple eut des enfants car aucun registre n'en fait mention.

Les archives de la Confrérie de Notre-Dame de 1486 nous apprennent que "Jheronimus Anthonisoen (le fils d'Antoine) est reçu par ses confrères". C'est une nouveauté importante dans la vie de Bosch même s'il nous est difficile aujourd'hui de mesurer pleinement ce qu'elle signifie. Entrer dans cette Confrérie, fondée en 1318, impliquait non seulement la possibilité de recevoir des commandes, d'autant plus facilement qu'il était le seul peintre du pays, mais aussi l'insertion à plein titre dans les rangs de la classe dirigeante et la participation à la gestion de la vie publique. Tout le monde n'entrait pas dans les confréries médiévales : les pauvres en étaient automatiquement exclus puisqu'ils ne pouvaient payer leurs cotisations, les femmes aussi puisque considérées comme impures et inférieures, et enfin tous ceux qui ne respectaient pas les préceptes de la religion et de la morale. Les membres de la Confrérie de Notre-Dame étaient des laïques, mais ils portaient la tonsure et les vêtements cléricaux. Ils s'occupaient de la "politique des images" pour le compte du clergé de Saint-Jean.

En 1488, Bosch est admis dans le cercle restreint des "notables" de la Confrérie, événement célébré par le "banquet du cygne", l'oiseau-emblème de la Confrérie. Il est étrange qu'un animal ordinairement associé à la luxure et à la tromperie dans les traités allégoriques et les bestiaires médiévaux soit devenu l'enseigne d'une société religieuse strictement respectueuse des préceptes catholiques. Pour certains, ce banquet du cygne fut en réalité une cérémonie d'initiation du nouvel adepte au sein d'une société magique et secrète. Le tableau représentant les Noces de Cana, nourri de symboles rosicruciens et alchimiques, serait un témoignage caché de ce rite.

Quoiqu'il en soit, l'appartenance au groupe des notables devait représenter un pas en avant important dans la hiérarchie puisqu'au mois de juillet de la même année, les registres de la Confrérie notent que Bosch reçoit solennellement ses confrères chez lui et leur offre un riche banquet.

Sa carrière a prospéré. En 1492 ou l'année suivante, on lui commande des cartons pour les vitraux de la cathédrale Saint-Jean de Bois-le-Duc. De ces vitraux comme d'autres oeuvres destinées à la cathédrale et citées dans les registres, il ne reste rien car elle fut pratiquement détruite par la fureur iconoclaste des protestants en 1629. En 1504, on lui verse un acompte de trente-six livres pour un tableau haut de neuf pieds et long de onze, "où doit estre le Jugement de Dieu, assavoir paradis et enfer, que Monseigneur lui avait ordonné faire pour son très-noble plaisir". "Monseigneur" est Philippe le Beau de Habsbourg, nouveau seigneur des Flandres.

Les registres de la Confrérie nous apprennent qu'il est mort en 1516. Cette même année, on inscrit dans l'inventaire des œuvres d'art de Marguerite d'Autriche, régente des Pays-Bas, un tableau de Bosch, La Tentation de saint Antoine, aujourd'hui au Musée National d'Art ancien de Lisbonne.

Mais la plus grande partie des œuvres de Bosch a été acquise par l'Espagne où sa peinture ambiguë, fantasmagorique et menaçante fascina d'abord Don Felipe de Guevara qui acheta les œuvres de l'artiste en Flandres, puis Philippe II qui reprit une grande partie de la collection du gentilhomme.

Pour les Espagnols de l'époque, l'œuvre de Bosch représentait "l'illustration de la variété du monde". Il en fut ainsi pour les générations de rares privilégiés qui approchèrent ses tableaux jusqu'à la fin du XIXe siècle. En effet, en 1604 déjà, Karel Van Mander, biographe des peintres hollandais, admettait ne rien savoir sur la vie et guère plus sur l'œuvre de Bosch. Malgré l'indigence de la critique sur l'artiste jusqu'à nos jours, certains ont su porter des jugements particulièrement intéressants, comme celui du Frère Joseph de Sigiienza au début du XVIIe siècle, d'une extrême modernité : "La différence qui existe entre les peintures de cet homme et celles des autres consiste en cela : les autres cherchent à peindre les hommes tels qu'ils apparaissent à l'extérieur, lui et lui seul a l'audace de les peindre comme ils sont à l'intérieur..." Il ne s'agit donc pas de fantasmagories bizarres, mais d'une enquête féroce et courageuse sur les enfers et les paradis qui se cachent au fond du cœur humain.

