Nouvelles extraites du recueil : RETROUVER L'ÊTRE AIMÉ de Gemani Rivière

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pomme damour et coeur de glace.jpg

Selon moi, ce n'est pas un ouvrage de la littérature érotique ou de roman érotique romantique mais j'ai été obligé de ranger mon livre dans ces catégories parce qu'il y a des passages de description de relation sexuelle mais franchement, ce n'est pas l'essentiel du livre et j'espère qu'on ne le limitera jamais à cela. C'est un livre que j'ai beaucoup travaillé qui est le résultat de la sublimation d'un amour que je n'ai pas pu vivre dans la chair !

En fait, ce que j'ai voulu faire au travers du livre, c'est éveiller les lecteurs potentiels à la mystique, à l'ésotérisme, à la spiritualité, les faire réfléchir au sentiment amoureux, à la réciprocité ou non-réciprocité des sentiments, au désarroi amoureux de certains hommes aussi maladroits que moi et dépourvu de charme et de virilité, qui ne savent pas s'y prendre avec les femmes et n'ont jamais vraiment fait d'effort pour leur plaire, etc...



4ème page de couverture :

Pomme d’amour, c’est Gémani qui laisse la passion le prendre et l'emporter dans des fantasmes de retrouvailles. Le cœur glacé d'Antéa se refuse d'abord puis s'ébranle un peu et finit par répondre à son désir. Après la reprise de communication tant espérée, la première fois est magnifiée dans l’amour renaissant.

La pomme s'ouvre en quartiers indépendants. A chaque quartier, le cocktail s'enrichit de nouveaux arômes : complicité, confidences, tendresse, naïveté, jeux, mensonges, tromperies, jalousie, indignation, émotivité, sensibilité, peur, abandon, souffrance, enfermement, volupté, sensualité, nudité jusqu'à l'acte d'amour.

Pour agrémenter le cocktail, quelques gouttes de sang contaminé, le déchaînement des éléments, la fin du monde dans un un nectar d'imagination, de fantastique et de spiritualité qui entrelace technologie, virtuel, delirium, voyage astral, foi, vie après la mort et réincarnation...

Le philtre obtenu, englouti d'un trait, veut raviver les corps défaits, chambouler les esprits endormis et enflammer les cœurs glacés.


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Vous avez tenu jusque ici... ce n'est pas un livre recommandable pour un gnostique, vous devriez mieux vous en détourner.

Alors pourquoi je le présente ici, pourquoi je réveille cette inspiration passée, cette sublimation d'un amour non vécu ? Chercherais-je encore des lecteurs sachant que le livre n'a pas trouvé le public qu'il méritait depuis 20 ans qu'il a été publié ?

C'est une œuvre un peu trop personnelle et dont certains passages pourrait heurter les bien-pensants. Malgré cela, je le crois riche dans plusieurs domaines.

J'imagine qu'il plairait davantage à un jeune en mal d'amour ou à une jeune fille cherchant le grand amour mais il les choquerait par certains côtés ou le sexe loin de figurer artistiquement, peut porter outrage.

Cependant si au fil de votre lecture, vous appréciez le style ou l'inspiration et souhaitait le lire en son intégralité, n'hésitez pas à m'écrire un message privé sur le forum pour me le demander et c'est avec joie que je vous offrirai l'ouvrage numérique (pdf).

Cependant, si vous m'écrivez sur mon mail, je ne vous satisferais pas. Je ne veux pas le distribuer aussi largement. Je privilégierai les participants au forum.

En réalité, je serais étonné que l'un de vous me manifeste son intérêt pour ses écrits, on verra bien. Ne m'encouragez pas sinon les nouvelles vont pleuvoir.

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Il y aurait beaucoup à critiquer sur cette illustration et sans doute a-t-elle contribué à nuire à la promotion de l'ouvrage, ca ressemble au dessin d'un enfant et pourtant je n'étais pas peu fier d'avoir réussi à obtenir la forme en pomme avec mon logiciel de dessin peu évolué et j'y étais arrivé par un coup de chance en plus.

Je ne vais pas expliquer tous les symboles. La plupart d'entre vous comprendront ce que sont les deux formes rougeâtres et comprendront pourquoi il y en a deux.

On voit une forme masculine qui se donne l'apparence d'un ange vert et une forme féminine face à lui avec comme des ailes en formation.

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Table des matières

Une passion dévorante 7 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21339#p21339
Les apparitions fantomatiques 15 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21341#p21341
Psychothérapie amoureuse 23
La confession de Méphisto (1/2) 31 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21215#p21215
Les conséquences d’un oubli 37
Une si vague idée 45
Les mensonges du passé 49
Voir plus grand 69
La balade de Méphisto (2/2) 93 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21216#p21216
La tache rouge sale 105
Un ligand d’éternité 123
Génération « Love in fun » 135
Les délires de Morphée 143
Qui ne dit mot consent 153
La fiancée de Gulliver 165 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21282#p21282
Les gestes de la passion 173
Le vertige du désir 179
Le monstre qui se cache 187
De la technologie à l’amour 189
Séquestration abusive 199
Une lettre pour te dire 209
Approche détournée 213
Pomme d’amour 219
Ce qu’il m’en reste 223
Les sauveurs du monde 227 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=20892#p20892
Un remords perpétuel 239
L’hôtel des plaisirs 247
Un harem chez les amazones 251
Les corps emmêlés 261
Inoubliable 267
Douze ans que ça durait déjà 269 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=20620#p20620
Au bout de la vallée calcinée 279 - ci-dessous
La chute des souvenirs 291 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=960#p960
Au pays des géants 299
L’oncle d’Amérique 307
Astral voyager 317
Le matelas vibrant 323
Les retrouvailles séniles 329 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=21028#p21028
Le ballet de la plage 341
Victime d’amnésie 345 - viewtopic.php?f=43&t=299&p=20503#p20503
Apothéose 355
Table des matières 409
Quatrième de couverture 414




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En attendant, peut-être ma nouvelle préférée de mon recueil :


Au bout de la vallée calcinée


Le mal d’elle me prenait. Un mois déjà que je n’avais plus de nouvelles d’elle et le monde m’apparaissait trop petit. Un rien m’oppressait. Je n’avais plus d’intérêt à mon travail. Mon avenir m’apparaissait bien terne. La seule par qui je vivais ne venait plus me ravir de sa voix. A sa place, il y avait des appels anonymes, mais pas une seule parole, quand je répondais, cela raccrochait à l’autre bout pas immédiatement mais au bout de quelques secondes.

Mais enfin, une lettre arriva. Bien que son écriture semblât hésitante, je la reconnaissais. Elle me demandait sa pension mensuelle. Les mois passaient et se ressemblaient et toujours en début de mois, une lettre avec seulement quelques mots, des généralités bien étouffantes mais jamais plus, je n’entendis sa voix ailleurs que sur le magnétophone où je l’avais enregistrée du temps où elle m’aimait. Je préférais beaucoup le temps où nous avions des dialogues, où elle me racontait sa vie, ses coups de folie, ses ardeurs amoureuses, ses sorties à la plage, sa tournée des bars, les hommes qu’elle ramenait chez elle, celui qu’elle choisissait pour coucher, le monde des paumés de la vie qu’elle côtoyait.

Conformément à ses prescriptions, je lui faisais toujours parvenir la somme due à l’adresse habituelle. Le manège continua des années. Les appels anonymes bien que beaucoup plus rares s’étaient poursuivis. Plus loin encore dans le temps, j’entendis la voix d’Eraya au téléphone. Elle m’apprit qu’elle allait se marier, qu’elle avait eu honte de m’exploiter toutes ces années durant en usurpant l’écriture de son amie. Elle m’expliqua que cinq ans auparavant, ma dulcinée était montée à bord d’un van où de jeunes allemands d’origine turque lui avaient promis de l'amener à une rave. Mais sur le chemin, des skins avaient pris en chasse le van qui avait terminé sa route au fond du ravin.

Antéa n’était jamais revenue d’Allemagne.

Après de longs mois où je cessais toute activité pour me remettre de l’annonce de sa mort, je réappris à vivre, à revoir le monde et même à faire plus attention à ce qui se passait autour de moi. Bien que j'eusse continué à observer les belles jeunes femmes au loin, je détournais les yeux quand elles se rapprochaient et avant qu’elles ne se rendent compte de mon désir pour elles, je passais à coté d’elles sans les voir, aurait-on dit !

En fait, cela me faisait beaucoup plus mal de croiser une belle femme qu’une mignonne. Je pouvais tout juste dévisager une mignonne mais je n’osais pas lever les yeux sur une belle, inaccessible, de peur de m’attirer ses foudres que dans mon état, j’ose porter le regard sur elle.

Je repris le travail parce qu’il me fallait bien vivre, même sans la savoir de ce monde. Mais je fus dérangé dans mon recueillement par une femme. Je la voyais aller et venir dans la société. Je n’étais que peu de chose pour elle. Je l’observais quand j’étais sûr qu’elle ne me voyait pas et dés qu’elle approchait, je fixais mon écran d’ordinateur, faisant semblant de tapoter sur le clavier. Après qu’elle soit passée, je me précipitai dans le couloir pour respirer la senteur envoûtante de son parfum mêlé à ses crèmes de beauté dans la rafale de vent qu’elle provoquait en passant dans le couloir.

Voyant le remue-ménage dans les bureaux que ça faisait quand elle arrivait, le patron nous la présenta. Elle serait sa troisième femme. Comme je l’enviais. C’était l’exemple type de l’homme à femmes. Il avait su s’imposer, réussir, ne compter que sur lui-même, saisir les opportunités, apporter toujours aux femmes ce qu’elles attendaient. Toujours bien habillé, jamais je ne l’avais vu en sueur, il était toujours présentable et bien des secrétaires étaient devenues ses maîtresses. Il avait une musculature de rêve, un menton puissant, une large carrure, un sens de l’humour irrésistible, un savant mélange de jeu et d’exotisme qui suffisait à emballer le cœur des femmes, le séducteur type. Il n’avait que quelques phrases à dire et la victime tombait dans ses bras.

Ayant tout compris de moi, compatissante face à ma timidité maladive, cette femme insista pour me présenter une de ses amies. Celle-ci, à ma grande surprise, craqua littéralement pour moi. Je profitais de l’aubaine pour coucher avec elle et perdre ce que je pensais devoir garder comme une tare tout au long de ma vie. Mais, je ne l’aimais pas, j’abusais d’elle et pire ses signes d’affection m’étaient pesants. Plusieurs fois, elle m’a prié de tenir plus à elle, au moins de faire semblant. Et quand je lui demandais si c’était vraiment ce qu’elle voulait, elle me répondait de faire comme je le sentais. Perturbée devant mon incapacité d’aimer, de m’occuper d’elle, de la cajoler, elle m’interrogea sur mon passé amoureux et je lui dis tout de mon premier amour, comment elle m’avait brusquement quitté sans que je n’eusse le loisir de la connaître. Elle me demanda ce que j’aurais aimé lui dire si elle avait survécu. Mais, je ne trouvais rien à lui dire. Si ce n’est une phrase qu’elle aimait à se répéter : « C’est toujours pareil dehors ». Je comprenais aujourd’hui cette même souffrance qu’elle avait eue de voir le monde le printemps où je l’avais connue. Je voyais dans ses yeux cette folle passion qu’elle nourrissait pour moi. Je me disais que si elle n’avait pas flashé pour moi, se donnant tout entière, jamais je n’aurais fait attention à elle en temps normal.

Je continuais à croiser dans la rue, ces belles jeunes femmes sachant s’habiller et porter le vêtement, se sachant regardées et désirées, bravant le regard des hommes. Elles avaient toutes pour moi le goût de ma muse disparue mais je rentrais retrouver ma vieille bique qui avait un peu perdu de sa fraîcheur.
Elle se rendait malheureuse de vivre avec moi, mais je ne voulais pas la rejeter parce que je la savais trop fragile. Et puis, j’appréciais de pouvoir coucher avec elle dés que j’en avais envie et lui refuser quand elle en manifestait le désir, ça mettait du piquant entre nous.

Je pensais à Danaé qui me disait toujours dans ses lettres de me laisser aller au bonheur. Elle me proposait de m’envoyer la photo de ma muse, mais je refusais encore de peur que l’original flétrisse l’idéal que j’avais gardé d’elle. Cette petite photo d’identité que je lui disais de garder dans le cas où un jour, je changerais d’avis. Danaé s’était mariée bien jeune et m’envoyait des cartes postales de tous les coins du monde qu’elle visitait, accompagnée tantôt de son mari ou d’un de ses enfants. Ma concubine était assez jalouse de la relation que j’entretenais avec Danaé depuis tant d’années mais elle me remit toujours ses lettres. Elle les lisait en cachette mais je ne lui en voulais pas.

Ma santé se détériora malgré toute son attention. Je mangeais trop peu, n’ayant plus que la peau sur les os, je promenais un corps décharné. Parce que je lui faisais horreur, nous faisions lits séparés depuis un moment déjà. Les seules fois où elle me touchait encore, c’était pour me laver au gant de toilette, et me changer quand j’avais fait dans ma couche. Elle m’avait promis que si je me remettais à manger suffisamment, elle me ferait l’amour comme avant. Mais obstiné que j’étais à jeûner, mon estomac se mangea lui-même, créant des occlusions intestinales irréversibles.
Ma concubine alerta Danaé de la gravité de mon état.

Un matin, je fus réveillé par une dispute entre ma compagne et Danaé. Cette dernière lui répétait d’arrêter de me cacher, de tout me dire, mais je ne comprenais pas ce que ma compagne aurait pu me cacher, me tenir secret. Et puis, ce qui la concernait était sans importance pour moi. Danaé vint à mon chevet, me prit la main en la serrant entre les siennes et me dit :
« J’ai sur moi sa photo, je t’en prie, dis-moi que tu veux la voir ?
- Non ! lui répondis-je encore. »
Elle m’embrassa sur la joue. Je restais à humer l’odeur de sa peau naturelle. Mais sentant ma fin proche, je lui dis d’appeler ma compagne. Quand elles sont venues s’asseoir au bord du lit, je leur fis mes adieux solennels... Et je rendis mon dernier souffle.
Libéré de mon enveloppe charnelle, je me sentais bien plus léger, je n’avais plus cette peur au ventre de devoir traverser la rue, de dépasser des attroupements de filles sans me sentir ridicule, la crainte qu’elles se moquent de moi. Et puis, je savais que bientôt je retrouverai Antéa. J’explorais les plans subastraux mais je ne trouvais curieusement aucune trace d’elle. Je consultais les registres astraux et j’appris qu’elle était encore sur terre.

Il y avait sûrement une erreur ! En désespoir, je retournai sur terre vers celle qui m’avait donné des jours heureux par son amour inconsidéré. Mais l’appartement avait changé de propriétaire. Et comme je n’avais pas aimé suffisamment ma compagne, cela ne suffisait pas de penser à elle pour me retrouver transporté auprès d’elle. Alors, j’ai pensé à Danaé et très vite, je fus déposé sur les rives des eaux du Gange.
Danaé était assise sur les marches d’un ancien temple et près d’elle, ma compagne. Et tout un monde de chimères s’écroula quand Danaé se tourna vers elle, et lui dit : « Antéa, regarde ce bel indien, tu ne le trouves pas mignon, on dirait une fille ! »

Mon corps subtil s’est craquelé par endroits, le prana s’échappait par nuées, je me sentais me dissoudre comme dans un bain d’acide fluorhydrique. Antéa a levé les yeux de l’album photo pour dévisager l’indien, c’est vrai qu’il lui faisait penser aux traits fins de son aimé.
Je commençais à comprendre bien des choses, comment elle avait monté le stratagème de la fausse présentation. Je revenais sur les illusions de mon passé. Je n’avais su la reconnaître ni de mon vivant, ni des strates mortuaires. Depuis que j’étais parti, elle n’avait pris personne pour me remplacer et j’aurais donné mon âme pour passer encore une seule nuit avec elle et l’aimer de tout mon être. Je m’approchais d’elle. Je restais à l’observer. Elle était transie d’émotion, la larme à l’oeil, le visage à la limite de s’effondrer en pleurs et elle tournait les pages de l’album photo où elle me voyait vieillir au fil des années. Quand elle souriait, c’était toujours avec le même désespoir dans le regard, comme si rien de ce monde ne pouvait la contenter. Ma douce Antéa !

Revenue à son ashram, elle regardait au travers de la vitre par-delà les montagnes enneigées, les luminaires et les étoiles plus petites. Et la main sur ses lèvres tremblantes, elle envoyait un baiser par l’esprit à l’étoile qu’elle avait choisie, qu’elle avait cru naître le soir du jour où je m’en étais allé. Elle regrettait de ne pas lui avoir dit toute la vérité quand il était encore tant qu'il s'en sorte.

La nuit, quand elle était prise d’insomnie, elle se promenait seule dans les bois, faisant craquer sous ses pas, brindilles et feuilles sèches. Le jour, elle dévalait les collines avec Danaé au bras, se déshabillant l’une et l’autre auprès des cours d’eau et des torrents dont les vertus s’étaient oubliées au fil du temps. Elles épousaient de leur corps nus, les formes étrangement humaines des rochers chauffés par les rayons du soleil. Comme les bacchantes, elles faisaient l’amour avec la nature, ne se préoccupant guère de leur âge avancé et des plis dissonants de la vieillesse.

Un ange fit son apparition au travers de la chute d’eau. Après qu’il se fut présenté, Antéa l’interrogea sur son aimé mais l’entité céleste n’en voulait rien savoir. Il lui dit qu’il la trouvait fort belle. Antéa était flattée mais sans plus. A l’inverse, Danaé était tombée immédiatement sous son charme. C’est qu’elle était en manque d’amour depuis que son mari, lui aussi l’avait quitté. Elle trouvait Antéa bien idiote de refuser une telle union dont pourrait naître le nouveau demi-dieu dont l’humanité avait un cruel besoin.

L’ange visita Antéa dans sa chambre après sa longue promenade dans les bois pendant qu’elle coiffait ses cheveux blancs et clairsemés. Elle était amusée de voir flotter au-dessus d'elle cet ange un peu fantasque qui malgré sa nature céleste s’était épris d’elle. Elle défit la moustiquaire de façon à continuer à le voir, mais ses yeux étaient bien lourds. Et à peine s’allongea-t-elle dans ses draps que le sommeil l’emporta. L’ange vit le corps astral d’une toute belle jeune femme se détacher de la bien vieille enveloppe charnelle marquée par les vicissitudes du temps. Il prit sur lui avec tous les risques qu’il encourait de réveiller la conscience de la jeune femme. Elle se trouva mal de se voir flotter au-dessus de son corps apparemment inerte. Mais voyant l’ange tout près, elle se ressaisit et lui donna la main et tous deux s’en allèrent par les chemins étoilés.

Au petit matin, Antéa raconta à Danaé son étrange aventure par-delà les étoiles. Quand l’ange se montra de nouveau auprès de la chute, Danaé demanda à faire partie du voyage la nuit prochaine. Après maintes réticences, il promit d’accepter à condition que Antéa daigne bien l’embrasser. Elle s’approcha de lui et tenta de le serrer dans ses bras, mais elle ne fit que le traverser, plongeant du même coup dans la rivière manquant de s’y noyer si Danaé ne l’avait pas secourue immédiatement.
Le soir venu, il tint sa promesse et les embarqua à bord du galion des promeneurs de l’astral.
Antéa et Danaé lui demandèrent de les conduire à Gémani mais l’ange leur répondit :
« Vous n’êtes pas mortes, seule votre conscience est réveillée et sous cette forme, il ne vous appartient pas de visiter le monde des morts.
- Dis-nous où sont-ils, dans quel tréfonds de cette vallée brumeuse se cachent-ils ? demanda Antéa.
Bien en aval de cette rivière sinueuse, il existe une cité éternelle où ils partagent leur temps avec de jeunes déesses de 16 ans d’âge, qui ne vieillissent jamais et qui sont fraîches comme la rosée du matin !
- Cela doit faire des lustres qu’il ne doit plus penser à nous ! reprit Danaé.
- Alors, il m’a oublié dans les bras de l’une de ses beautés que sur terre il osait qu’à peine regarder ! conclut Antéa.
- Ce que tu ressens comme de l’amour à son endroit n’en est pas. Tu ne l’as aimé sur terre que par habitude. Au fil des années, tu es devenue comme lui. Parce que tu ne te trouvais pas parfaite et par peur de souffrir, tu es revenue vers celui que tu savais trop faible pour résister à l’ardeur amoureuse de n’importe quelle femme. Et comme tu ne voulais pas d’une passion ancienne, tu lui as caché ton identité espérant faire naître une nouvelle histoire d’amour, lui assena l’ange.
- Mais il n’a pas voulu de cet amour, se référant à la première, celle que j’avais cessé d’être. Son amour pour moi n’était pas suffisamment fort pour qu’il me reconnaisse dans la passion que je lui portais, se défendit-elle.
- Et crois-tu que le tien le soit assez pour le reconnaître s’il se tenait près de toi ? »
Prise d’un effroyable doute, Antéa s’élança vers lui. Mais l’ange fit un pas de côté et Antéa franchit la rambarde et tomba dans le vide vertigineux, droit vers la rivière sinueuse. Danaé se réveilla en sursaut et se calma en songeant que ce n’était qu’un rêve. Mais au petit matin, Antéa fut retrouvée morte. Quand Danaé l’apprit, elle maudit l’ange. Elle alluma le grand bûcher et regarda les flammes dévorer le corps physique de celle qui avait été son amie. Quand la crémation s’acheva, elle se rendit à la chute d’eau où elle avait vu l’ange les deux premières fois, et elle pria des heures durant pour qu’il apparaisse de nouveau mais il ne vint pas. Alors la nuit suivante, elle trouva seule le moyen de quitter son corps pour remonter à bord du galion. L’ange apparut sur le pont devant la barre. Excédée, elle lui reprocha d’avoir précipité la mort d’Antéa.
« Pourquoi ne veux-tu pas la laisser partir en paix ? lui dit-il.
- C’était ma seule amie, que vais-je devenir sans elle ? répondit-elle.
- La mort n’est pas un événement triste, c’est vous les humains par votre attachement qui vous complaisaient dans la souffrance. Les morts sont heureux. Ha si vous ne pleuriez plus sur vos morts, mais vous réjouissiez de leur départ ! Vous osez dire avoir la foi mais votre peine vous contredit !
- A-t-elle donc retrouvé sa joie de vivre dans la mort, l’interrogea-t-elle.
- Non pas encore, mais cela viendra. Regarde, tu vois cet éclat en bas près de la rivière, c’est elle et c’est l’amour que tu as pour elle qui te permet de la distinguer malgré la noirceur.
- Et cet autre éclat dit-elle, montrant un point sur l’horizon.
- Tu ne devines pas ? Si Antéa te manque, rien ne t’empêche de sauter à ton tour pour la rejoindre et l’accompagner dans sa traversée.
Danaé pensa à ses enfants et petits enfants.
- Les tiens n’ont plus besoin de toi, reprit-il. Ta tâche sur Terre est terminée. Regarde-la, elle passe en ce moment exactement à la verticale du vaisseau. Elle aurait bien besoin de son amie pour continuer à avancer dans ce monde désolé. »
Danaé prit appui sur la rambarde et sauta en direction de l’éclat. Elle se déposa en bas comme un charme. Le paysage autour d’elle était funèbre : marécages sirupeux, troncs d’arbres noircis, lianes épaisses et infranchissables, eaux nauséabondes. Elle vit à une trentaine de mètres, une lueur la rattraper. Elle attendit et les deux lueurs n’en formèrent plus qu’une en se rejoignant. Antéa et Danaé s’étaient retrouvées.
Tout de suite, avant même de lui expliquer quoi que ce soit, Antéa lui montra le même éclat qu’elle avait remarqué si loin à l’horizon à bord du galion.

Les deux jeunes femmes marchaient depuis des jours dans ce monde mort, seulement l'écoulement de la rivière, par endroits couvrait le bruit de leurs pas. Mais, l’éclat était plus fort maintenant. Et le paysage changeait, se faisant moins monotone, plus riche en couleur. De jeunes femmes s’épanchaient dans l’eau auprès d’un banian dont le tronc émergeait. Elles étaient d’une beauté fascinante. La végétation devenait luxuriante. Des palais aux couleurs vives les distrayaient de l’éclat vers lequel elles marchaient depuis si longtemps. Il y avait des coupes de fruits disposées ça et là, à l’attention des voyageurs. Elles se rassasièrent de fruits aux saveurs étranges et nouvelles. Elles virent de jeunes hommes marchant fièrement, seulement vêtus de pagnes. En poursuivant leur route, elles passèrent devant des pierres érigées en monticules et dont en s’approchant, on pouvait entendre le chant des univers infinis. Sur la plage, d’immenses vagues venaient s’abattre comme au ralenti, des coquillages aux couleurs vives formaient des socles aux statues de pierres devant les temples aux colonnes, vestiges des siècles. Au loin, on voyait l’Esprit de Dieu et de sa compagne flotter par-dessus les eaux et veiller à la bonne marche des âmes. Ce ne devait être qu’une représentation mais cela mettait du baume au coeur. Antéa et Danaé franchirent comme un portique fait de deux immenses pierres longilignes et élevées dans le ciel et avancèrent dans le pré.

Quelques mètres plus loin, elles virent l’ange attablé avec Gémani qui portait sur ses genoux une jeune femme au corps de rêve, au teint brunâtre, une orchidée glissée dans les cheveux. Elle était affublée de colliers de fleurs autour du cou et de bracelets de coquillages autour de ses poignets et de ses mollets. Au niveau du nombril, elle avait un gros rubis enchâssé et entre les yeux, une émeraude en forme d’étoile.
« Hé bien, les filles, on s’impatientait, vous en avez mis un temps pour arriver ! s’esclaffa l’ange farceur. »

La rage transforma Danaé en une furie ailée. Effrayé, l’ange s’enfuit échappant de justesse aux griffes de Danaé qui n’abandonnant pas pour autant sa charge fabuleuse, le poursuivit dans le lointain, sur le chemin de chaux blanche qui dévalait les collines. Antéa resta à contempler Gémani. Elle s’assit en face de lui. Il avait ici la beauté qu’il n’avait jamais eue sur terre, bien que son visage n’eût presque pas changé. Il avait toujours ses lèvres épaisses et ses traits fins mais une lumière telle dans ses yeux qu’on ne pouvait détacher son regard de lui. « Tu ne m’aimes plus ? lui demanda-t-elle en désignant d’un hochement de tête la beauté qui lui faisait de l’ombre. » Comme il ne répondait pas, elle resta à le contempler comme s’il n’y avait rien de plus beau que lui.

Danaé revint avec l’ange. Quand tous furent attablés, des boules d’un bleu azuréen sont apparues tout autour d’eux. Elles se mirent à tourner, à tourner sur elles-mêmes toujours plus vite, jusqu’à entraîner une distorsion de l’espace. Elles se rassemblèrent pour donner naissance à une immense goutte d’eau empreint de toute part d’électricité statique. L’ange proposa alors à Antéa et Danaé de venir s’y dissoudre.

Mais elles avaient peur. Alors Gémani congédia sa vahiné d’une tape sur les fesses. Il prit Antéa dans sa main droite la rassurant par son regard attendri de tout son amour et Danaé dans sa main gauche. Et tous trois sont entrés dans la fournaise faite d’eau et d’électricité. Autour d’eux, des mondes inconnus se sont succédés. Des pyramides martiennes, vestige d’un autre temps, un chemin de dalles noires et blanches, vestige de civilisations perdues. Ils reçurent la substance des choses, toute la connaissance et le royaume de Dieu se déversèrent en eux. Quand ils quittèrent l’immense goutte d’eau, il y avait trois anges de plus. L’ange farceur les rejoignit et tous les quatre s’envolèrent jusqu’au pont qui menait à l’Esprit conjoint de Dieu et de sa compagne.
Modifié en dernier par Gemani le 19 mai 2021, 19:26, modifié 15 fois.
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La chute des souvenirs


Elle semblait penser à lui pendant que je l’observais. Elle devait l’aimer sans doute. Je ne voyais pas l’homme, je ne faisais que la regarder sous tous les angles cherchant à deviner ses pensées. Elle faisait travailler ses mâchoires l’une contre l’autre comme pour mieux le désirer et beaucoup lui signifier. Se reprenant l’espace d’un instant après son désir passager, elle amenait son auriculaire à la bouche, les yeux excentrés vers le téléphone, elle jubilait de pouvoir si elle le voulait mais elle ne le ferait pas. Pourquoi avait-elle laissé les années partir et sa voix se perdre ?
En compagnie de ses amies, elle riait selon les convenances établies se refusant encore d’avouer un reste de passion qu’il se devait d’imaginer. Car en fait, elle se moquait bien de ce qu’il avait pu devenir depuis. Mais, il se raccrochait à cette idée qu’elle éprouvait encore quelque chose pour lui, quoi que cela puisse être. En fait, elle n’avait plus voulu s’en occuper, lui donner l’illusion de penser encore à lui.

Son amour aidant, il parvint à se propulser vers elle et chemin faisant, il contrôla le phénomène. Souvent, il s’absentait pour la visiter. Bien sûr, elle ne pouvait pas le voir mais l’important était pour lui de la voir évoluer, de la voir exister, de la voir partager sa vie, même avec d’autres.
Quand il n’était pas prés d’elle, il dessinait avec l’index le nom de sa belle dans l’espace. Il devait même parfois se retenir de prononcer son nom quand il rentrait le soir fatigué de sa journée de labeur. Mais elle ne voulait plus.
Cela lui aurait trop coûté d’attendre qu’une autre vienne à lui. Il en était resté là où elle avait cessé de l’aimer. Il la visita en esprit de plus en plus souvent au point de délaisser son corps, sa vie n’ayant plus aucun sens, privé d’elle. L’état de son corps déclina et les médecins ne gardaient branchés qu’un légume sans âme.
Quand un homme cherchait à la séduire, il s’amusait à deviner s’il avait une chance de la ramener chez lui. Il s’était rendu compte que les hommes pour qui elle avait un faible, étaient presque tous désincarnés, comme branchés sur des canaux bien huilés qui font que les filles tombent chaque fois et se réveillent le nez dans le ruisseau au petit matin. Quand l’homme avait envie d’elle, emporté par son instinct et sans la moindre hésitation, il lui assénait quelques grasses flatteries et elle succombait dans son délire et s’offrait tout entière à son désir.

Moi, je n’avais jamais osé la prendre de force, ou la travailler de façon qu’elle craque parce que tout simplement quand je lui parlais, je ne me sentais plus, je perdais chacun de mes repères, baigné par l’émotion que faisait naître sa voix dans mon coeur. Alors souvent, je m’engouffrais dans un de ces corps vide d’esprit quand il venait l’entourer de ses bras et je souffrais d’autant plus de sentir tout ce désir qu’elle exprimait pour cet homme qui n’était pas moi. Je voulais seulement que quelque chose lui éveille l’esprit et lui donne à songer à moi, mais elle s’abandonnait à mon corps d’emprunt. Je restais près d’elle tant que je voyais que je ne perturbais pas son aura. Souvent, je l’envahissais et les ténèbres venaient noircir ses ondées. Alors, il me fallait ressortir de l’enveloppe parce que je commençais à dévorer son âme à trop vouloir d’elle.
Maman qui souffrait horriblement de mon état consentit selon l’avis des médecins à débrancher les appareils et je perdis ma belle insatiable en pénétrant dans les couches infernales. Là, il me fut reproché d’avoir perdu ma liqueur séminale, de m’être reposé sur les épaules de maman, de n’avoir pas pris mes responsabilités, d’avoir trop espéré des jeunes femmes de la terre sans avoir fait un pas vers elles, d’avoir eu des pensées coupables pour les jeunes femmes que je croisais dans la rue, d’avoir eu peur des hommes et enfin, d’avoir été triste et mélancolique. A l’annonce de mon jugement, je vis mon étincelle divine, ma flamme s’enfuir en direction du feu continuel. Mon Esprit me toisait de haut fort mécontent de mes inactions. Quand il m’abandonna à son tour pour rejoindre le feu continuel, je vis la multitude en moi, j’avais toujours été en guerre perpétuelle contre moi-même. De cette opposition, je n’avais rien osé construire préférant être passif et me laisser porter au large d’abord par les uns, ensuite ramené vers la plage par les autres, mais je n’avais jamais pu rejoindre la côte. Je n’avais pas su trouver la paix, prendre le temps de faire zazen, assis sur mon coussin. Je n’étais pas mort à moi-même pour renaître d’Eau et d’Esprit. Je n’avais pas cherché Dieu de toute mon âme.

Bientôt, il me semblait que j’allais cesser d’exister. Je perdais mes ego les uns après les autres, chacun était des morceaux d’elle tant elle m’avait contaminé l’existence. Entre ma traversée des lacs de feu et la Chute des Souvenirs, je n’avais conservé que les grandes lignes de ma passion, mais ils m’avaient arraché le prénom de mon aimé. Mon dernier souvenir d’elle s’évapora et peu après, je fus dissous complètement. J’émergeais au bas de la Chute, déchu de toute polarité.
Devenu élémental, sans passé, je me refusai à plonger de nouveau dans la création et déclamai à qui voulait m’écouter qu’il était inutile de tenter l’aventure. Je refusai mon aide aux magiciens et des générations d’élémentaux se succédèrent tandis que je refusais obstinément de reprendre le cours normal des incarnations.

J’eus comme un choc lorsqu’un élémental en tout point semblable aux autres s’ébroua sur le rivage. Il en venait des centaines en permanence mais celui-ci, étrangement, me semblait différent, comme digne d’intérêt. Il accapara tout mon être et j’entrepris de l’instruire de ce que j’avais acquis. Je lui expliquais les règles, mes craintes sur la plongée dans la création, espérant l’effrayer afin qu’il reste près de moi. Il me demandait de justifier mes craintes et je lui répondais que vivre me semblait une quête vaine et inutile, qu’il n’y avait aucun état vers lequel évoluer. J’aimais qu’il soit intéressé par ce que j’éprouvais, mais alors que nous étions en balade, il me montra le germe d’un cristal qu’il avait choisi pour s’incarner. Devant moi, il s’infiltra dans la matière cristalline et pendant des milliers d’années, il développa la patience. Quand les hommes l’ôtèrent de la roche et le taillèrent en petits morceaux, il quitta le règne minéral pour rejoindre le végétal. Il évolua parmi les grands arbres où il apprit à se diriger vers la lumière mais aussi à puiser, recevoir, croître et prospérer. Mais un bûcheron passant par là, le trancha à sa base. Quittant le végétal pour le règne animal, je le vis éprouver ses premières craintes, devant parfois fuir, lutter et se battre pour ne pas périr. Il finit ses incarnations animales dans une batterie industrielle d’élevage de porcs.