Il faudra attendre le début de notre siècle et la psychanalyse pour que l'on s'intéresse de nouveau à Bosch. C'est l'éclosion du symbolisme, du dadaïsme, du surréalisme. Bosch est alors reconnu comme un prophète, un précurseur subversif par tous ceux qui veulent faire du hasard et du rêve l'instrument pour révéler des mondes intérieurs inconnus et interdits. Max Ernst et Salvador Dali se sentiront de "nouveaux Bosch".

Cette "redécouverte" de l'univers de Jérôme Bosch était à sens unique et ne rendait pas entièrement compte de son œuvre. Pour ces hommes du XXe siècle, l'artiste représentait la révolte et la liberté. Mais on laissait entièrement de côté les implications historiques, spirituelles et anthropologiques de sa peinture. Ce ne sont pas les artistes, mais les historiens, les anthropologues, les linguistes qui permettront de reconstruire le monde magique et traditionnel de Bosch, disparu dans le choc violent des guerres de religion.

Pour bien comprendre la signification profonde, les symboles et les angoisses que Bosch exprime dans ses tableaux hurlants, il faut situer son activité dans le substrat de croyances, de terreurs et d'espérances qui compose la culture du Moyen Age finissant.

Ses toiles mettent en image des cauchemars et des obsessions nourris de symboles sexuels et de délires mystiques. Les portes de l'Enfer grandes ouvertes libèrent Satan et sa cohorte de démons, représentés sous des formes monstrueuses et fantastiques, qui envahissent le monde corrompu dans l'attente de la Fin des temps et du Jugement dernier.

Cette interprétation expressionniste du monde et de la vie, qui a fait couler beaucoup d'encre mais qui reste encore mystérieuse, serait le fruit de la personnalité contradictoire et tourmentée de Bosch, hérétique, rebelle, peut-être mage déçu, croyant fanatique, qui réagirait à la corruption en illustrant pour les condamner les horreurs et les obscénités du monde.

Elle s'explique aussi par son appartenance à la Confrérie de Notre-Dame qui cherche à répandre un nouvel esprit religieux contre les sectes hérétiques et la corruption du clergé. Les Sept Péchés capitaux sont contenus chacun dans une tranche du cercle dont le centre est marqué par le Sauveur.

La représentation des sept péchés est simple et immédiate, très loin du symbolisme compliqué et mystérieux des œuvres suivantes. Dans les quatre "tondi" aux coins du panneau, l'auteur a représenté les Quatre Temps : la Mort, le Jugement, l'Enfer, le Paradis.

Les thèmes du Jugement, de l'Enfer et du Paradis seront repris par Bosch dans le Triptyque du jugement et dans les panneaux latéraux du Triptyque des délices. La Mort, elle, renvoie à l’Ars Moriendi.

Ce panneau est la partie centrale d'un triptyque. Il illustre un vieux proverbe flamand: "Le monde est un chariot de foin dans lequel chacun prend ce qu'il peut". Bosch place au centre de la scène le gros tas de foin sur la charrette traînée par les démons de l'avidité et situe autour et au-dessus de la charrette une série d'épisodes dans lesquels il illustre avec un sarcasme féroce la véracité de l'adage.

Derrière la charrette, le pape en personne, l'empereur et la gent noble avancent en procession tandis qu'au premier plan, à droite, un groupe de religieux a déjà obtenu sa part de foin ; autour, hommes et femmes se disputent furieusement pour essayer d'attraper comme ils le peuvent, avec des fourches et des crochets, une partie du chargement.

Sur le tas de foin, un couple d'amoureux et un trio vocal et instrumental (une dame, un chanteur qui indique la partition, un élégant jeune homme avec un luth assis sur l'habit de la dame) restent indifférents aux tentations.

Trois figures symboliques font pendant aux cinq personnages qui se sont élevés au-dessus des passions et de l'avidité : un démon blanc ailé, à droite, qui joue de la flûte avec son nez ; un ange, à gauche, qui lève les yeux au ciel où le Christ apparaît entre les nuages ; et un homme à demi caché derrière un arbre avec un long bâton auquel est attachée une jarre, symbole de la luxure.