Enfin, le règne humain lui ouvrit ses portes, il choisit de naître femme.
Parce que je l’aimais depuis toujours, j’avais voulu la soutenir lui révélant des dons de médium dés sa toute petite enfance. Mais en venant la posséder, je ne faisais que faire éloigner son âme. J’aurai pu contrôler un autre médium et goûter ma promise à travers lui mais pour combien de temps. je désirai que ça dure éternellement. Je savais bien qu’il me fallait devenir homme pour qu’elle me ressente pleinement de l’extérieur vers l’intérieur. Et je comptais les mondes qui me séparaient d’elle : le règne minéral, le végétal et l’animal. Malgré mon envie de la tenir dans mes bras, le chemin était trop long et ardu.

Je me perdais dans la contemplation de la Chute où je voyais partir les souvenirs par milliers, s’engouffrer dans le gigantesque maelström, qui comme un trou noir se dévorait lui-même. Alors, j’entrepris comme Orphée de remonter, de revenir des Enfers. En grimpant la Chute des Souvenirs, le trou noir me rendit mes souvenirs d’elle et je compris cette attirance fatale. Mais, il me rendit également l’expérience acquise par des milliards d’individus. Parvenu au sommet de la Chute, j’ai regardé dans le précipice et j’ai vu que le maelström avait disparu. J’avais puisé toute sa force. Bien qu’autour de moi, des malheureux tombaient par centaine dans le précipice, cela ne rendait pas au vortex l’énergie que je lui avais prise. Il ne semblait pas pouvoir se reformer. Arrivés au pied de la chute, les malheureux au lieu d’être revigorés, s’immobilisaient comme des statues de glaise, l’âme cristallisée. Les suivants, se frayant un passage au milieu des statues, connurent le même sort avant d’atteindre l’ancien rivage. Les derniers arrivants brisaient les âmes des premiers sans exprimer le moindre remords. La glaise répandue sur le sol commençait à former des monticules qui finiraient sûrement par combler la chute dans toute sa hauteur. J’avais brisé la roue du grand lessivage. Malgré cela, j’ai continué mon chemin et sautant à cloche pieds pour éviter les lacs de feu, je croisais l’essence de mon Antéa d’antan qui n’était autre que l’élémental que j’avais suivi dans la ronde des réincarnations. Elle était en prise à de féroces démons qui tiraient sur ses cheveux, déchiraient sa poitrine à coup de griffes et l’empalaient à coups de cornes. Mon état de Djinn, victorieux de la Chute des Souvenirs et des lacs de feu, effraya ses tortionnaires et ils s’enfuirent devant moi. Comme je ne voulais pas que ni moi ni elle, ne périssions en poussière au bas de la chute, je l’accompagnai sur les rivages du Styx. Quand le passeur dans sa barque nous vit approcher, il sauta dans le fleuve pour échapper à mon regard comme si j’avais été investi des pouvoirs de Méduse. J’ai fait monter ma compagne d’échappée dans le vaisseau de la délivrance. Mon état de Djinn me permit de me retourner avant de franchir les portes de la mort et ainsi j’emmenais pour mes retrouvailles terrestres des pouvoirs faramineux. De retour dans le monde des vivants, j’ai partagé avec elle l’immensité de mes pouvoirs. Riche de mon savoir, des informations qu’elle avait su tirer de moi, elle fit des Amériques, un immense harem où se concentraient les hommes dans d’immenses enclos. De mon côté, je regroupai les femmes sur les plaques africo-eurasiennes. Je me régalais de les voir se battre entre elles seulement pour être ma maîtresse d’une nuit. Quand hommes et femmes dépassaient la soixantaine, nous avions décidé d’un commun accord de les envoyer finir leurs jours tranquillement sur le continent australien.

Comme nos deux corps n’étaient que la cristallisation de nos pensées toujours en mouvement, nous ne pouvions pas donner vie. Par notre volonté, les hommes et les femmes assistaient impuissant à la fin de l’humanité. Au bout d’une centaine d’années, il ne resta plus qu’elle et moi sur la planète. Nous étions bien forcés d’aller l’un vers l’autre. On s’est persuadés que nous étions fait pour vivre l’un avec l’autre. Et comme, il nous fallait trouver du plaisir, on s’est accouplés comme des bêtes en chaleur. Mais nos deux corps enlacés déchaînèrent une passion qui ravagea toute la flore et la faune, déracinant sur son passage les montagnes millénaires, provoquant la collision des objets célestes, bouleversant la ronde des étoiles. Il me plaisait de la savoir détentrice des grands mystères et bien que j'aimasse la dominer et la rendre servile, ses pouvoirs dévastateurs la rendaient encore plus désirable.

Au petit matin, malgré les éléments qui se déchaînaient autour de moi, les volcans qui entraient en éruption, les tremblements de terre à répétition qui secouaient la planète, les cyclones qui balayaient les arbres sur leur passage, les raz de marrée qui se succédaient, je l’ai trouvée allongée nue sur un parterre de pétales de roses rouges et jaunes et une envie irrésistible de me déverser en elle me reprit. Elle m’offrit sa bouche, ses yeux pétillaient d’une flamme débordante. Enfin, je ne me trouvais plus seul, j’avais retrouvé ma moitié. Je restais à la contempler. Elle sommeillait paisiblement me recouvrant à moitié de sa nudité. J’aurais alors voulu que le temps s’arrête parce qu’en cet instant, je n’avais plus aucun désir à satisfaire. Mais le Big-Crunch continuait ses ravages et nous n’avions plus moyen d’arrêter les collisions multiples des corps célestes malgré nos pouvoirs immenses rassemblés. Les anges restaient ébahis devant ce que nous avions fait. Eux qui chantaient habituellement des louanges au Seigneur avaient vu leur champ d’expérience mis à feu et à sang par la passion de deux êtres revenus des terres infernales. Les quelques élémentaux que j’avais quitté attendaient d’être incarnées mais la matière semblait vouloir se disloquer de l’intérieur, les germes cristallins irradiaient comme s’ils poussaient des cris plaintifs. Les lois de la physique n’avaient plus cours. Le croissant de lune vint éventrer la Terre qui se fendit en deux. Nous édifiâmes autour de notre moitié de Terre une barrière d’énergie protectrice, qui nous fit rebondir sans dommage sur les objets célestes. Cela nous permit aussi de conserver l’atmosphère maintenant nos corps en vie. À cause de cela, un seul d’entre nous pouvait se reposer pendant que l’autre activait de tous ses pouvoirs rassemblés la barrière protectrice. C’était à mon tour de souffler un peu mais j’eus encore envie de son corps luminescent et je commençai à caresser sa peau luisante dans la nuit. Malgré mes attouchements, elle essayait de rester stoïque, debout sans faiblir supportant la voûte céleste. Elle m’a prié d’arrêter, qu’il en allait de notre survie, qu’elle risquait de ne pas pouvoir tenir, mais je ne pouvais m’empêcher de coller mon corps contre le sien. Je voyais déjà des trouées noirâtres dans le ciel parce qu’elle se laissait aller à mon toucher précieux. N’y pouvant plus, elle répondit à mes attouchements en cessant de canaliser son énergie sur la voûte. Et pour un temps, on s’abandonna aux joies de l’amour.

Mais le réveil fut douloureux, l’atmosphère s’était fortement raréfiée. Je lui fis encore l’amour de crainte qu’elle me reproche les conséquences de mon acte dernier. Et dans le déferlement absolu de notre passion sexuelle, Pluton, la planète gelée se rapprocha de notre moitié de Terre qui sous la force de gravitation, explosa en mille morceaux. On se réfugia sur un morceau de quelques hectares de surface à peine et sur ce vaisseau sans gouvernail que le destin nous avait réservé, nous sortîmes du système solaire. Désormais, nous utilisions nos pouvoirs rassemblés pour contrecarrer le froid intersidéral. Mais nous étions déphasés et l’absence d’oxygène provoquait en nous des hallucinations, nous restions l’un contre l’autre pour nous réchauffer. Malgré cela, nos membres s’engourdirent et se couvrirent de glace. Je rassemblais mes dernières forces pour la coller contre moi et nous fûmes congelés pour l’éternité dans un baiser gelé. Si un jour vous nous découvrez, ayez pitié de nous, ramenez-nous à la vie.
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Victime d’amnésie



Je ne me souvenais pas de ce qui m'avait poussé à venir m'installer sur la Côte d’Azur. Cela faisait vingt ans que je vivotais dans la banlieue marseillaise avec pour seul bien une caravane de chantier. La mairie m’autorisait à occuper les lieux en contrepartie de l’entretien d'un jardin communal.

Ce jour-là, j’étais le jouet de deux femmes. Elles échangeaient des propos rieurs en me jetant des oeillades discrètes. J’avais croisé leurs regards chaque fois que je m’étais retourné. La moins jeune s’est levée. Elle a marché dans ma direction, s’est arrêtée pour me demander si on ne se connaissait pas. J’ai levé les yeux vers elle et lui ai répondu qu’elle devait se tromper. Elle m’a instamment prié de bien la regarder mais je n’ai pas changé d’avis. J’ai recommencé à tailler les rosiers et elle s’est éloignée pour revenir sur le banc auprès de sa jeune amie.

Quand une femme entamait la conversation avec moi, j’avais pris l’habitude de la décevoir au plus vite pour ne pas la tenter et la faire fuir avant que je ne sois troublé par ses manières. La compagnie des femmes me donnait des bouffées de chaleur. J’étais allergique au sexe féminin. Celle-ci, environ la quarantaine, avait pourtant des manières d’adolescente. Je commençais à me poser des questions comme d’habitude. Si j'avais été charmant avec un beau costume mais je ne portais que l'habit gris d'employé communal. A la voir agir, on comprenait qu’elle n’eût pas encore élevé ses barrières de protection, elle était restée vraie, toute prête à se dévoiler, comme une femme enfant. Elle n’était pas sans me rappeler une présentatrice, souvenir lointain de nuits passionnées. La même joie, le même charme, la même élégance avec de la malice plein les yeux, le regard taquin, cette même envie de découvrir, de communier avec l’autre le temps de quelques heures.

Petit à petit, je me suis rapproché d’elles en taillant les rosiers. Elle avait un rire délicieux qui me transportait. Je continuais à la regarder du coin de l’oeil, je me sentais irrésistiblement attiré. Pour la première fois de ma vie, j’ai osé adresser la parole à des femmes qui me plaisaient.
« Mesdames, puis-je me permettre de vous offrir quelques roses ?
- N’en faites rien surtout, nous serions accusées de dégradation communale. »
Mauvaise entrée en matière me suis-je dit ! Pour une première, c’était raté, pourquoi n’avoir pas commencé par une réflexion anodine sur le temps ! Comme j’avais été stupide, j’avais gâché ma chance ! Où en étais-je ? Ne sachant pas quoi rajouté maintenant que je m’étais brûlé, je bredouillais lamentablement une moitié de phrase incompréhensible, ce qui les rendit hilares et les fit s’en aller. Je suis revenu m’occuper de mes rosiers en me demandant ce qui m’avait encore pris ! Comment avais-je pu imaginer plaire à des canons pareils !

Le lendemain, la plus jeune est revenue seule flâner dans les environs. En me croisant, elle m’a souhaité une bonne journée. J’ai fait la remarque qu’elle n’était pas accompagnée par son amie plus âgée. En prenant l’air préoccupé, je lui ai demandé si elle n’avait rien de grave. Elle a sympathisé. J’appris que la femme plus âgée était sa mère. Elle m’a demandé comment je m’appelais. Elle me répondit que son frère portait le même prénom que moi, ce qui parut l’enchanter.

Quand je terminais mes journées de travail en milieu d’après-midi, elle se promenait à mon bras dans le parc. Je lui expliquais comment reconnaître les différentes espèces de roses. Elle avait une préférence marquée pour les tachetées. Elle m’écoutait attentivement et me posait des questions comme si ça la passionnait. Elle était pleine de gaieté, parfois même, j’arrivais à la faire rire. Quand nous sortions du parc, je voyais sa mère qui nous suivait en voiture mais je faisais semblant de rien. Elle devait sans doute s’imaginer que je cherchais à séduire sa fille mais j’appréciais davantage de me sentir traqué comme une bête fauve, ça me donnait l’impression d’exister.

Béatrice, c’est ainsi que s’appelait ma jeune amie, m’invita à passer à la maison pour me changer les idées. Elle disait que ça me sortirait un peu de ma solitude de vieux garçon complexé. C’est vrai qu’elle était pratiquement la seule personne à qui je parlais.

Je me rendis chez elle un bouquet de violette à la main, un peu ridicule dans le costume du dimanche que j’avais emprunté. Je portais si mal le vêtement ! C’est sa mère qui me reçut et m’invita à entrer dans sa demeure. Béatrice accourut, voyant le bouquet, me demanda si comme les roses, elles venaient du jardin communal. Un peu outragé, je répliquais fièrement qu’elles venaient du fleuriste mais que la décoration ornementale était de moi. Sa mère me demanda à qui était destiné le joli bouquet. Me sentant désarçonné, Béatrice coupa court en affirmant qu’il devait sûrement être pour toutes les deux. Sa mère m’aida à retirer ma veste tandis que sa fille me prit le bras en disant vouloir me faire visiter la maison. En entrant dans le salon, je fus présenté à son frère Gémani dont elle m’avait déjà parlé. Mais par des jeux de miroir, je vis que leur mère était en train de fouiller dans les poches de mon veston. Elle en sortit mon portefeuille qu’elle déplia et observa longuement. Il m’a semblé voir son teint s’éclaircir, ses yeux s’illuminer. J’ai craint d’être chez la famille coupe-gorge. Je n'avais qu'un billet de cinquante euros et quelques pièces mais dans ces temps difficiles, cela pouvait représenter une véritable fortune ! D’une minute à l’autre, je m’attendais à être bâillonné, goudronné, plumé et immolé dans la cave. Je les voyais déjà m'enterrer dans le jardin avec les autres.

Mais, Béatrice me sortit de ma rêverie en m’invitant à m’asseoir. Sa mère revint avec un vase court pour y plonger mon bouquet de violettes. L'ambiance me paraissait tendue. Ils ont commencé à me poser des questions sur ma vie. J’avais l’impression de passer un interrogatoire dans un commissariat. Béatrice tira le rideau pare-soleil et soudain, je fus illuminé au point que je dus fermer les yeux. Le soleil qui filtrait par la vitre, faisait office de lampe aveuglante. Je répondais par des réponses brèves et des explications succinctes. Leur mère jouait le rôle du commissaire. Elle lançait à la charge ses deux inspecteurs l’un après l’autre pour essayer de me prendre en défaut. Elle passait curieusement la langue au coin de ses lèvres à chacune de mes réponses. Je lui souris quelque peu gêné. Elle engagea la conversation de but en blanc pour couper court à ses enfants.
« Vous souvenez-vous avoir connu une femme qui se prénommait Antéa ?
- Antéa, joli prénom mais ça ne me dit rien, je regrette ? Devrait-il m’être familier ? »
Voyant son air abattu, je lui expliquais qu'à la suite d'une commotion cérébrale, j’avais souffert d’amnésie. Depuis, je ne me souvenais pas de mes trente-cinq premières années.
J’ai vu alors les yeux de la quadragénaire se perdre dans le néant.
« Et la date d'aujourd'hui ne vous est-elle pas familière ? renchérit Béatrice.
- Non, pas davantage, je regrette.
- C'est l'anniversaire de maman ! »