Que signifie donc ce groupe ? Sans doute que, même lorsqu'on est distrait des passions du monde par l'amour ou la musique, la menace du démon est toujours présente. Comme dans toutes ses œuvres, Bosch caractérise chacun de ses personnages et décrit en détail chaque épisode, en l'enrichissant de symboles et d'allégories.

L'incroyable imagination de Bosch et sa créativité de visionnaire sont à leur plus haut niveau dans le grand triptyque baptisé Le Jardin des délices. Cette œuvre est un extraordinaire échantillon d'inventions fantastiques, d'expériences émotives placées les unes à côté des autres, des nus féminins très doux à côté d'absurdes machines diaboliques, de tendres petits animaux à côté de bêtes horribles et d'instruments menaçants, de splendides coins de paysages à côté d'altérations monstrueuses.

Il y a deux interprétations principales. L'une, proposée par Wilhelm Fraenger, voit dans ce système allégorique et symbolique complexe une représentation des doctrines d'une secte hérétique mystérieuse, celle des Adamites, qui, à travers des rituels de promiscuité sexuelle poussait ses adeptes à la jouissance sans frein et à l'amour physique.

Considéré de ce point de vue, Le Jardin des délices serait la représentation d'une orgie rituelle des Adamites de Bois-le-Duc. Mais il n'existe aucun document prouvant que Bosch et ses concitoyens aient appartenu à cette secte ou même qu'elle existât encore au XVIe siècle.

L'autre interprétation voit dans le panneau central du triptyque une description de l'humanité prisonnière de ses vices : ces hommes et ces femmes nus entourés d'une quantité incroyable d'animaux dans un décor fantastique font allusion, par leurs attitudes et leurs gestes symboliques, aux péchés et aux vices.

Sur le volet de gauche, Bosch a représenté la création d'Eve, l'origine du péché : le Créateur est entre Adam, assis par terre, et Eve à genoux au milieu d'un jardin imaginaire peuplé d'animaux réels et fantastiques. Sur le volet droit, il a illustré l'Enfer, la punition des péchés : les démons ont les formes monstrueuses d'animaux qui semblent nés de cauchemars terrifiants. Ils tourmentent et dévorent hommes et femmes dans un décor de tragédie.

Le volet droit du triptyque du Jardin des délices représente une vision d'enfer avec au centre une figure en forme d'œuf ouvert au fond et appuyé sur des jambes-bras pareils à des arbres qui s'enracinent dans deux barques ; le visage qui semble nous regarder au-dessous d'un grand couvre-chef est, pense-t-on, celui de Bosch qui signe de la sorte son œuvre tout en faisant humblement figure de pécheur parmi d'autres pécheurs. Dans l'œuf se déroule une scène de la vie quotidienne aux dimensions menaçantes : des personnes autour d'une table dont l'une est assise sur une sorte de grenouille tandis que sur le disque qui surmonte la tête se promènent d'inquiétants personnages autour d'une espèce de cornemuse (symbole phallique, indicateur du péché de chair). Cette cornemuse est d'une certaine façon l'enseigne de la "maison du peintre", l'image que ce qui "résonne" dans sa tête : il y a des images visuelles, des images sonores, un univers de monstres dont on a l'impression d'entendre les hurlements et les rires.

Ici, l'importance des instruments de musique est évidente. Bosch attribuait un grand rôle à la musique qui accompagnait la vertu comme le péché, le paradis comme l'enfer. La gamme des instruments est très vaste : un homme est crucifié sur les cordes d'une harpe ; un autre est attaché à un luth à la merci d'un dragon ; un être monstrueux enfourche une vielle et chante en lisant les notes écrites sur le derrière d'un troisième homme ; un démon en forme d'insecte joue d'un gros tambour bleu... Un concerto d'êtres effroyables dont la musique grince horriblement...

Au symbolisme de la plante, il faut ajouter celui des oiseaux qui remplissent ce tableau - comme d'ailleurs la plupart des œuvres de l'artiste. Remarquons en particulier la corneille mantelée qui enfile ses proies sur des épines et qui ferait allusion aux pensées sur la mort qui agitent l'âme du saint. Mais l'ensemble de la composition est dominé par les larges volutes d'un chardon, contrastant singulièrement avec le milieu environnant. Certains y ont vu la description des fruits du désert dont le saint se nourrit. Mais il est très probable que le chardon soit le symbole de la tentation et du mal, à opposer à la méditation et au bien ; l'agneau, en bas, est sans doute une allusion à l'Agneau.
En ligne Pascal
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INTERPRÉTATIONS