Béatrice et Gémani semblaient désemparés. Leur mère essuya une larme en essayant de se ressaisir. Elle me regardait sans rien dire mais en respirant très fort. Était-elle asthmatique ? Ne voulant pas les blesser davantage, je coupais court à leurs questions, leur disant qu'il me fallait partir. Je me sentais mal à l’aise à cause de la sueur qui m’envahissait partout, j’avais envie de me retrouver seul pour m’éponger tranquillement. Leur mère s'enfuit alors brusquement en montant à l’étage. Me sentant fautif, je réfléchis que je ne pouvais pas les quitter comme ça après les avoir mis dans l’embarras. J’ai gravi à mon tour les marches de l’escalier. J’ai pris une profonde inspiration et j’ai frappé à la porte de sa chambre. Elle m’ouvrit, les yeux étincelants, la gorge envahie d’un trop plein. J’avais dans l’idée de la consoler.
« Je suis désolé si je vous ai peinée, veuillez croire sincèrement que c’était pas mon intention. Je vous demande pardon, je suis souvent maladroit.
- C’est seulement que j’avais cru...fit-elle seulement avant de tomber en larmes. »
J’essayais de la remettre de ses pleurs en lui prenant la main délicatement en la tapotant tendrement. Je vis ses lèvres s’orner d’un joli sourire auquel succéda un rire nerveux.
« Savez-vous que votre rire m’est agréable, presque familier.
- Vous ne vous rappelez de rien d’autre, vous me le jurez ?
- Non, votre visage m’est inconnu.
- Ce n’est pas étonnant. On s’est connu il y a bien longtemps avant ta commotion. J'avais des photos de toi mais de moi, tu n'en as jamais eu. Je ne voulais pas que tu deviennes esclave d'une image. Je peux te montrer encore les tiennes si tu veux, elles sont là bien rangées dans un coffret doré dans le premier tiroir de ma table de nuit.
- Non, ce n’est pas nécessaire, je vous crois mais comment vous ai-je connue ?
- C’était il y a bien longtemps. Sur un chat tout d’abord et ensuite, tu m’as proposé de t’appeler au téléphone. Tu me récitais des poèmes que tu avais écrits pour d’autres. Je suis tombée amoureuse de toi au bout de quelques jours et j’ai fait en sorte que tu m’aimes.
- Comment donc ?
- En mettant tout en œuvre, comme je t’avais dit avoir vingt-quatre ans pour paraître plus femme et plus en accord avec ton âge, il me fallait échafauder des montagnes de mensonges pour ne pas m’emmêler les pinceaux quand tu me posais des questions sur ma vie.
- Est-on sortis ensemble longtemps ?
- Non, on ne pouvait pas. Tu habitais trop loin d’ici, à Annecy. Tous les jours, je t’appelais. Je laissais sonner trois coups et tu me rappelais. On s’écrivait et tu disais que tu m’aimais. Je te racontais mes journées, on parlait de tout et de rien et ça te suffisait comme à moi... enfin, je croyais.
- Pourquoi ne s’est-on pas rencontrés ?
- Parce que je t’ai abandonné au bout de 40 jours !
- Tu avais fini de m’aimer ?
- Je n’arrivais pas à te dire que je n’avais en réalité que dix-neuf ans, que je n’étais pas indépendante, je n’étais pas une femme active comme je l’avais prétendu. En fait, je voulais t’encourager à devenir responsable, à entrer dans la vie active au lieu de végéter. Mais, ma mère a tout découvert de notre relation téléphonique et épistolaire. Elle m’a menacé de me couper les vivres si je continuais à déserter les cours pour t’appeler au téléphone. Je n’aurais pas pu venir vivre avec toi, tu n’étais pas indépendant, tu vivais aussi chez ta maman. Et on avait une grosse différence d’âge !
- Combien ?
- Douze ans et douze jours de différence!
- C’est exceptionnel, plutôt un bon signe, ne crois-tu pas ?
- Mais, j’étais majeure, ma mère n’avait rien à dire ! Ca ne la regardait pas. Et pourtant, ça ne l’a pas empêché de te téléphoner pour te dire que tu mettais en péril mes études. Tu as arrêté de m’écrire et j’ai arrêté de t’appeler.
- Et pourtant, je ne t’ai pas oubliée aussi facilement, n’est-ce pas ?
- Un temps seulement puis tu m’as inondée de lettres. Alors, ma mère m’a dicté une lettre où je te disais de m’oublier, que sans toi, j’avais recouvré mon équilibre. Là, tu as compris mais six mois plus tard, tu m’as téléphoné. Mais au bout de quelques jours, tu as soudain cessé brusquement. Et j’ai dû attendre encore six mois pour que monsieur daigne m’écrire de nouveau. Et là, j’ai craqué et je t’ai rappelé...
- C’était une attirance fatale ?
- Oui ! Depuis que tu avais connu mon âge véritable, tu avais tracé mon thème astrologique et tu avais trouvé nos Vénus en conjonction au degré près, mon signe solaire était du signe de ta Vénus, sans compter que j’avais d’autres planètes en conjonction avec ton soleil. Je ne comprenais pas tout mais ça semblait expliquer notre attirance fatale.
- Je me suis suffit de cet amour platonique ? N’ai-je pas essayé de venir te voir ?
- Si mais j’ai pris peur quand je t’ai vu sur le banc. J’ai continué mon chemin comme si de rien n’était, de peur que tu me reconnaisses et au coin de la rue, j’ai couru comme une folle de peur que tu me poursuives et j’ai fait le tour du pâté de maison pour me réfugier chez moi. Après, je ne suis plus sortie de ma villa, t’observant en cachette de derrière les rideaux.
- Et après ?
- Hé bien, quand je partais en voyage pendant l’été, tu m’envoyais des colis. Pendant l’année universitaire, tu m’envoyais de l’argent tous les mois, jusqu’au jour où je t’ai dit d’arrêter. Je me sentais fautive d’exploiter tes sentiments restants pour moi. Hé fatalement, je ne t’ai plus appelé.
- Tu m’as laissé choir comme ça ?
- Pratiquement, mais cela ne t’a pas découragé. Tu m’envoyais de beaux bouquets ronds, grassement romantiques, style Boétie, Debussy, alors je me sentais obligée de t’appeler pour te remercier mais je ne voulais pas que tu imagines des choses, alors je te parlais de mon grand amour du moment. La seconde fois, je t’ai demandé si tu m’aimais encore, comme tu m’as dit non, je me suis risquée à te demander si ça ne te faisait rien que je ne t’appelle pas pendant quatre ans, tu m’as répondu de faire comme je l’entendais, que je n’avais pas de compte à te rendre, que j’étais libre. Alors, je me suis dit que tu ne tenais plus à moi et donc que je n’avais plus à veiller sur toi.
- Et j’ai laissé tomber ?
- Non ! Tu m’as envoyé de l’encens, des parfums, des shampooings, des soins pour le visage, du vernis, des fonds de teint, de l’huile pour le corps, des tee-shirts, un châle, un paréo à fleurs ridicule comme si j’avais la taille mannequin et cela pendant plusieurs années !
- Ne te lassais-tu pas de ces cadeaux imbéciles ?
- Non, mais tu m’as blessée le jour où j’ai reçu deux caracos en taille 3 et 4 comme si tu m’imaginais obèse. De plus, je n’ai pas apprécié que tu oses m’envoyer des sous-vêtements alors que nous n’étions pas intimes, sans parler de ces livres sur la sexualité du couple, de l’homme et de la femme même s’ils furent ma foi, fort instructifs.
- Je suppose que tu ne m’as pas remercié ?
- Non, quelle drôle d’idée ! J’ai laissé courir, je m’en foutais. Je me disais qu’à force de rester insensible, tu te lasserais. Finalement, tu m’as demandé d’avoir pitié de toi et la dernière chose que tu m’as envoyé a été un recueil de nouvelles que tu avais écrit. Son titre évocateur « Pour que tu m’aimes encore » me dissuada immédiatement d’en tourner les pages. Je l’ai jeté à la poubelle. Ce n’est que des années plus tard quand mon mari m’a quittée et que je me suis retrouvée seule que j’ai eu envie de le lire. J’ai retrouvé Danaé qui en avait un exemplaire. Elle me l’a confié gracieusement. Je l’ai lu et me suis enivré de ta passion, de ce désir que tu avais de me faire l’amour.
- Et aujourd’hui ?
- C’est fou de te retrouver. Mais, je t’en prie, ne me rends pas les choses plus difficiles encore.
- Mais encore ?
- Est-ce que tu veux sortir avec moi ? Rattraper le temps perdu, me dit-elle apeurée, la lèvre mordue. »
Elle me dévisageait, j’avais le regard amusé. Ma réponse tardait à venir. J’ai approché sa main de mes lèvres pour la baiser aux articulations de ses doigts, je me suis levé et j’ai fait semblant de vouloir quitter la pièce. Elle s’est jetée à mes pieds en m’agrippant les jambes, me priant de nous donner une seconde chance. Je me suis agenouillé pour la serrer dans mes bras, l’ai embrassée sur la joue et lui ai demandé d’être patiente. Je me suis dégagé de son étreinte, j’ai descendu les escaliers et je suis allé dire « au revoir » à ses enfants en leur faisant promettre de bien prendre soin de leur mère. Mais en sortant du pavillon, je me suis retourné une dernière fois. Leur mère me regardait par la vitre de la fenêtre de sa chambre, se mordant les ongles pour ne pas crier, les yeux écarquillés avalant nerveusement sa salive.

Moi, je m’en suis allé tout fier vers les chemins fleuris du jardin communal. Je me demandais combien de jours la ferais-je attendre ! Saurais-je résister à l’envie d’abuser d’elle ! Pourquoi mon coeur était si froid et le sien si brûlant ? L’avais-je donc aimée, il y a si longtemps ?
Je plantais des pensées sur un terre-plein. Me sentant observé, je tournai la tête et la vis assise sur le banc au même endroit que la première fois. Pauvre femme en mal d’amour, me suis-je dit !
Modifié en dernier par Gemani le 10 mai 2021, 07:08, modifié 2 fois.
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Douze ans que ça durait déjà


Elle scrutait la noirceur du paysage qui défilait devant elle. Le train ralentit progressivement et finit par s’arrêter. Quand elle descendit, elle prit une bouffée d’oxygène, de cet air pur du dehors qu’il fait si bon respirer. Elle n’en revenait pas d’être venue finalement. Son regard était mêlé d’une joie profonde mais aussi d’une certaine inquiétude. Elle semblait vouloir éterniser cet instant en faisant comme si elle cherchait quelqu’un au loin, dans la nuit noire, mais personne ne l’attendait et elle le savait bien. Elle quitta les quais, sortit de la gare, vit une cabine téléphonique. Elle sortit son sac à main de sa valise, plongea sa main à l’intérieur. Mais, elle ne semblait pas trouver ce qu’elle y cherchait, elle commençait déjà à s’énerver. « L’ai-je oubliée, se disait-elle ! » Nerveuse, elle renversa le contenu du sac parterre faisant un tintamarre de tous les diables. Soulagée, elle ramassa la carte, s’élança et percuta tête la première la porte vitrée de la cabine. Elle se toucha le front à l’endroit où elle avait mal, poussa lentement sur la porte et composa un numéro d’appel de mémoire, des numéros qui avaient été souvent pour elle, son seul recours à ses longues nuits d’ivresse, combien de fois les avait-elle composés de Marseille et d’ailleurs !

Dés la fin de la première sonnerie, une voix à peine sortie des draps lui répondit :
« Oui ?...OUI ! comme s’il s’énervait qu’on ne lui réponde pas.
- Tu me rappelles ?
- Tu sais quelle heure il est !
- Pardon !
- Pourquoi tu m’appelles si tard ? Laisse-moi dormir, rappelle-moi quand il fera jour.
- Pardon ! Indignée qu’elle était qu’il ne soit pas fou de joie d’entendre sa voix et même qu’il veuille raccrocher !
- Ben quoi ?
- Ha ben, ça fait plaisir. Dés que j’arrive, je pense à t’appeler, et toi, voilà comment tu m’accueilles, ça ne te fait pas plaisir que je t’appelle ?
- Bon, ça va, je te rappelle.
- C’est sûr ? dit-elle d’une voix implorante.
- Oui à la condition que ce soit toi qui raccroches parce que moi je n’arrive jamais à couper.

Elle lui dicta rapidement les chiffres et elle raccrocha.
Elle attendit dés lors, mais il ne rappelait pas, cela faisait cinq minutes déjà. Elle esquissait un sourire au coin des lèvres. Elle refit le numéro et dés qu’il décrocha, lança :
« Tu ne veux pas me rappeler ?
- Je te jure que j’ai essayé mais ça n’a pas marché. Sur l’annuaire, ils disent de rajouter deux zéros pour l’étranger mais je suis tombé sur les renseignements internationaux pour un appel en PCV. L’hôtesse m’a dit de ne pas mettre le zéro que tu m’as dit. Ça va peut-être marcher cette fois, je te rappelle immédiatement...
- Attends, je...
- Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?
- Est-ce que tu aurais envie de me voir en vrai ?
- Mais bien sûr, tu crois que tu vas encore me prendre à ton petit jeu ? Combien de fois m’as-tu promis de m’envoyer ta photo et jamais je ne l’ai reçue ! Jusqu’à la dernière fois où tu me l’as encore proposée et que je t’ai répondu si tu te souviens bien, que je préférais garder une idée imprécise pour ne pas briser l’idéal que je m’étais fait de toi.
- C’était pour voir combien l’idée de me voir en vrai te faisait plaisir ! Je suis heureuse de te parler.
- Moi aussi...
- [...] Qu’est-ce tu fais ?
- Je dormais, vois-tu !
- [...] Je t’aime.
Après un silence de quelques secondes, le temps de reprendre mes esprits, elle continua :
« Tu ne réponds rien ?
- Que veux-tu que je réponde ! Je n’aurais pas cru que tu me répètes cela un jour. Je suis sous le choc, là.
- Tu sais, j’ai changé, je suis une vraie femme maintenant, je ne suis plus la petite étudiante paumée que tu as connue.
- Pourquoi tu me dis ça ?
- [...] Oh pour rien ! Ne devines-tu pas pourquoi je t’appelle ?
- Non, j’vois pas.
- Pour te souhaiter un joyeux anniversaire, Mani.
- C’est bien la première année où tu le fais. Tu vois que tu es adorable quand tu veux.
- Excuse-moi pour toutes ces années. Je voulais que tu vives des aventures, que tu n’attendes pas mon bon vouloir en perdant des occasions de vivre l’amour. Tu sais à l’époque, je n’avais plus de sentiments pour toi, juste une amitié qui naissait face à ton amour trop grand.
- N’étais-tu pas flattée d’être aimée autant ?
- Encore aurait-il fallu que je t’admire comme avant ! Je préférais passer d’un homme à l’autre pour en goûter un maximum et ne pas me prendre la tête comme toi.
- Pourquoi ?
- Hé bien, inconsciemment, ton amour m’était pesant et si je couchais avec eux, c’était pour me forcer à croire que je ne t’aimais plus...
- N’était-ce pas plutôt parce que tu avais peur de les voir partir, qu’ils se lassent de la relation parce que tu ne leur accordais pas tes faveurs ?
- Laisse-moi continuer au lieu d’émettre des hypothèses. En couchant avec eux, je savais bien que je ne trouverais jamais quelqu’un qui m’aimerait autant que toi.
- Crois-tu sérieusement qu’il s’agissait d’amour ?
- Parce que ce n’en était pas ?
- Je ne faisais que m’accrocher à un passé merveilleux, à la seule fille qui m’ait jamais dit « je t’aime » en larmoyant, me suppliant de l’aimer aussi. En vérité, j’ai jamais su comment t’aimer !
- Détrompe-toi ! Tu m’as toujours laissé libre. Tu es merveilleux. Je t’appelle quand j’en ai envie. Qui plus est, tu as appris à reconnaître ce que j’aimais chez un homme, qu’il ne dise pas oui tout de suite, qu’il soit chiant, et au fil des années, tu t’es changé pour me convenir, n’est-ce pas la plus belle preuve d’amour qu’on puisse trouver ?
- Ne penses-tu pas que lorsqu’on veut faire changer l’autre, c’est qu’on n’aime pas sa nature originelle !
- Mais je ne t’ai pas fait changer, c’est toi qui l’as fait tout seul. Je t’avoue que cela me faisait rire que tu m’entretiennes financièrement. J’étais fière devant les copines mais cela ne m’a jamais fait t’aimer davantage.
- Mon seul bonheur est d’entendre ta voix. Je suis tellement heureux quand tu te confies à moi. Je voudrais toute ma vie à ta bouche m’abreuver de tes mots. C’est en toi que je trouve l’énergie pour aller plus loin. J’ai tellement de chance que tu ne m’aies pas oublié au fil des années.
- Je sais que tu as encore besoin de moi. Dés que tu reconnais ma voix, je sens bien dans le timbre de la tienne comme un immense bonheur qui t’envahit. A chaque fois, je me sens tellement bien de te rendre si joyeux. Mais souvent, comme je ne veux pas te faire dépenser trop de téléphone et que je sais combien il est difficile pour toi de raccrocher, je trouve une vacherie à te dire. Tu prends la mouche au quart de tour pour me faire croire que tu as du caractère. Tu me dis "bon, allez, au revoir" mais finalement c’est toujours moi qui raccroche en fin de compte. Mais, n’est-ce pas moi qui te rappelle ensuite !
- Je n’étais pas certain que tu me jouais la comédie. Je pensais ne plus rien représenter pour toi.
- Je t’ai rendu malheureux tant d’années. Je m’en veux tellement, tu sais. Pardonne-moi, j’ai été idiote de n’avoir pas su reconnaître en toi l’homme de ma vie.
- Mais non, c’est grâce à toi que j’ai vécu. Tu étais le tremplin de mes espoirs, la nourriture de mes émotions, la joie de mon esprit et le sang de mes artères.
- Et si, je t’avais aimé sans discontinuer, n’aurais-tu pas été plus heureux encore ?
- On ne peut changer le passé. Et puis, j’aimais à te savoir entourée, à te savoir prise par des hommes que tu apprécies davantage, des hommes forts et irrésistibles. Et même si tu couchais avec eux bien trop facilement, je l’interprétais comme un refus d’amour platonique, une fuite en avant pour ne pas retomber amoureuse.
- J’ai besoin de toi fit-elle d’une voix étranglée. Je ne veux plus connaître d’autre homme que toi. Voudrais-tu que je vienne te voir ?
- La quarantaine dépassée, quelle vie peux-tu espérer avec moi ! Ne vas pas foutre en l’air les belles années qui te restent pour un homme avec lequel tu ne peux rien construire. Et puis, on détruirait tout ce qui nous lie si un jour on venait à se voir. On ne peut se désirer qu’à la condition de rester éloignés l’un de l’autre.
- Mais, je veux t’aimer d’un amour vrai, concrétiser dans la chair cet amour que tu accumules pour moi depuis tant d’années.
- Si tu veux m’aimer, je regrette de te le dire mais c’est que tu ne m’aimes pas. Tu n’as pas à te sentir redevable. Je n’ai pas fait tout cela pour que tu me rembourses en nature de mes dépenses. Je n’ai jamais voulu acheter ton amour. Tiens, te souviens-tu quand tu as recommencé à m’écrire ?
- La carte postale d’Allemagne ! Et pourtant, tu ne peux pas imaginer combien je craignais qu’en faisant cela, tu retombes désespérément amoureux de moi. Mais je ressentais déjà la responsabilité de veiller sur toi pour ce qu’on n’avait pas vécu ensemble. Alors j’accouchais sur le papier du faible que j’avais pour le dernier homme rencontré pour que tu me saches prise. Tu ne le sais sans doute pas mais cette année-là, j’avais repris contact avec Danaé. Et dans sa chambre, j’avais découvert, sur sa table de nuit, une lettre de toi. Je n’ai pas pu m’empêcher de la lire et ça m’a mise hors de moi. Comment osais-tu t’enticher d’elle ! J’étais affreusement jalouse parce que je voyais à la manière dont tu lui écrivais qu’il y avait une immense complicité entre vous, tellement plus grande qu’entre nous. Quand Danaé me vit ta lettre à la main, elle n’en menait pas large, je te prie de croire. Je l’ai réprimandée violemment : « Alors c’est comme ça que tu n’en as rien à foutre de lui, t’es rien qu’une garce. » Pour se faire pardonner, elle a été forcée de me montrer toutes tes lettres et y en avait, y en avait tant qu’à vrai dire, je ne suis pas allée au bout. Ca m’a donné l’impression que si tu lui écrivais tant, c’était que de savoir que c’était elle qui te lisait t’inspirait davantage que si c'était moi.
- Il était plus facile de lui témoigner combien je t’aimais plutôt que de te l’avouer et encore me faire rabrouer et t’entendre me dire que tu ne m’aimais plus.
- Mais comment voulais-tu que je devine ta passion pour moi puisque tu ne m’en parlais plus ! Mon Gémani, tu voudrais coucher avec moi ?
- Non, si je te voyais prête à me faire l’amour, j’exploserais de tellement de bonheur que la vie s’enfuirait par tous les pores de ma peau.
- Mani, je veux te faire l’amour.
- Je n’ai plus de désir pour toi. Je t’aime au-delà du descriptible. Crois-tu que nos âmes aiment à se rencontrer, à parler de nos ego qui ne font que se faire du mal ?
- Je suis fatiguée, Mani. Je ne veux plus courir, je ne veux plus séduire. Je ne veux plus chercher. Je ne veux plus qu’un autre me touche. Je veux être à toi.
- J’ai de la chance que tu sois à l’autre bout du monde.
- Tu ne penses qu’à toi, t’as pas changé finalement. Tu n’imagines pas combien je souffre que tu sois si loin ! »