Les tableaux de Bosch ne représentent pas l'homme tel qu'il apparaît à l'extérieur, mais plutôt tel qu'il est à l'intérieur avec ses passions, ses faiblesses et ses vices. Ce mélange intime de bien et de mal, d'amour et de haine, de beauté et d'horreur qui nourrit l'âme humaine se matérialise en images extraordinaires dans les œuvres de l'artiste grâce aux couleurs, presque toujours délicates, associées les unes aux autres avec un art raffiné, et grâce aux formes fantastiques et monstrueuses, nées de l'hybridation d'hommes et de bêtes, d'objets ou de plantes.


La trame des histoires qu'il raconte se ramifie en de multiples épisodes qui constituent chacun un chapitre en soi et dans lesquels son imagination hérétique et visionnaire trouve sa dimension véritable en une sorte d'éruption, de foisonnement d'images où l'humain est contaminé par le monde animal, végétal et minéral.

L'homme fusionne avec l'oiseau ou le poisson, la plante, l'architecture... Si ces tableaux sont tellement remarquables, c'est que d'une part ils nous restituent le goût médiéval du récit, qui se déroule à travers des personnages et des paysages représentant les obsessions mystiques et infernales, alchimiques et sexuelles de l'époque, dans la contamination du sacré et du profane ; et que d'autre part, on y découvre une peinture qui, au-delà de toute signification religieuse ou symbolique, s'impose par sa qualité, par la grandeur et la monumentalité de ses compositions, l'incroyable fertilité de ses formes, la luminosité de ses couleurs avec leurs accords complémentaires où dominent les verts, les roses et les terre.

L'obsession et l'imagination de l'artiste semblent s'apaiser dans ce Saint Jérôme pénitent contemplant le crucifix devant un paysage tourmenté, agenouillé devant un trône de marbre décoré de bas-reliefs représentant des scènes bibliques.

Le thème de la Tentation de saint Antoine occupe une place importante dans la production de Bosch. Le volet gauche du triptyque représente en haut le saint supplicié porté dans les airs par d'horribles animaux, et en bas le saint, épuisé par cet assaut, ramené chez lui par deux clercs et un laïque (peut-être un autoportrait de l'artiste). Dans le panneau central, des monstres obscènes, surgis à l'appel d'un mage coiffé d'un haut chapeau et habillé d'un manteau rouge, s'agitent dans tous les sens tandis que des gentilshommes, des moines et des nonnes font la noce devant des architectures en ruine aux formes invraisemblables (certains interprètent cette scène comme une messe noire).

Sur le volet droit, l'allégorie de la gourmandise (la table dressée soutenue par des nus) se confond avec celle de la luxure (la femme nue sous la tente rouge). Dans les figurations de Bosch, les démons prennent des conformations particulièrement absurdes et monstrueuses. Plus d'une fois, ils ont des ailes d'insectes (contrastant avec les ailes en plume des anges) quand ils ne sont pas représentés comme de véritables insectes, capables d'infester avec leurs essaims chaque recoin de la terre.

Mais le plus souvent, ce sont des êtres hybrides, nés de l'union de formes humaines et bestiales, ou humaines et végétales. On y voit aussi des poissons, quelquefois volants, quelquefois rampants, quelquefois unis à une moitié d'homme ou à une moitié de démon. Le sens de ces figurations naît justement de l'écart par rapport à la réalité, de l'absurdité de la représentation, du contraste entre l'image et le monde naturel.

Ici, les démons qui traînent le saint dans les airs font penser à des poissons ou des grenouilles munis d'ailes. Mais aucune description ne peut vraiment rendre la fulgurance de l'imagination de Bosch. La surprise, l'émotion, le malaise, voire la répulsion que ces images provoquent viennent de ce que l'artiste leur donne des couleurs splendides et transparentes ainsi qu'une forme accomplie, minutieuse, étonnamment "réaliste", enrichie d'une foule de détails. Il crée un univers si vrai qu'on ne peut pas lui échapper. Et malgré le foisonnement de détails, cet univers ne se décompose pas : il garde tout son impact visuel et émotionnel grâce à la structure synthétique que l'artiste sait donner à ses compositions.