Elle raccrocha la larme à l’oeil. Si seulement, elle avait été dans cette contrée inhospitalière plutôt que proche de lui ! Elle prit un taxi et donna l’adresse au chauffeur. Il regardait par la fenêtre ne parvenant pas à la chasser de son esprit quand on frappa à sa porte. Malgré l’heure matinale, il alla ouvrir et elle était là ! Elle était amusée de le voir ainsi décontenancé, abasourdi. Il la pria d’entrer d’un geste avenant de la main car de sa gorge, il ne sortait que des onomatopées. Faisant comme si elle se trouvait chez elle, elle s’allongea de tout son long sur le canapé de cuir, les pieds croisés sur un des accoudoirs et la tête sur l’autre, pour se détendre enfin de sa longue traversée. Il s’assit sur le fauteuil en la regardant du coin de l’œil sans trop savoir s’il devait venir près d’elle. Elle n’osait pas parler non plus. Craignait-elle de rompre la magie de l’instant laissé blanc ?

N’y pouvant plus, se sentant tourmenté, il préféra s’isoler dans sa chambre, s’allongeant sur le lit. Il se sentait exploser de toute part, son cerveau bouillonnait. Il avait comme l’impression que son appartement n’était qu’un décor chancelant. Il voyait autre chose que ses alentours familiers, des vagues brumeuses de passion le tenaillaient. Elle aussi avait senti un tel chavirement de l’esprit. Jamais auparavant, un homme ne lui avait fait autant d’effet. Elle se sentait différente mais sans pouvoir définir en quoi. Abasourdi, il remerciait Dieu comme à son habitude, comme chaque fois qu’elle lui avait téléphoné, comme chaque fois qu’il avait reçu une lettre de Danaé. Il rendait grâce à Dieu pour ce trop plein de bonheur. Il n’en était pas digne. Alors qu’il priait encore son Dieu, il entendit les pas de sa charmante qui approchait dans le couloir, son entrée fracassante dans la chambre. Il ressentit le léger déséquilibre produit par la pression des genoux de sa charmante sur le matelas et finalement le corps de sa belle tout entier contre le sien. Il sentait la poitrine généreuse se serrer contre son torse, il entendait les battements de son cœur à l’unisson du sien et humait le souffle frais de sa respiration sur son visage. Leurs lèvres s’effleuraient sans se rejoindre encore. Il était heureux, pleinement heureux. Qu’aurait-il pu désirer de plus ?
Elle l’embrassa au coin de ses lèvres et ce fut pour lui comme mille baisers d’une autre femme. Elle était heureuse de lui donner autant de bonheur avec un seul baiser.
Quand il se réveilla, il n’avait plus d’envie parce qu’elle était là, alors il se rendormit plus heureux encore. Ils ne se parlaient pas, quel besoin en auraient-ils eu ? Ils savaient déjà tout l’un de l’autre et plus rien n’existait autour d’eux.
Il pensait être devenu fou, il était même sûrement fou, il devait être dans un asile et prendre ses fantasmagories pour la réalité. Elle ne pouvait pas être là. Elle ne l’aimait plus. Elle avait cessé de l’aimer bien des années auparavant et il savait bien au fond de lui que jamais plus, elle ne l’aimerait de nouveau. Ce n’était pas possible, pas croyable, qu’ainsi elle se donna à lui après tant d’années passer à rêver d’elle. Elle n’avait plus aucun intérêt pour lui, elle le connaissait trop bien. Elle avait d’autres hommes à découvrir de part le monde, des hommes plus intéressants. Pourquoi donc serait-elle là ? Il lui a demandé de partir. C’était parce qu’elle méritait bien mieux que lui. Elle ne devait pas se sacrifier pour un amour du passé, un amour qui avait déjà vécu et dont la renaissance ne pouvait atteindre la passion d’une union première. Surtout qu’il existait des hommes d’un autre acabit, du genre qui sont l’objet du contentement et de la plénitude des femmes.
C’était la première fois qu’une fille venait se jeter à ses pieds. Il n’était pas du genre irrésistible. On pouvait lui reprocher ses traits féminins. A son grand regret, il n’avait pas un menton puissant, ni un front large, ni une poitrine plus large que la taille. Il n’avait rien de la carrure avantageuse d’un Chippendale qui d’un simple déhanchement suscite un désir foudroyant chez les demoiselles. Il détestait aussi son profil mais il lui était impossible de toujours se présenter de face !
Pouvait-elle voir autre chose que ce qu’il était ? Était-il quelqu’un d’autre que lui-même et dont il n’avait pas conscience ? Avait-il pris une existence propre aux yeux de celle qu’il aimait ?
Il n’en fallut pas plus pour qu’elle s’évanouisse dans les airs. Elle n’avait jamais été là. Cela faisait douze ans qu’il vivait là dans une camisole de force, attaché au lit. Elle avait cessé de lui téléphoner juste avant qu’elle n’ait vingt-deux ans et il ne put le supporter car c’était d’elle que lui venait son inspiration. Alors en quelques mois, il se renferma sur lui-même, se créant un monde imaginaire où elle continuait de prendre soin de lui sans trop en faire surtout. Il se débattait comme un beau diable à chaque fois qu’il entendait sa voix à l’autre bout de sa ligne imaginaire. Mais voilà, son rêve éveillé avait pris fin.
Il n’avait pas su faire front à la vie, il avait même perdu l’amitié de la seule qui l’avait aimé. Il avait coûté cher à la sécurité sociale. La loi sur l’euthanasie volontaire avait été adoptée en France. Il en profita pour qu’on le libère du carcan de sa vie misérable. Libéré de son corps, on lui permit enfin de se rendre auprès d’elle. Il la vit en robe blanche de mariée descendre le grand escalier de l’église avec au bras, un mari fort beau, plus grand que lui, viril, très élégant, sûr de lui semblait-il comme les autres hommes mariés. Il voyait dans l’esprit de la mariée qu’elle avait tiré un trait sur son passé, sur les aventures, qu’elle voulait véritablement que cette union la mène au bonheur. Alors qu’il s’approchait d’elle, elle devint toute blanche, plus blanche encore que ses voiles, il s’approcha encore mais elle tressaillit, alors n’insistant pas, il s’éloigna pendant que son mari la prit dans ses bras pour la réchauffer. Elle reprit des couleurs. Non, il ne restait rien de celle qu’il avait tant aimée, sans doute avait-elle dû se perdre dans les dédales du temps !
Il se souvint d’Éliane, la coquine pleine d’attention qui lui avait apparu comme un idéal de beauté, de gentillesse, d’attentions, de folie, de joie et d’amour. Il aurait tant voulu qu’elle lui propose de sortir avec elle. Mais non, il ne devait jamais revoir Éliane. Pourquoi lui avait-il parlé de Antéa alors que c’était elle qui, par ses facéties, l’avait rendu peut-être le plus heureux ! Comme un rêve inachevé, une histoire pas même commencée, une complicité trop grande pour devenir une histoire d’amour.
Avant de partir, il se souvint de sa douce amie, Danaé. Il la retrouva accompagnée de deux charmants bambins et d’un époux, pour le moins remarquable. Elle s’était mariée tôt, à l’âge de vingt ans avec cet homme, à l’époque étudiant en cinquième année de médecine, issu d’un milieu juif aisé. Avec le temps, il était devenu professeur de médecine. Danaé, quant à elle, avait brillamment réussi ses études : docteur ès science en physique nucléaire, chargée d’affaire au commissariat à l’énergie atomique pour le démantèlement des centrales nucléaires, détachée auprès des ministères de la recherche et de l’environnement. Mais, elle n’avait pas non plus raté sa vie de mère. Elle était la mère de deux enfants délicieux : Rachel, 7 ans et Joshua, 5 ans. Et elle cherchait dans le périple de sa traversée de la Vallée des Rois, un nom à donner à son troisième enfant bientôt à naître. Le bonheur la transfigurait. Gémani se sentit attirer irrésistiblement par un couloir de lumière tandis qu’il soufflait à Danaé un nom pour sa fille. Une vague d’énergie la parcourut. Elle se sentit comme transportée, comme inspirée divinement et lui s’en alla tout là-haut... rejoindre les houris.
Modifié en dernier par Gemani le 10 mai 2021, 07:09, modifié 2 fois.
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Selon moi, ce n'est pas un ouvrage de la littérature érotique ou de roman érotique romantique mais j'ai été obligé de ranger mon livre dans ces catégories parce qu'il y a des passages de description de relation sexuelle mais franchement, ce n'est pas l'essentiel du livre et j'espère qu'on ne le limitera jamais à cela. C'est un livre que j'ai beaucoup travaillé qui est le résultat de la sublimation d'un amour que je n'ai pas pu vivre dans la chair !

En fait, ce que j'ai voulu faire au travers du livre, c'est éveiller les lecteurs potentiels à la mystique, à l'ésotérisme, à la spiritualité, les faire réfléchir au sentiment amoureux, à la réciprocité ou non-réciprocité des sentiments, au désarroi amoureux de certains hommes aussi maladroits que moi et dépourvu de charme et de virilité, qui ne savent pas s'y prendre avec les femmes et n'ont jamais vraiment fait d'effort pour leur plaire, etc...

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4ème page de couverture :

Pomme d’amour, c’est Gémani qui laisse la passion le prendre et l'emporter dans des fantasmes de retrouvailles. Le cœur glacé d'Antéa se refuse d'abord puis s'ébranle un peu et finit par répondre à son désir. Après la reprise de communication tant espérée, la première fois est magnifiée dans l’amour renaissant.

La pomme s'ouvre en quartiers indépendants. A chaque quartier, le cocktail s'enrichit de nouveaux arômes : complicité, confidences, tendresse, naïveté, jeux, mensonges, tromperies, jalousie, indignation, émotivité, sensibilité, peur, abandon, souffrance, enfermement, volupté, sensualité, nudité jusqu'à l'acte d'amour.

Pour agrémenter le cocktail, quelques gouttes de sang contaminé, le déchaînement des éléments, la fin du monde dans un un nectar d'imagination, de fantastique et de spiritualité qui entrelace technologie, virtuel, delirium, voyage astral, foi, vie après la mort et réincarnation...

Le philtre obtenu, englouti d'un trait, veut raviver les corps défaits, chambouler les esprits endormis et enflammer les cœurs glacés.


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La différence avec la version pdf, c'est la couverture, ici vous verrez ci-dessous la photo d'une femme exerçant sa sensualité, je voulais donner l'impression qu'elle embrassait la pomme de glace mais l'effet n'est pas réussi ! Je ne sais pas travailler les images avec des filtres transparents.

Si vous le récupérez et que vous le lisez et que vous vous sentez mal lors de sa lecture, cessez de le lire et prévenez-moi de vos ressentis, ça m'intéresse. Vous pouvez publier vos avis dans ce même sujet.

La table des matières est ratée parce que les titres des 40 nouvelles sont soulignés et ça fait moche.

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Fichiers joints
couverture REA femem trop sensuelle.jpg
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Les sauveurs du monde



Danaé était venue seule. Elle traversait la rue prudemment en me jetant des coups d'oeil furtifs. Quand elle s’est approchée, il y avait une tendresse infinie dans sa façon de me dévisager en riant et en fronçant les sourcils pour me rassurer. Elle craignait mon désappointement mais parce qu’elle était venue, j'irradiais de bonheur. Je n'avais pas toujours été méritant depuis le début mais elle avait tenu sa promesse de me rencontrer. Pour elle, ce n'était pas un grand jour, elle avait l'habitude d'être avec des hommes de son âge et comme je ne faisais preuve d'aucune virilité, mon statut d'homme plus âgé ne l'effrayait pas. Je n'avais pas perdu le contact avec elle bien que n'étant pas baraqué comme elle les aimait. J'étais venu la voir en ami mais je l'aimais en secret, bien que jamais nous eûmes échangé de mots doux à cause de la distance qui nous séparait. En prenant la direction de la marche, elle m’entraîna à la suivre. Elle avait sûrement dû réfléchir à l'avance comment réfréner mes ardeurs démentielles. Elle ne souhaitait sans doute pas me toucher. Elle sentait mon désir fou l'accaparer même s'il ne filtrait que par mes yeux qui lançaient des regards obliques sur son décolleté et le reste affriolant de sa personne, notamment son ventre à l’air et l’anneau à son nombril. Bien sûr, c'était encore une jeune femme sauvage mais c'est ça que j'aimais. Il y avait là les premiers signes de perfection dans son habillement qui montraient qu'elle voulait plaire et paraître différente. Elle portait des habits qui lui allaient bien. Je savais qu'elle deviendrait femme, qu’elle gagnerait en assurance et que petit à petit je m'en détacherai à moins qu'elle ne garde la fraîcheur de sa douce innocence. Cet air qui a peur de ne pas avoir ce qu'elle veut, qui veut apprendre les choses de l'amour tout en restant maître de l'aventure amoureuse. Malgré cela, elle avait une riche expérience sentimentale peuplée de déceptions, de passions et d’autres échanges plutôt agréables à ce qu’elle m’en avait dit. Il n'y avait aucune peur dans ses yeux.

Arrivés sur la plage, on est allés aux cabines pour retirer nos vêtements et mettre nos maillots de bain. On établit notre camp de base auprès de jeunes gens qui s'embrassaient, se croyant seuls au monde. Elle faisait semblant de ne pas les voir mais j'avais du mal à cacher mon trouble parce que j'avais là un beau spécimen de jeune femme. Ça faisait si longtemps que je ne m'étais pas promené avec une fille, prés de vingt ans, celle de la colonie qui m’avait abandonné au bout d’une semaine. On s’est assis sur les draps de bain rose et bleu que j'avais apportés. J’ai pensé que tout le monde devait croire que nous étions ensemble. On ne s'était pas encore touchés, elle avait évité tout contact me voyant très prêt de défaillir à son arrivée. Lui prendre la main, ça n'allait pas. Il n'y aurait pas eu assez de retenue de ma part. C'était trop facile alors je n'ai rien fait me contentant de l'observer se lever, me tourner le dos, enroulant délicieusement son bassin pour aller patauger en bord de mer. J'étais vraiment sous le charme mais je n'osais pas la rejoindre. J'avais trop peur de sa féminité. Du bord de mer, elle m’éclaboussait d’eau pour me donner confiance. Elle sortit de l'eau et en marchant vers moi retira le haut de son maillot en venant s'allonger sur le côté pour mieux se prêter à mon regard.