On est frappé par l'humanisation des personnages, par la simplicité de leurs costumes par rapport à ceux que l'artiste peint habituellement, et par l'originalité de certains détails. On a l'impression de reconnaître la figure de Jésus telle qu'elle est décrite dans un manuscrit de 1474 : "...élancé, beau et d'une apparence digne. Tous ceux qui le voyaient l'aimaient et le respectaient. Sa chevelure était semblable à la noisette mûre, elle descendait jusqu'aux oreilles et retombaient sur ses épaules... Son front était serein, son visage sans rides et sans taches, d'un incarnat délicat... ; il avait une grande barbe d'adolescent de la même couleur que ses cheveux, longue mais séparée en deux sur le menton..."

Les roses tendres de la figure du Christ sont entourés des tonalités vives des bourreaux : à gauche, le vert en haut (celui de l'homme au turban traversé par une flèche) et le rouge en bas ; à droite, les tons sombres des couvre-chefs et les tons rougeâtres des habits. Le collier du garde en haut à gauche, hérissé de pointes comme celui d'un chien, est un élément de détail intéressant : beaucoup y voient le symbole du destin de l'Agneau de Dieu qui ne peut fuir ce "chien de garde".

Le symbolisme de cette œuvre est particulièrement difficile à déchiffrer, mais sa conception et sa composition sont très suggestives. La disposition des personnages est simple et efficace, celle des couleurs aussi : le vert, le rouge, le bleu, le rouge orangé, le noir entourent le rose-ocre de la figure centrale.

Le jeu des regards est particulièrement efficace : celui des bourreaux est tourné vers le Christ, et celui du Christ est dirigé sur nous, nous contraignant presque à baisser les yeux devant son autorité transparente en ce moment de souffrance.

Dans ses œuvres, Bosch utilise un langage symbolique composite qui se nourrit à la fois de la tradition populaire, de l'Alchimie et des Tarots dont il reprend certaines figures. La septième carte, par exemple, le Chariot, est nettement représentée dans La charrette de foin ; la neuvième, l'Ermite, dans les représentations de saint Antoine, saint Jean ou saint Jérôme ; la vingtième, le Jugement dernier, dans son œuvre du même nom. Dans L'Enfant prodigue, Bosch s'est clairement inspiré de la vingt-deuxième carte, le Fou.

Dans la tradition ancienne des Tarots, le Fou a l'apparence d'un vagabond sinistre dont le rôle est d'annuler les mauvais hospices annoncés par les cartes voisines.

Mais il représente aussi un homme esclave de ses sens et de ses passions. Ce double sens a donc permis à Bosch de représenter les deux chemins possibles qui s'ouvrent à l'Enfant prodigue dès lors qu'il est retourné chez lui.

L'habillement du personnage dans ce tableau correspond à celui de l'iconographie traditionnelle du Fou : il porte un habit court et déchiré, une besace pendue à une louche (qui dans le tableau de Bosch devient une hotte dans laquelle est enfilée la louche), et un gros bâton sur lequel il peut s'appuyer.

Autour de la figure centrale (qui, pour certains, fait allusion à la parabole évangélique, mais pour d'autres au contraire, au libre arbitre), nous retrouvons le monde caractéristique de Bosch avec ses symboles, ses éléments de détail, ses animaux : le bœuf sur la droite, un chien, un hibou sur l'arbre, un cochon avec ses petits devant la maison. Remarquons aussi le couple devant la maison, certainement une maison de mauvaise vie à première vue (l'enseigne représente une oie, symbole de luxure ; mais certains y voient plutôt un cygne qui ferait alors référence à la Confrérie à laquelle Bosch appartenait), la femme qui épie à la fenêtre et l'homme qui urine à droite de la maison.

La scène, comporte une quantité impressionnante de significations symboliques et d'allégories, d'autant plus intenses et pénétrantes qu'elles se cachent sous une iconographie traditionnelle.

Les trois rois mages chargés de dons sont devant la Vierge qui tient l'Enfant dans ses bras : on croirait presque voir trois prêtres devant un autel. Mais si l'on regarde de plus près, on s'aperçoit que le roi Gaspard tient dans sa main droite un ciboire rond (décoré avec la scène de l'offre de l'eau au roi David) sur lequel un oiseau est en train de manger une cerise, symbole de luxure.

Le ciboire contient de la myrrhe, liée à l'idée de guérison et de vie. Dans sa main gauche, il tient une fraise en argent, elle aussi symbole de volupté, mais ici œuvre de l'homme et non du diable, donc probablement symbole positif.