La journée s'éternisait. Je me traitais d'imbécile. J'avais perdu mon calme olympien, je me sentais complètement absorbé par elle. Je lui dis que je devais partir, j’ai tournoyé sur moi-même et voilà qu'elle agrippa mon bras m'obligeant à rester allongé face à elle. Contraint de me rapprocher d'elle, de son corps à demi nu, j'avais des sueurs froides. Je la voyais frotter ses cuisses l'une contre l'autre, ce qui me déstabilisait d'autant plus. Je devinais ce qu'elle ressentait bien que me demandant comment je pouvais lui inspirer autant de désir. Nos cuisses se frôlèrent. Elle avait perdu son regard serein de tout à l'heure. Son cœur palpitait derrière sa poitrine bien ferme et ramassée. Par tous les pores de sa peau, elle me disait combien elle avait envie que je la prenne dans mes bras et l'embrasse rageusement en la renversant sur le gros gravier. Elle a fermé les yeux en approchant son visage du mien.

J’ai attrapé mon sac où il y avait toutes mes affaires. Je me suis écarté d’elle, j’ai sorti mes vêtements. J’ai remis maladroitement mon short en marchant. J’ai enfilé mon tee-shirt à l'envers, mes sandales et j’ai pris la fuite car c'était trop d’émotion. Je n'osais pas regarder en arrière de peur d'être pétrifié par sa beauté. Je n'entendis aucun « je t'aime » lointain. Je ratai quelques marches de l'escalier en ciment, me rattrapant sur les genoux et sur les mains. Les égratignures m'enivrèrent encore davantage. La chaleur du soleil aidant, les yeux soupçonneux des gens sur moi me faisaient déambuler de droite à gauche et c'est avec peine que je poursuivais mon chemin vers nulle part. Je m'écroulai à l’autre bout de l’avenue sur un tapis de pensées.

Ce n’est qu’en fin de soirée que la police littorale me secoua violemment. Ils me prenaient pour un toxico et voulaient me jeter dans leur fourgon pour m’emmener dans un centre à quinze kilomètres de la ville. Après m'être expliqué avec eux, j’ai pensé à Danaé que j'avais laissée toute seule en bord de plage, que devait-elle penser de moi! Elle m'avait complètement ébloui mais l’absence de sentiment m’avait empêché de me laisser aller à l'embrasser. Il était onze heures du soir, l’avenue était déserte. J'entrais dans une cabine téléphonique dans l’intention de me faire pardonner ma conduite. Mais tout de suite, elle m’a reproché de n’avoir pas eu la délicatesse de la raccompagner chez elle, qu’il fallait ne pas être galant pour agir de la sorte. Je cherchais quoi lui dire pour me racheter mais avant que je ne trouve, la terre s'ébranla, je lâchai le combiné me dépêchant de sortir de peur d'être broyé dans l'espace réduit et là je fus happé par le rayon transbordeur d’une soucoupe volante ! Je me suis retrouvé dans une pièce vaste mais dont l’entour baignait dans l’obscurité. Des hommes plus petits que la moyenne dans d’étranges uniformes sont venus en délégation à ma rencontre. Ils m'ont expliqué qu'ils venaient d’une planète géante, Danavé qui gravitait autour d’une grosse étoile que nous les humains, appelions la Bételgeuse et qu'ils avaient été attirés sur la Terre par ma sensibilité excessive et que si je voulais renoncer à ma vie sur Terre, ils accepteraient avec joie de me prendre à bord de leur vaisseau. Moi qui avais toujours voulu être enlevé par ces êtres pour échapper à mon destin, visiter ces mondes d'ailleurs aux couleurs de l’arc en ciel, comment aurais-je pu refuser ? A défaut de partir à la conquête d'une terre oubliée, d'un continent perdu, débarquer sur des planètes de flore cocasse et de faune étrange. Mais je ne voulais pas partir seul, tirer un trait sur celles qui avaient compté pour moi.

« Si vous voulez emmener quelqu'un, pensez très fort à cette personne et l'on vous télé transportera auprès d'elle, m’ont-ils transmis comme s’ils avaient lu dans mes pensées. »
J’ai pensé très fort à Danaé mais ils me dirent de ne pas résister, de me laisser aller et soudain l'image floue d’Antéa au travers de la vitre me revint et je me matérialisai dans une chambre inconnue. Je m'agenouillai sur le bureau pour regarder à la fenêtre et je vis le banc devant la clinique où j'avais tant espéré que Antéa me rejoindrait. J'étais donc dans la chambre où elle dormait. Son visage était éclairé par le clair de lune. Je la réveillai tout doucement en caressant ses jolies bouclettes. Elle ouvrit sa mâchoire comme pour crier. Je l'empêchai en plaquant ma paume sur sa bouche. Elle avait des yeux exorbités croyant que j’en voulais à sa vie. Ah, ça valait le coup de l'avoir à ma merci ! Je pouvais en faire ce que je voulais, pourquoi ne pas la violer, elle qui s'était refusée de venir dans la rue me rejoindre alors que j'étais descendu à Marseille seulement pour la voir. De mon autre main, j’ai ramené les draps jusqu'au pied de son lit. Elle était dégoulinante de sueur. Et ce fut loin d’être un enchantement de regarder ses bras volumineux, les bourrelets de ses flancs, la nuée de mouche à son entrejambe et ses cuisses de catcheuse. Ca ne me disait absolument rien. Ha s'il n'y avait pas eu ces foutus sentiments qui me rendaient encore esclave d'elle ! Je lui ai chuchoté à l’oreille de se taire si elle tenait à pouvoir bouger librement. Elle acquiesça d’au moins trois hochements de tête consécutifs. À peine relâchai-je mon emprise qu'elle sauta du lit, ouvrit la porte de sa penderie. Elle choisit une robe de chambre foncée tant elle se trouvait vulnérable croyait-elle sous sa fine chemisette de nuit transparente.
« Mon Gémani, commença-t-elle sans conviction.
- Arrête tes sornettes, si tu avais ne serait-ce qu’un peu de tendresse pour moi, tu m'aurais écrit depuis le temps au lieu de me laisser sans nouvelles de toi.
Elle ne sut pas trop quoi répondre et resta bouche bée à se mordre la lèvre inférieure avant de se reprendre :
- Comment es-tu entré ?
- Tu ne comprendrais pas.
- C'est ça, dis que je suis bête !
- Tu sais bien que si tu l’avais été, je ne t’aurais jamais aimée aussi longtemps. C'est seulement que tu es trop terre à terre pour toucher à ses choses-là. Cela dépasse ton entendement de jeune femme du monde. »
Comme elle ne répondait pas, vexée de se voir cataloguée, je repris le dialogue.
« Alors à part ça, comment tu vas ? As-tu atteint la plénitude des sens ?
- Je m’en rapproche toujours plus mais l’amour me fait encore défaut.
- Et si on s’en allait tous les deux, qu’on quittait ce monde main dans la main ?
- Je ne veux pas me suicider avec toi, je veux vivre, continuer sans relâche à goûter à la saveur des hommes.
- Qui te parle de mourir, je n’ai pas l’autorisation de t’expliquer en détail mais on continuerait d'exister tels qu’aujourd’hui, seulement on vivrait ailleurs.
- Et où est cet ailleurs ?
- Fais-moi confiance, c’est tout ce que je te demande, je te promets des paysages inédits.
- Je n’ai pas envie d’aller avec toi.
- Ha bon ! »
Je cherchais quelque chose à lui dire mais j’étais déçu, alors en désespoir de cause, j’ai cherché à la rendre jalouse.
« Ha, j’allais oublier, tu as le bonjour de Danaé !
- Ca me fait une belle jambe, tu ne l'as pas perdue de vue celle-là ! Elle te supporte encore !
- Elle m’apprécie beaucoup, j’ai passé la fin d’après-midi avec elle et c’est vrai qu’il m’a semblé qu’elle aurait été heureuse que je la prenne dans mes bras et l’embrasse sauvagement sur le gros gravier.
- Hé bien, si vous êtes si proches, pourquoi ne lui proposes-tu pas de partir avec toi ?
- Parce qu’au fond de moi, c’est toi que je rêve d’emmener ! J’aimerais tant que tu m’accompagnes.
- Au nom de souvenirs anciens ? C'est fini nous deux, Mani, ce ne redeviendra jamais plus comme avant ! »
Elle s'avança et me décrocha un bécot profond et toute fière relevant le menton et portant la main à son entrecuisse, me dit que jamais elle ne me laisserait passer par là.

Me voyant revenir seul, ils m'ont annoncé que leur départ était imminent. Je les suppliai de m'accorder une seconde chance. L'image du magnifique spécimen me revint et j’apparus presque immédiatement dans la chambre de Danaé. Bien qu'il fût minuit passé, elle ne dormait toujours pas. Elle était accoudée à la fenêtre ne portant qu’un string guettant l’arrivée d’un éventuel Roméo dans la rue balayée par le mistral.
« Coucou, lui dis-je, n'aies pas peur, ce n’est que moi. »
Elle se retourna et eut le réflexe de porter ses bras sur ses seins pour me les cacher.
« Tu n'étais pas aussi pudique cette après-midi. »
Il y avait beaucoup de finesse et de pureté dans sa physionomie. Ses yeux étincelaient de mille feux comme si elle avait vu son Dieu.
« Mani ! J'ai été exaucé, me dit-elle. Vois-tu, à l'instant, j’ai vu une étoile filante et j’ai fait le voeu que tu sois prés de moi.
- Je ne veux pas gâcher ton plaisir mais je dois t'avouer que je viens de chez Antéa.
- Mais ce n’est pas possible, tu n'en as pas fini avec elle. Je croyais que j'étais parvenue à me débarrasser d'elle pour que tu sois tout à moi.
- Cette fois, ça semble bel et bien terminé.
- Elle ne veut pas de toi, alors tu reviens vers moi en désespoir de cause parce que tu sais que tu me fais perdre les pédales ! Tu crois que ça me fait plaisir d’être du deuxième choix !
- Peut-être es-tu justement la seule qui puisse me la faire oublier ?
- Je ne veux pas t'aimer en sachant que tu penses à elle. Ha, si tu te voyais dans la glace, tu as de son rouge sur les lèvres. Elle a dû te faire son numéro de femme fatale pour t’impressionner, n’est-ce pas ? Tu ressembles à un clown tout barbouillé. Viens-là que je t’arrange ! »
Avec un mouchoir imprégné de son parfum et d’eau démaquillante, elle m’essuya minutieusement les lèvres jusqu’à faire partir la dernière trace de rouge.
« Serais-tu capable de tout quitter pour moi ? Lançai-je pour en venir vite au but de ma visite.
- Ha ! Tu m’annonces ça comme ça alors qu’on ne s’est encore jamais embrassés ! Je pourrais te répondre oui sur le coup mais on ne peut jamais préjuger d’une passion qui parfois se désagrège au fil du temps et des rencontres.
- Te sens-tu suffisamment forte pour affronter les difficultés de la vie sur terre ?
- Le courage n’attend pas le nombre des années. Je trouverai ma place dans la société sans pour autant donner mon cul ou mon âme pour ma carrière et mon prestige. Tu sais combien je tiens à ma virginité et combien j’ai envie qu’un jour prochain, tu sois le premier à me la ravir.
- Aimerais-tu visiter ces mondes d'ailleurs peuplés d'êtres fantasques ou préfères-tu en apprendre davantage sur les hommes et sur la manière de les conquérir ?
- Arrête de délirer, Gémani. On est bel et bien sur terre et on n'en bougera pas.
- Comment expliques-tu mon apparition dans ta chambre ?
- Par ma foi, tout simplement. Je t’ai fait venir à moi.
- Si tu veux bien me suivre cette nuit, tu seras prés de moi pour toujours.
- Et si malgré tout mon amour, je ne parvenais pas à te faire oublier Antéa ?
- C'est vrai que des fois, je voudrais qu'elle nous surprenne tous les deux enlacés et qu'elle me montre sa jalousie en venant me gifler. Et bien, je demanderai à venir la chercher. Il suffit qu'elle soit alors plus âgée, que sa paresse l'ait fait échouer, que ses espoirs soient tombés, que plus personne ne veuille d’elle pour que peut-être, elle me rouvre les chemins de son cœur.
- Et moi, que deviendrais-je alors ?
- Hé bien, on trouvera bien quelque beau mâle pour satisfaire tes envies et tu sais bien que je serai toujours là pour toi !
- Soit, dit-elle, je viens avec toi, laisse-moi juste le temps d’écrire une lettre d’adieu au monde. »
À peine avions-nous embarqué à bord du vaisseau que je vis que nous étions au-dessus du jardin fleuri de la villa de Antéa. J'en demandais la raison. Le Bételgeur en chef me dit qu'il émanait d'une personne en bas un profond malaise lié à mon départ. Je me penchais et vis Antéa s'évertuant à faire des gestes amples et disgracieux pour attirer notre attention et faire comprendre qu'elle avait changé d'avis. Il m’a demandé si on l'emmenait aussi. Je demandai un sondage approfondi de ses pensées. On me dit qu'elle voulait davantage venir pour la sécurité que ça lui offrait plutôt que pour ma compagnie. D'autre part, Danaé me tordait le bras dans le but de me le démettre si jamais, j’avais l’impudence de répondre oui. Néanmoins, je n'avais pas encore évacué tout mon amour pour Antéa que j'avais tant aimée et qu’il me faudrait plusieurs années pour oublier si encore j’y parvenais. Éludant sa question par une dénégation de la tête, il fit prendre au vaisseau son envol. Je vis Antéa tomber à genoux dans l'herbe brûlée, le regard suspendu dans les étoiles.

« En route vers l’aventure ! M’écriai-je sous le regard radieux de Danaé. »
Le lendemain, nous étions en vue d'une planète habitable d'un jeune système solaire. Nous faisions des reconnaissances en vue d'une déportation qui nous avait-on dit, devrait se faire dans l'avenir. Nous prenions des échantillons de la flore et de la faune. Quelques jours plus tard, de bon matin, je n’ai pas trouvé Danaé sur sa couchette et me suis inquiété. Où pouvait-elle bien être ? J’ai pensé tout de suite à la cascade et à la sortie du chemin, je la vis enfin. Elle était adossée nue contre la pierre, les jambes écartées et les bras levés. Elle nouait ses cheveux mouillés, ce qui faisait d’autant plus ressortir ses beaux seins. Elle m’a souri quand elle m’a vu approcher. Je suis venu me porter contre elle. Elle a posé ses mains sur le cambré de mes reins. Elle a porté sa tête en arrière. Je l’ai embrassée rageusement dans le cou. Je suis entré en elle pour l’émousser un tant soit peu. Elle a pris appui sur mes épaules pour suspendre ses jambes à ma taille. J’ai passé mes bras entre son dos et la pierre. Je l’ai portée jusqu’à un parterre de fleurs exotiques. Elle m’a prié de reprendre ma charge fabuleuse par des tapes sèches sur mes fesses et j’ai chevauché ma compagne des étoiles. Elle a senti le liquide libérateur se répandre en elle. Je me suis retiré et l’on s’est lavé du sang répandu en se baignant dans la rivière, sous la chute d’eau. Je me souviendrais longtemps du roc d'opaline et du parterre de fleurs d’Amélia où Danaé m'offrit le trésor de ces années sauvegardées.