Melchior offre de l'encens sur un plat précieux. Son manteau est décoré de la scène de la visite de la reine de Saba au roi Salomon, préfiguration de. la scène de la visite des rois mages.

Le don de Balthazar agenouillé est une statuette qui représente le sacrifice d'Abraham. Elle est déjà posée par terre et écrase les crapauds de l'hérésie. Sa couronne est à côté, surmontée de deux pélicans qui serrent une autre cerise dans leur bec.

Bosch place autour de la cabane des personnages accompagnés des symboles de la présence du diable, avec les hérésies, les tentations, la violence. Si l'événement sacré est bien au centre de la scène, il est pourtant entouré de curiosité plutôt que de dévotion, voire d'une certaine indifférence, comme si pour Bosch le mal était tellement insidieux qu'il allait jusqu'à étouffer la présence du divin.

Le rapport entre le céleste et le terrestre, le divin et l'humain, se manifeste ici par un paysage apparemment idyllique, mais en réalité hostile, qui dans les formes des édifices acquiert même l'aspect de visages humains étonnés et inquiétants.

Le visage du Christ est au centre de la scène, à l'endroit où les diagonales se croisent. Une des diagonales est d'ailleurs soulignée par le bras de la croix. Sur la trajectoire de l'autre se trouve l'empreinte du visage de Jésus sur le saint suaire. Tout autour s'agite le ballet tragique des visages des bourreaux avec leur profils difformes, leurs expressions railleuses, leurs grimaces sataniques.

Bosch semble abandonner ici son répertoire de démons aux visages et aux corps monstrueux pour représenter le Mal par une laideur "réaliste" qui annonce l'expressionnisme. Les personnages négatifs sont représentés dans leurs difformités caricaturales. Leurs expressions ne sont plus diaboliques, mais tragiquement humaines. Ce sont des hommes et non plus des démons qui encerclent le Bien, incarné dans la figure du Christ, des hommes capables pourtant de cruauté et de scélératesse comme le révèlent leurs traits brutaux, leurs bouches déformées par les hurlements, leurs regards chargés de haine.

Le critique Piero Bianconi écrit en 1965 : "Dans le monde catastrophique et fascinant de Hieronymus Bosch débouche tout un substrat en fermentation de terreurs, d'espérances, d'angoisses et de croyances que l'on respirait dans l'air d'un Moyen Age proche de sa fin". Son œuvre, poursuit-il, est rempli d'obsessions et de symboles infernaux, mystiques, alchimiques et sexuels. C'est un univers bouleversé, convulsé, possédé par le malin, qui devait être accessible à ses contemporains, mais qui est devenu mystérieux pour les modernes.

Opaque et mystérieux parce que la direction fortement rationaliste et laïque prise par la pensée occidentale à partir des XV-XVIe siècles a étouffé ce monde et l'a relégué aux limites du tolérable. Il n'a plus été alors que l'apanage des groupes sociaux sans pouvoir : les pauvres, les paysans, les femmes, les fous. Mais à l'époque où Bosch peignait, ces idées étaient celles de tous, comprises par tous, combattues ou bien cultivées, en tout cas lisibles à tous les niveaux dans le corps, la langue, la nature. Le monde était une grande page écrite par Dieu que son antagoniste, le Diable, essayait constamment de déchirer.

La lutte entre le Bien et le Mal était de tous les instants, la perdition menaçait à chaque moment. Et le danger le plus insidieux venait de loin, d'avant le Christ. Depuis toujours, les hommes d'Eglise savaient que sous la couche orthodoxe de la religion, le monde des antiques, de ceux qui n'avaient pas connu la Révélation et qui avaient adoré des dieux multiples, les eaux et les plantes, fermentait et répandait son venin. Ceux-là avaient utilisé le corps pour le plaisir et l'intelligence pour des spéculations blasphématoires. La culture de l'Antiquité "païenne" menaçait les fondements mêmes du monde. "Nulla salus extra Ecclesia": l'équilibre précaire de l'humanité était confié à la solidité de la foi et aux lois de l'Eglise. La bataille centenaire contre l'hérésie ne serait pas compréhensible sans l'existence du fardeau de cette angoisse collective, profonde et réelle. Le péché et la chute empêchaient pratiquement l'individu de trouver le salut ; seul le Christ, à travers l'Eglise, pouvait éviter une catastrophe toujours imminente.