On revint sur Terre quelques dix années plus tard. Les puissances qui en avaient la juridiction devaient se prononcer sur l’avenir de l’humanité. Danaé plaidait pour la cause terrienne auprès des régisseurs tandis que j’enquêtais dans les bas-fonds de Marseille pour retrouver Antéa. J’appris par la bouche même de sa mère qu’elle faisait la pute pour les boat people originaires d’Afrique qui venaient tenter leur chance en France depuis que la main d’œuvre faisait lourdement défaut. Je retrouvai des indices de sa présence dans le quartier étranger. La passe à quinze euros ne pouvant espérer mieux devant ses proportions de mama italienne. En recoupant des informations diverses que je glanais au fil de mes rencontres, j’appris où elle se terrait. C’était une vieille mansarde sur un chantier en construction. Après avoir fracturé ce qui lui servait de porte, je pénétrai dans une piaule minable. Je fouillai dans son armoire et je retrouvai mes photos qu'elle avait conservées précautionneusement dans un coffret de bois gravé pour ne pas les écorner. C’est alors qu’un coup derrière la nuque me fit perdre connaissance.
Un seau d'eau glacé jeté au visage me fit reprendre conscience.
« Tu reviens enfin, ce n’est pas trop tôt ! »
Antéa m’avait reconnu malgré mon bronzage bleuâtre.
[...]
Danaé se matérialisa entre nous, me faisant face.
« Je me doutais que tu étais là. On ne peut donc pas te faire confiance. Ne t'ai-je donc pas tout donné de moi pour que tu l'oublies ? »
Antéa s'agenouilla aux pieds de Danaé. Elle agrippa sa robe taillée de feuilles d'émeraude, leva sa tête vers elle pour la supplier :
« Je vous en prie, emmenez-moi avec vous. Je n’en peux plus de cette vie. Je n'en peux plus de ces hommes qui attendent en rangs serrés derrière la porte. Je veux être aimée comme une femme. »
Prise apparemment d'un éclair de compassion qui me fut plus tard révélé comme le désir que Danaé avait de me rendre heureux, elle releva celle qui avait été son amie et ainsi, Antéa fut sauvée du déluge de feu qui vint surprendre les terriens aux aurores. La Terre n’en pouvait plus de ces humains qui foulaient son sol, elle vomit tout son ressentiment par les cheminées des volcans, rassembla la mer en un immense tapis pour le dérouler ensuite sur les terres pour finir son grand nettoyage et se débarrasser des petits êtres éparpillés sur son sol.
Les régisseurs nous confièrent la charge de veiller et de remettre en forme beaucoup de gens simples, quelques paumés et marginaux humains qu’on avait cru bon de devoir sauver. Antéa et Danaé étaient perpétuellement à mes côtés et il n'y avait que ça qui comptait pour moi. En creusant dans les rocs d'opaline, nous mîmes la première pierre de ce qui allait devenir la nouvelle terre. Une technologie de recyclage nous fut donnée en attente que nous trouvions en nous la capacité naturelle de détruire nos déchets. Nous coulions des jours heureux dans un monde où l’on trouvait pour chacun qui le désirait une utilité.
Modifié en dernier par Gemani le 10 mai 2021, 07:10, modifié 2 fois.
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Les retrouvailles séniles

« Gémani ?
- Antéa !
- Je suis heureuse de te revoir enfin !
- Pas autant que moi, Antéa. Après l'attente, la récompense tant méritée !
- Comme tu as vieilli, j'ai bien failli ne pas te reconnaître !
- Alors, tu ne me trouves plus le charme d’antan ?
- Je vois toujours cette même flamme dans ton regard que lorsque tu m’attendais en bas de chez moi !
- N'as-tu jamais fait le vœu qu'on ne se soit pas connu ?
- Je n'ai jamais regretté d'avoir flashé sur toi, jamais de la vie, je te le jure !
- J’espère que tu n’es pas venue pour tirer un trait sur notre passé !
- Même si je le faisais, je sais que tu ne pourrais pas m’oublier !
- Es-tu heureuse ?
- Oui cela me transporte d'être avec toi et je te promets que je ne vais pas m’enfuir cette fois.
- Je suis désolé de t'avoir ennuyée, de n'avoir pas fait l'effort de t'oublier.
- Tu ne m'as jamais ennuyée le moins du monde. C'est lui qui m'empêchait de rester plus longuement avec toi. Quand je t'appelais au téléphone et même si on n'échangeait aucun mot d'amour, il y avait une telle complicité entre nous, je te confiais tellement de choses qu'il enviait notre relation. Puis, il a fallu qu’il tombe par hasard sur une de tes lettres. Il a deviné qu'il y en avait d'autres et il m’a obligé à tout lui montrer. Il a lu tes poèmes à haute voix, prenant un malin plaisir à te tourner en ridicule, se moquant de la passion que tu avais pour moi ! Par jalousie, il m’a interdit de te joindre au téléphone. Il m’a juré que si jamais il me trouvait encore à te parler ou à communiquer avec toi par quelque moyen que ce soit, il en serait fini de nos beaux projets de mariage. J’appréciais ta joie de m’entendre, j’adorais te parler mais lui, je l’aimais par-dessus tout. Il me fallait choisir et tu étais trop gamin, ce ne pouvait pas être toi.
- Ce fut lui ! Quand mes lettres me sont revenues, je ne comprenais pas pourquoi on ne faisait pas suivre mon courrier. Je n'avais plus aucune nouvelle de toi et je pensais t'avoir perdue pour toujours.
- Le courrier s’amoncelait dans une poste restante. Une amie faisait le tri selon les ordres de mon fiancé. Mais, j'ai eu peur que tu ne le supportes pas, je savais combien tu étais dépendant de moi. Je t'ai appelé une dernière fois de l’aéroport, tu te souviens, j'étais pressée, je t'ai dit que je n'avais pas beaucoup de temps pour te parler. Je t'ai demandé d'être patient, d'attendre quelques années, que je te rappellerai plus tard te faisant promettre de ne pas chercher à me retrouver d'ici-là. Mais après, je me suis dit qu'il valait mieux ne pas réveiller notre ancienne passion et je t'ai conservé dans mon jardin secret comme un idéal perdu. J’ai vécu dans une bananeraie sur l’île de Sainte Lucie. Tu sais, cette île au relief impossible dont je t’avais parlé dans ma jeunesse et dont la nature sauvage des hautes herbes et des deux pitons rocheux me fascinait.
- Tu as eu la belle vie, loin du continent, celle que tu rêvais d'avoir !
- Pas tant que ça, bien sûr financièrement, je n'avais pas à me plaindre, il savait mener ses affaires et puis, je n'avais pas à travailler et le cadre était prestigieux. Mais quand je me suis retrouvée enceinte, il a commencé à être moins présent. Il me touchait de moins en moins. Ce n'est qu'après la naissance de mon fils qu'il s'est fait un peu plus présent mais cela ne dura pas plus d’un an et demi. Et finalement, je n'ai pas vécu le parfait amour que j'espérais ! Il m’arriva même de songer à toi, souvent tu sais !
- Pourquoi ne m’as-tu pas appelé pour me dire où tu étais ?
- J'ai bien failli parfois mais j'avais trop peur qu'il me surprenne ou me fasse suivre. Je me doutais qu’il y avait un mouchard sur la ligne. Mais plus il était rude avec moi et plus je l’aimais. Il se montrait parfois même violent quand je lui demandais où il avait passé la nuit. Vous êtes tellement différent l'un de l'autre. Tu as toujours été si doux avec moi, si gentil que je ne t’ai jamais cru sincère. J'imaginais que tu me laissais tout passer pour que j’accepte un jour de coucher avec toi. Tu ne t’es jamais emporté contre moi. J’avais l’impression de ne pas pouvoir de perdre. Et quand je te faisais des reproches sur ton manque de caractère, tu donnais l'impression d'être un jouet fragile prêt à casser. Tandis que lui, je le sentais tellement fort peut-être parce que je sentais qu'il n'avait pas besoin de moi. Tu n'imagines pas les nuits que je passais toute seule à l'attendre et à me lamenter de ne pas être aimée.
- Tu n'as pas su le retenir ?
- J'aurai bien voulu, mais je crois qu'il avait un côté aventurier trop marqué pour que je sois la seule dans sa vie. J'ai souffert et je n'ai plus supporté de dormir seule. Une nuit, j’ai quitté la propriété pour faire un tour en ville avec la jeep, j’ai fait la tournée des bars. Au petit matin, j’ai vu un attroupement de créoles qui cherchaient du travail. L’un d’eux m’a immédiatement conquis, il semblait perdu, il avait l’air mélancolique et triste comme toi. Je lui ai demandé s’il aimait jardiner. Bien qu’il m’ait répondu oui, je sentis dans le timbre de sa voix qu’il me mentait pour avoir le job tellement il était désespéré de ne pas en trouver. Je l’invitai pourtant à monter et le ramenai à la maison. Et comme je le pensais, il était guère doué bien qu’il y mettait toute sa bonne volonté.
- Tu l’as gardé quand même ?
- Je ne l’avais pas pris pour ça me dit-elle, les yeux pétillants. J’adorais regarder ses fesses musclées quand il travaillait la terre. Il dormait dans la cabane au fond du jardin. J’avais beaucoup d’ascendant sur lui, c’était normal, j’étais sa patronne. Je n’étais pas amoureuse de lui mais je fantasmais sans arrêt et j’étais si seule !
- Tu lui as fait ton numéro de charme ?
- Non, je suis simplement allé le rejoindre un soir dans sa cabane. Il dormait comme un bébé. Je l’ai rejoint dans son lit. Je me suis collée tout contre lui pour toucher ses muscles saillants. Il s’est réveillé en sursaut, s’est retourné et m’a dit : « Maîtresse ! ». Tu n’es pas mon esclave lui ai-je répondu mais je veux bien devenir ta maîtresse. On s'est rapproché, il m'a caressée et j'ai aimé qu'il me touche mais on n’a pas fait l’amour.
- Tu as su réfréner son ardeur !
- Oui. La nuit suivante, je suis restée dans mon lit pour ne pas qu'il recommence. Mais, je n’arrivais pas à dormir, j’arrêtais pas de penser à lui. Après trois heures d'insomnie, j’ai retiré ma chemisette, j’ai traversé le jardin entièrement dévêtue. Sa cahute était allumée, je suis entrée. Il était entrain de siroter un jus de fruits exotiques sur le lit, tout juste vêtu d'un short. Moi, je le regardais en me mordant la lèvre inférieure. Il a levé les yeux vers moi en me souriant. Puis il a baissé son short et j'ai vu son sexe bander pour moi. Il s'est levé mais j'ai eu peur qu’il me prenne et me suis enfuie mais il a couru après moi. Le sentant tout proche, j'ai sauté dans la piscine au clair de lune et j'ai nagé mais il m'a rattrapée et m'a serrée tout contre lui serrant sa cuisse entre mes jambes. J'ai fermé les yeux détournant la tête pour le dissuader de m'embrasser sur la bouche. Je ne voulais pas goûter encore à ses lèvres. Alors il a desserré son étreinte et je suis sortie de la piscine bien que gênée qu'il puisse mirer mes fesses comme deux moitiés de lune. Et j'ai couru dans ma chambre me rhabiller.
- Tu as échappé belle !
- Je croyais aussi, mais le soir même après s'être absenté toute la journée, il m'a rejoint dans ma chambre. Je n'ai rien trouvé à lui dire. On s'est regardé dans le blanc des yeux. Il était nu le sexe en érection, délicieusement viril. Il a porté ses mains sur mes vêtements et je l'ai laissé me déshabiller. Il m'a contemplé dans ma nudité, j'ai baissé mes yeux me sentant un peu fautive. Il s'est rapproché de moi. J'ai fait opposition avec mon bras pour ne pas sentir la pression de son corps sur ma poitrine. Mais j'ai senti son sexe rigide qu'il a frotté vigoureusement contre ma toison pubienne. Je ne lui disais rien, partagée entre la surprise et l'envie qu'il aille plus loin mais on a entendu la voiture de mon mari s’arrêter dans la cour. Je lui ai dit de partir, de vite s'en aller avant que mon époux nous surprenne. Ce fut la première fois que sa venue m’indisposait. Je souhaitais ardemment qu'il s'en retourne vite vers ses chères maîtresses. Ce soir là, quand j’ai croisé mon beau créole dans les couloirs, il me tapait chaque fois sur la fesse et ça m'excitait chaque fois plus. Enfin, mon époux est parti. J'ai attendu nue sur le lit que mon créole me rejoigne. Il est revenu, m'a caressé les seins d'abord, puis en me soulevant les hanches, m'a baisé le nombril. Je me sentais désirée. J'ai attrapé son sexe que j'ai palpé entre mes doigts avant de lui imprimer un mouvement longitudinal et quand je l'ai senti vibrer, je l'ai lâché. J'ai ramené mes mains derrière ma nuque en m'étirant. Il a écarté mes cuisses, se faufilant entre elle. J'ai entrouvert mes lèvres savoureuses en fermant les yeux et dans le même temps, il m'a embrassé en me pénétrant pour la première fois.
- Vous êtes restés amants longtemps ?
- Moins longtemps que j’espérais, il avait des copines créoles qui venaient lui rendre visite et qui passaient la nuit avec lui. Pour les faire partir, je me promenai nue pour leur faire comprendre qu’il était à moi. Je l’embrassai devant elles. Cela me permit d'en éloigner quelques unes et de le garder un peu plus longtemps mais mon mari nous a surpris ensemble et il l’a chassé en tirant en l’air avec son fusil.
- Tu ne l’as pas suivi ?
- Non, c’était juste pour le sexe et puis après ça, mon époux m’a plus quitté. Je ne sais s’il a eu peur de me perdre ou quoi mais du jour au lendemain, il a changé du tout au tout. Il restait chaque nuit et s’arrangeait pour être présent le plus possible auprès de moi.
- Il était fou de toi !
- Oui mais ça me plaisait moins, il était trop dépendant de moi. J’aime qu’on me résiste. Il a perdu tout son intérêt. J’ai commencé par lui refuser l’acte d’amour et finalement je l’ai quitté pour un homme de caractère, plus âgé.
- Tu recherchais un père ?
- Plutôt un homme qui me dompte, il avait un yacht et on a navigué sur les mers, faisant escale dans les îles. Mais le plus dur pour moi, c’est que j’ai dû laisser mon fils grandir dans la bananeraie.
- Pourquoi ne l’as-tu pas emmené avec toi ?
- Mon époux pensait qu’en le gardant avec lui, ça me forcerait à lui rendre visite mais je ne lui ai pas fait ce plaisir. Je communiquais avec mon fils par email et souvent mon baroudeur chéri faisait escale sur l’île et je passais quelques heures avec mon fils chéri sans que son père ne le sache. Quand il a été plus grand, j’ai pu le voir plus souvent.
- Et aujourd’hui malgré l’amour que tu portes à ton baroudeur des mers, tu as eue envie de me revoir ?
- Pour te dire la vérité, il est mort il y a de cela trois mois. J’ai du mal à m’en remettre et j’ai pensé à toi ! Je reviens en quelque sorte à mon premier amour. J’aurai pas cru te retrouver. Quand je suis tombé sur toi au visiophone, j’ai complètement craqué, j’ai eu envie de te revoir mais je ne fais que parler, et toi, tu as bien dû avoir quelques aventures de ton côté, n’est-ce pas ?
- Je couchais bien avec quelques-unes mais dans la jouissance, je m'imaginais toujours que c'était avec toi. Au réveil, j'avais un choc brutal en voyant la tête de la fille et je m'en allais avant qu'elle ne se réveille et jamais, je ne la rappelais.
- Comment pouvais-tu m'imaginer puisque tu ne m'avais jamais vue ?
- En leur faisant l'amour, je psalmodiais « Antéa, ô Antéa! » et chacune d’elles me reprenait avec son prénom.
- Non sans rire, tu n’as pas su m’oublier, même dans les bras d'une autre ?
- Non, j'espérais qu'un jour prochain, tu...
- Je regrette de n’être pas venue te voir quand j’étais jeune.
- C’est vrai ?
- Non, je voulais te faire plaisir, te dire ces mots que tu attendais. J’ai tellement honte de venir comme ça les bras ballants, quarante ans après.
- Mais, c'est toi mon cadeau. Et puis, j'ai toujours en tête la vision de nos deux corps nus emmêlés l'un dans l'autre bien qu'on n’ait plus le ventre plat et la peau aussi douce.
- Crois-tu que ce serait bien raisonnable à nos âges avancés?
- Peut-être pas, mais c'est le rêve de toute une vie ! Que tu reviennes enfin vers moi pour me dire qu’on va s’aimer !
- JE T'AIME.
- Est-ce un écho ? N'est-ce pas moi qui me parle à moi-même ?
- Non tu ne rêves plus, je suis là et bien là, mon amour, rien que pour toi.
- Tu dis vrai maintenant ?
- Oui ! Mais toi, dis-moi, que ressens-tu de voir le visage de celle que tu ne connaissais que la voix ?
- Cela est indescriptible, c’est tellement incroyable quand j’y pense, que tu existes vraiment, que tu aies un corps et un visage. C'est pour moi comme une fontaine de jouvence qui me ramène dans un passé revisité d’éclats de rire, un arc en ciel de bonheur qui me traverse et m’élève dans un feu d’artifice d’émotions. »
J’ai étiré nerveusement mes lèvres dans un semblant de sourire mais elles se rétractèrent sur mes dents ravagées.
« Comme j'aime te rendre heureux ! reprit-elle.
- Te souviens-tu de ce qu’on se disait autrefois quand on s’aimait ?
- On n’avait pas grand chose à se dire, juste le besoin d’être à portée de voix à défaut d’autre chose. Pardonne-moi si je suis un peu froide mais je t'avais enfoui si profondément dans mon coeur que j'ai du mal à exprimer aujourd'hui mon émotion de te retrouver. Je ne voulais pas te l'avouer parce que j'étais attirée par les aventures mais de tous les hommes que j’ai connus, tu es j’en suis sûre aujourd’hui celui que j’ai le plus aimé. Si je t’ai laissé vivre sans moi, c’est pour que tu te détaches de moi et connaisses d’autres filles.
- Je ne voulais pas que tu puisses imaginer que je t'avais oubliée.
- C'est impossible de m'oublier ! Quand j'approche un garçon, qu'il me voit, il en est déjà fini de lui. Il est pris comme un poisson dans un filet.
- Encore faut-il que tu veuilles bien l'en sortir ! Je restais à me morfondre en t'écoutant parler de tous ces garçons qui te tournaient autour.
- Ils n'ont pas eu grand chose de moi. Mon corps, c'est vrai mais qu'ont-ils représenté à mes yeux ? Je les prenais mais s'ils avaient le malheur de me parler d'amour, je les jetais comme des mouchoirs en papier. Tu vois que quelque part, je gardai mon coeur à l'abri rien que pour toi. Le plus difficile, c'était quand il te ressemblait, sais-tu qu’en faisant l’amour à mon créole, j'imaginais que je le faisais avec toi !
- Pourquoi ne l'a-t-on pas fait pour de bon plutôt qu’en parler seulement ?
- J’ai pensé qu’il valait mieux que je ne vienne pas.
- Pourquoi ? Ca m’aurait tellement fait du bien de passer une nuit avec toi.
- Je sais bien mais après ! N’aurais-tu pas davantage souffert en me voyant partir ?
- Au moins, j’aurais eu un merveilleux moment à me souvenir.
- Je savais combien tu m'aimais mais je n’avais pas suffisamment d’amour pour toi. Je me serais sentie mal dans tes bras.
- Et aujourd’hui, tu pourrais davantage qu'hier ?
- Je ne sais pas, j’ai pas réfléchi à ça dans l'avion, je pensais qu'on passerait l'après-midi à la terrasse d'un café, qu'on ne parlerait pas tout de suite de faire l'amour.
- Je voudrais ne plus te quitter.
- Je ne suis pas de la première jeunesse.
- Tu es comme au premier jour pour moi, Antéa.
- Tu rêves mon ami, je suis si lasse d'avoir vécu loin de toi.
- Tu m'as manqué Antéa.
- Toi aussi, mon adoré. Mais pourquoi restes-tu si loin de moi, approche, que crains-tu donc ! N’as-tu pas envie de te promener à mon bras comme un homme galant ?
- Je voudrais bien mais je ne peux pas !
- Tu as tort, peut-être choisirai-je de rester vivre avec toi !
- Pour ajouter un nom de plus aux pages de ton grimoire ?
- Tu n'es pas n'importe lequel, tu es le premier qui ait compté ! Et surtout, tu es mon chéri de toujours.
- Rien qu'à toi ?
- Rien qu'à moi ! Je te promets de rester avec toi pour te donner tout cet amour que depuis si longtemps tu espères goûter de nouveau.
- Me proposes-tu de devenir ton mari ?
- Si tu veux bien de moi ?
- C’est parfait, voilà tout ce que je désirais entendre.
- Comment ça !
- Je t'ai menti ! Je ne suis pas libre ! Je n'ai pas pu attendre ton retour. Je t'ai trompé. Elle avait seulement vingt ans, un corps de mannequin et trente ans de moins. Quand elle s’est dévoilée dans mon appartement, j’ai pas pu lui refuser. Je me suis marié avec elle et nous vivons encore une folle histoire d’amour dix ans après.
- Tu me déçois profondément, je n’aurais jamais cru que tu pouvais m’oublier ? Ai-je représenté si peu ! Que vais-je devenir si tu ne veux pas de moi ?
- Mais je sais quoi faire de toi, je vais te refiler à Adonis. Il sort d'une histoire tragique. Il est veuf depuis peu. Il a besoin d'un exutoire à sa passion. Il a besoin du sexe d'une femme pour oublier. Tu l’appelleras et tu lui donneras tout cet amour que tu me réservais.
- Ha, t’es pas gonflé, toi ! Pour un peu, tu me vendrais. Mais, c'est toi que je veux, c’est toi que j’aime. Pourquoi veux-tu que j’aille avec lui ?
- Par amour pour moi, c’est tout, quand on aime, on ne discute pas !
- Je ne l’aime pas mais si ça peut te faire plaisir, je le ferai volontiers car je t’appartiens, et donc "j’ai envie de tout ce que tu as envie, je désire tout ce que tu désires et j’aime tout ce que tu aimes .
- Parfait, je suis sûr qu’il apprendra à t’aimer. Je dois te quitter, ma jeune femme m'attend à la sortie de l'aéroport, j’appellerai Adonis pour me tenir au courant de tes prouesses.
- Comment peux-tu être si pressé de t'en aller loin de moi !
- Cela fait des années que je ne ressens plus rien pour toi !
- Je ne peux pas te perdre, je ne le supporterais pas !
- Il va bien falloir pourtant, c'est ton tour !
- Mais, je t'aime !
- Moi aussi, je t'aimais. Mais aujourd'hui, je ne t’aime plus. Adieu Antéa fis-je en me retournant.
- Pardonne-moi, je t'en prie, reprends soin de moi, redeviens amoureux de moi !
- Mérites-tu un tel amour ! Il a suffi qu'un homme t'abandonne pour te souvenir que j'existais. Ne suis-je que la cinquième roue du carrosse que tu peux laisser en bord de chemin et reprendre plus tard quand tu le souhaites ?
- Tu m'en veux !
- Comment pourrais-je t'en vouloir ? Je n'ai fait que te manipuler en disant t'aimer et attendre ton retour et comme prévu, tu reviens vers moi en désespoir de cause parce que tu n'as plus personne à aimer.
- Oui, mais tu m'avais dit que je pourrais revenir quand je voudrais, je croyais que tu m’accueillerais à bras ouverts. »
Emportée par ton cœur, tu t’élances vers moi, cherchant à m’étreindre. Mais tes bras pénètrent ma chair inconsistante et s'entrechoquent violemment. Mon image disparut aussi vite qu’un artefact. Quelque part, un programme en chassait un autre. Une voix de synthèse agréable reprit :
« Vous dialoguiez à l’instant avec un hologramme interactif d'intelligence artificielle de génération hyper-réaliste, type X02R, version 23.7. Gémani avait prévu votre retour, il avait fait préparer quelques réponses toutes faites à vos interrogations. Si seulement vous n'aviez pas cherché à le retenir, vous n'auriez pas eu à connaître l’affreuse vérité ! Seulement, au vu de votre attachement pour lui, nous nous devons de vous révéler toutes les informations le concernant et qu’il aurait souhaité emmener dans sa tombe. S'il n'est pas venu en personne, c'est qu'il est décédé des suites d'une tumeur cérébrale, il y a presque dix ans. Dans son délire, les derniers jours de sa vie, il s'imagina que vous étiez revenue auprès de lui, nos banques de données ont retrouvé la bande sonore où sont enregistrés ses derniers mots à l’hôpital, la voici :
« Sèche tes larmes. Je suis le plus heureux des hommes que tu sois là. Je ne regrette pas d'être resté vierge dans l'espérance de ton retour. Mais non, même si tu en as connu d'autres, il n'y a que toi qui m'aies aimé. Dommage que je doive partir alors que je viens juste de te retrouver. J'aurais seulement voulu rester vivant un peu plus longtemps et qu'on puisse apprendre à se connaître. Mais c'était sûrement trop te demander. Que tu me dises vouloir le faire dans cette chambre d'hôpital suffit à balayer toutes mes peines et à partir le cœur joyeux et l'esprit serein ! Ca y est, je sens que mon heure vient, je m'en vais Antéa, tu ne m'oublieras pas cette fois, n’est-ce pas ? Adieu ma belle, adieu mon aimée farouche ! »
Le programme reprit :
- Nous vous remercions d'avoir utilisé Videolab Hologramic Service et restons à votre disposition pour toute utilisation ultérieure. Nous vous souhaitons une agréable journée. (Clic, Clac.) »
La larme à l’oeil, Antéa resta un moment dans l’espace réservé aux voyageurs en partance, assise sur un banc, l'esprit loin dans le passé, du temps où elle l'appelait, du temps où elle avait encore assez d'amour pour lui téléphoner.
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La confession de Méphisto (1/2)