C'est là la raison profonde des figurations de l'art médiéval, de l'insistance sur le thème du Jugement dernier et de la description détaillée des horreurs de l'enfer. "... Le discours silencieux de la pierre historiée, immédiatement accessible comme il l'était à la vue et à l'imagination de chacun (parce que pictura est laicorum literatura) fulgura mon regard et me plongea dans une vision que ma bouche aujourd'hui encore réussit difficilement à décrire...

Et je vis une femelle luxurieuse nue et décharnée, rongée par des crapauds immondes, sucée par des serpents, accouplée à un satyre... aux jambes de griffon... Et je vis un avare... proie veule d'une cohorte de démons... Et tous les animaux du bestiaire de Satan réunis en consistoire... Toute la population des enfers semblait s'être donné rendez-vous..."

C'est ainsi que le jeune Adso, héros du Nom de la Rose d'Umberto Eco, décrit le tympan de son abbaye. Le roman d'Umberto Eco est une reconstitution absolument magistrale de cet univers bouleversé dont nous parlions plus haut. U. Eco situe son récit en 1327, et le tympan historié décrit par Adso est censé dater de deux siècles plus tôt. Les enfers et les paradis de Bosch datent, eux, de deux siècles plus tard. Mais le langage est le même, l'horreur et la fascination sont identiques. Tout le monde savait que Satan conspirait contre Dieu et l'âme, croyait au Christ, mais aussi aux incubes, aux succubes, aux sorcières et aux hybrides zoomorphes : la cohorte du démon habitait tout près de l'homme, sur la terre, et un rien suffisait à la faire émerger des lieux blasphématoires où elle se cachait, prête à bondir sur celui dont la foi ou les moeurs vacillaient.

C'est ce même univers qui prolifère dans les tableaux de Bosch, y compris dans les moins "contaminés" d'un point de vue orthodoxe. A côté du Christ exposé aux insultes de la foule dans l'Ecce Homo (aujourd'hui au Stàdtelsches Kunstinstitut de Francfort), la chouette de l'hérésie cligne de l'œil sur la muraille et le crapaud obscène des sorcières souille un écusson. Des crapauds sortent de la bouche du gobeur trompé par l'Escamoteur et volé par le moine à lunettes.

La contamination est à son comble dans les Noces de Cana, aujourd'hui au Musée Boymans Van Beuningen de Rotterdam. Tout le second plan du tableau décrit une histoire parallèle et contraire au récit principal. On y voit des animaux impurs tels que le cygne et le cochon ; un musicien joue de la cornemuse, instrument obscène ; sur les chapiteaux, un diablotin de pierre, magiquement réveillé, décoche une flèche contre son jumeau qui montre son derrière, et sous la voûte d'arêtes, un personnage mystérieux armé d'une baguette indique un autel sur lequel sont alignés des objets incongrus, des danseuses de bronze, des vases pour les parfums. Un enfant tout aussi mystérieux avec une écharpe, des cheveux rouges et une coupe à la main, placé en face de l'épouse et de la Madone, semble s'adresser à cette figure vêtue de blanc et l'inviter sur le petit trône doré et historié...

Bosch et ceux qui, comme lui, vivaient dans un état d'inquiétude permanente n'avaient pas besoin d'appartenir à une secte ou de professer une science secrète pour accéder à l'hérésie. L'hérésie était déjà inscrite dans l'univers mental et psychique dans lequel ils étaient plongés.

Dans le roman d'U. Eco, le mystique (et peut-être hérétique) Ubertino da Casale explique au jeune Adso que les Spirituels des Marches et de l'Ombrie - sûrement hérétiques - disaient "que l'enfer n'existe pas, que l'on peut satisfaire les désirs charnels sans offenser Dieu, que l'on peut recevoir le corps du Christ... après avoir partagé la couche d'une nonne... que ce que la populace appelle démon est Dieu lui-même, parce que le démon est la sapience et Dieu est justement sapience..."

Le monde médiéval est un échiquier sur lequel tourbillonnent des pions en folie à la recherche d'un lieu où reposer. Si quelqu'un vient annoncer que ce lieu existe, que les exclus seront acceptés, que justice sera faite, l'armée des parias accourt et croit finalement avoir trouvé une justification à sa vie. C'est au sein même de l'Eglise que naissent les hérésies les plus virulentes : après l'ampleur de la promesse de cette dernière vient la déception, le désarroi, le désir de construire une nouvelle promesse, plus crédible.

De quelle façon Bosch interprète-t-il cette dialectique atroce, et de quel côté est-il ? Il semble que son pinceau soit fondamentalement au service de l'Eglise contre l'hérésie, au service de ceux qui sont ancrés dans la certitude contre ceux qui errent aux marges de la vie en minant sa solidité. Un chrétien averti et maniaquement orthodoxe comme Philippe II n'aurait jamais collectionné les œuvres de Bosch s'il n'en avait pas été ainsi. D'autant plus que l'artiste appartenait à une terre où la guerre contre les hérétiques de Luther avait été particulièrement acharnée et terrible. Le Jardin des délices est avant tout un avertissement; il montre du doigt l'abîme où conduit la sottise humaine, l'empire des sens. Ce jardin est habité de morts-vivants, de monstres et d'incubes, de fruits monstrueux et d'arbres minéraux.

Et pourtant une lecture moralisante ne suffit pas à expliquer l'univers figuratif de Jérôme Bosch. On y trouve autant de fascination que de rejet, une attraction irrépressible pour l'abîme qui naît sous son pinceau. Les enfers et les paradis, les délices et les tourments disent explicitement ce que l'orthodoxie voulait qu'il dise, ce qu'il voulait d'ailleurs effectivement dire, sans arrière-pensées. Mais ses images avec leur densité hallucinatoire et chromatique nous racontent aussi autre chose, de plus lointain et mystérieux.

Pour certains, le grouillement de figures et de couleurs omniprésent chez Bosch révélerait l'usage de plantes psychotropes et hallucinogènes; pour d'autres, une intoxication au seigle ergoté, assez commune à cette époque; pour d'autres encore, la preuve de son initiation à tous les degrés de l'alchimie, de l'Œuvre au Noir jusqu'au Rouge. Nous n'en savons et n'en saurons jamais rien, mais il est difficile de croire que la peinture de Jérôme Bosch ne se soit pas nourrie d'une expérience réelle, quelle qu'elle ait pu être, ou bien d'une extraordinaire capacité de rêver, c'est-à-dire de "voir". Cette remarque de Carlo Ginzburg, extraite de Storie notturne. Per una décifrazione del sabba (1989) s'applique bien à l'artiste : "...Raconter signifie parler ici et maintenant avec l'autorité qui dérive du fait d'avoir été (littéralement ou métaphoriquement) là-bas autrefois. Dans la participation au monde des vivants et à celui des morts, aux sphères du visible et à celle de l'invisible, nous avons reconnu un trait distinctif de l'espèce humaine..."

Modifié en dernier par Pascal le 18 septembre 2023, 19:28, modifié 1 fois.
En ligne Pascal
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Arcanes majeurs du Tarot extraits des oeuvres de Hieronymus Bosch
01-07 Bosch.jpg
08-14 Bosch.jpg
15-22 Bosch.jpg
Modifié en dernier par Pascal le 20 septembre 2023, 18:09, modifié 1 fois.
Hors ligne Gemani
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Merci pour tous les messages. Très beau jeu !
Incroyable j'ai l'impression de n'en avoir mémorisé aucun comme si je les voyais pour la première fois.
D'avoir pu trouver toutes les arcanes dans ses œuvres montre que l'artiste en savait beaucoup (initié peut-être) et a tenu à ce qu'ils soient présents.
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#7
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Merci Jeff pour ton intérêt.
Merci Marie pour ta détermination à comprendre le symbolisme.

En fait, je ne suis pas sûr que ces arcanes majeurs soient tous extraits de l'oeuvre de cet initié.
Ce site intéressant nous permet de zoomer ses oeuvres http://boschproject.org/#/artworks/

Avant de m'engager dans une compréhension je vérifie l'authenticité de tout enseignement.
Des ajouts sont toujours présents, provenant de disciples, d'admirateurs, de gens de bonne volonté... et à la fin cela donne un mélange incohérent.
Donc prudence...
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Merci Marie, ma personnalité apprécie ce type de musique :smile:
Mais ce message n'est pas relié à Hieronymus Bosch sauf si la melodic techno et toutes ses variantes sont créées par des egos musiciens...
Modifié en dernier par Pascal le 22 septembre 2023, 11:17, modifié 1 fois.
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determinee a écrit : 22 septembre 2023, 12:59

Donc, ces cartes ne sont pas authentiques ?
Ces cartes ont été créées et inspirées de l'oeuvre de Bosch.
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