« Dis-moi comment est Antéa ?
- C'est la femme qui règne sur ton monde imaginaire. C’est l’idéal inaccessible dont je t’ai rendu dépendant.
- Grand Coordinateur des messes basses, pourquoi sépares-tu les êtres qui s'aiment ?
- Je me nourris de la souffrance des êtres humains. Je suis le maître obscur des entités qui vous pénètrent et qui vous font aller et interagir entre vous.
- Puis-je outrepasser mes droits de mortel et te reprendre Antéa ?
- Si je te le permets, c'est afin de pouvoir vous séparer encore et me nourrir de votre peine. Ceux qui restent unis, je les laisse comme modèle pour donner aux jeunes l'envie de cohabiter. Bien sûr, ils restent dans l’ignorance que les couples qui donnent l’apparence du bonheur se déchirent aussi. Quant à ceux qui vivent l'amour passionné, ils me sont de bons éléments où je puise jusqu'à ce qu'ils en pâtissent par le suicide. Les jeunes et les beaux, je les propulse de bras en bras pour tirer la quintessence de leurs victimes. J'en reçois tant d’énergie que je la recycle pour briser les couples heureux. Un petit détail suffit parfois pour rompre la magie de l’amour et celle-ci se transforme en désespoir amoureux.
- Et si je racontais tes manipulations diaboliques à Antéa, peut-être me reviendrait-elle pour échapper à ta domination suprême ?
- Elle ne te croirait pas. Cela ne ferait que la renforcer dans l’idée que tu es dingue. Plus personne aujourd’hui ne croit à mon existence si ce n’est quelques esprits étroits qui me voient comme leurs pères m’avaient dessiné. Je suis à la croisée des chemins, là-même où on ne s’attendrait pas à me trouver. C’est ce qui me rend si puissant.
- Tes activités se résument-elles à délivrer de la souffrance amoureuse ?
- Pas seulement, ma cohorte de démons trouve aussi sa pitance dans les lieux où l'on pratique ces nouvelles danses aux rythmes frénétiques. On collecte les morceaux d'âmes qui se désagrègent à la lumière des spots et des battements cadencés. Quand ils sont vides à l'intérieur, qu'il ne reste rien de leur âme, on les agite pour attirer d'autres qui veulent leur ressembler et connaître cette vacuité.
- Vous prenez encore des âmes ?
- Bien sûr, mais on ne se limite pas à ça. On profite de la crise, de la peur du chômage, de la peur de l'étranger, des religions, du danger de la contamination par le sida. Les émotions que cela engendre sont très productives. Elles renforcent la haine, le mépris, l'exclusion, l'indifférence, l'exaspération et la rancoeur. Et tous ceux qui crèvent seuls dans leurs trous sont de vraies mines d'or pour nous. Cela forme un vortex d’énergie destructrice qu’on ne cesse d’entretenir pour plonger l’humanité tout entière dans un chaos toujours plus profond et plus élargi.
- Que fais-tu des êtres qui s'aiment ?
- Je te l’ai dit, je les sépare. C’est tout un art d’ailleurs de s’attaquer au grand amour. La plupart du temps, je réunis des partenaires qui ne peuvent pas tenir ensemble. Mais quand, ils sont faits l'un pour l'autre, c’est là que je dois intervenir pour grossir les défauts de chacun et les faire paraître pour plus gros qu’ils sont. Ainsi, ils se séparent et le plus faible des deux me nourrit de la souffrance qu'il a d'avoir perdu sa moitié.
- Et que fais-tu du plus fort d’entre eux ?
- Je l'envoie faire des ravages ailleurs, comme ton Antéa. Mais selon ma volonté du moment, il m'arrive d'inverser les rôles et parfois, c'est elle qui souffre après la séparation.
- Pourquoi lui veux-tu du mal ?
- Parce que je n'aime pas qu'elle pense à toi et qu’elle te téléphone pour te faire du bien. Cette dépendance affective me pose de gros problèmes d’interférences. Ce lien qui vous unit encore, ces petites choses qu’elle te confie me sont comme des boulets que je n'arrive pas à faire fondre. Sans savoir, elle se met ainsi sous protection divine. Dans ces moments-là, je perds mon ascendant sur elle. Une brave fille, cette Antéa. Mais à chaque fois, par bonheur, tu ne fais que la décevoir par tes maladresses et tes incompréhensions. Elle te rejette alors pour continuer sa quête des hommes véritables issus de ma normalité, qui ont pour devise : chacun pour soi et Dieu pour tous. Mon problème avec toi, c'est que tu n'as plus l'instinct de conservation. Je me nourris de tes moments de détresse mais tu es trop fragile pour que je te fasse encore mal. C’est pourquoi je te laisse seul, tu vois comme je pense à toi, je fais en fonction des unités d'énergie qu'il te reste.
- Tandis que Dieu, Lui ne s’abaisse pas à mesurer, Il nous aime sans limites. Par la foi qu’on porte en Lui, Il nous relève à chaque fois que tu nous fais tomber.
- Dieu, Dieu, qui est-il vraiment ! Crois-tu qu’il soit si éloigné de moi ? Ne suis-je pas celui qui t’apprends la vie, qui t’en fait ressortir plus fort, plus expérimenté si tu survis. Mais s’il te plaît de me donner ce visage, je ne m’en offusque pas. Vos notions du bien et du mal sont si archaïques !
- Tes propos laissent en suspend plus de questions qu’elles ne donnent de réponses.
- Tu comprendras un jour.
- J’espère ! Je me demande ce qu'elle fait en ce moment. Tu vois, si je pouvais être sûr qu'elle écrive sur moi dans son journal intime et que je ressente qu'elle éprouve encore des sentiments pour moi, j'irais me consacrer à Dieu. J’abandonnerai toute notion d’amour humain pour me consacrer à l’amour divin. De cette relation privilégiée et valorisante, je me suffirais en me sachant aimer d’elle. Et pourtant, il doit bien exister d'autres jeunes femmes, qui malgré mes défauts grandissimes, voudraient partager quelques moments précieux de ma vie ?
- Non, Gémani. Reste-lui fidèle, continue de penser à elle, n'abandonne pas ta quête. Qui te dit qu’Antéa ne te reviendra pas? Qui te dit qu'elle t’oubliera finalement? Ne t'en fais pas, je lui ferai se souvenir de toi un jour prochain. Il te suffit alors de bien gagner ta vie et si elle te redécouvre autonome sous un jour meilleur, tu lui plairas de t'en être sorti. Elle aura l'impression que tu l'as fait pour elle !
- Il n'y a donc que Dieu capable de me garder son amour sans jamais me demander le change. Ah s'il n'y avait pas cette télévision de malheur qui montre des gens heureux en amour, je n'aurais jamais décidé d'imiter les autres dans leur quête imbécile ! Bien que je m'imagine perdre beaucoup en les voyant s’embrasser et s’aimer tendrement, je me vante bêtement de ne pas avoir à souffrir de la présence du corps étranger.
- C’est très bien que tu parviennes à vivre seul. Ainsi, tu ne seras pas dépendant d’une relation. Tu es plus fort que beaucoup d’autre qui en rentrant le soir se complaisent à se plaindre à leur compagnon des tracasseries de leurs journées.
- Mais à deux, ils se soutiennent, leur amour les protège et leur donne des ailes. Moi, je n’ai personne qui m’attend.
- Même si elle ne te donne pas signe de vie, Antéa éprouve encore des sentiments pour toi. Bien sûr, elle ne t'épousera pas, elle ne deviendra pas tienne. Mais un jour, dans bien des années, elle reviendra vers toi et tu seras heureux de l’avoir attendue et vous finirez vos derniers jours ensemble.
- Tu me donnes de faux espoirs pour que je tienne bon et que je vive dans l’attente illusoire de son retour et qu’ainsi j’alimente ton vortex ! Je sais bien que je l'aime trop pour qu'elle m'aime à son tour pareillement. »
Dieu, dans un éclair de sa bonté, fit apparaître Antéa. Elle me regarda droit dans les yeux comme s’il n’y avait rien d’anormal à ce qu’elle ait été transportée à l’instant auprès de moi.
« Tu ne comprendras jamais rien à l'amour, Gémani. On aime toujours quelqu'un qu'on a aimé. On est seulement plus réaliste, c'est pour ça qu'on le laisse choir et qu’on s’en va. Mais c'est un peu de soi-même que l'on perd aussi mais il faut bien passer à autre chose, à quelqu’un d’autre pour continuer à progresser. Chacun évolue et s’épanouit à son rythme. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Mais, tu ne dois pas en avoir peur, tu dois accepter de quitter sa source, cesse de regarder les belles jeunes femmes au bas de la vallée. Descends de la montagne et va les retrouver. A beaucoup d’entre elles, tu leur apparaîtras comme un homme merveilleux.
- Mais plus pour toi ?!
- Il y a quelques années, tu m’es apparu comme un rêve, j’étais sous ton charme. Mais le beau rêve s’est brisé entre ma mère et la distance et surtout quand je suis entré dans la vie active. Depuis, je n’ai pas cessé d’avancer. Aujourd'hui, j'ai atteint un niveau où tu ne peux plus rien m'apporter. J'aspire à des choses dont tu ne connais pas même l’essence. Pour moi, tu es tel un petit enfant et j'ai trop goûté aux hommes pour me satisfaire d'un grand naïf. Je suis déjà infiniment en avance sur toi et je continue sans relâche de grimper entre les strates incommensurables de la vie. Je n'ai pas le temps de regarder vers toi ni de t’aider à monter les marches. Je ne peux regarder en arrière et m’occuper des moins fortunés. Il me faut aller de l’avant. Entre nous, il y a un abysse qui jour après jour nous éloigne inexorablement l'un de l'autre. Oublie-moi, je ne suis pas faite pour toi. Tu ne peux rien. Adieu, Gémani ! »

Elle disparut et pour ne pas pleurer devant Méphisto, je pris congé de lui.
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La balade de Méphisto (2/2)


« Maître des Univers Extérieurs, est-il vrai que tu exauces les voeux des simples mortels en échange de leurs âmes ?
- Cela se peut bien, mais pourquoi t'adresser à moi, petit homme ?
- Parce que Dieu, je L'ai déçu si souvent que j'ai peur de Lui demander des choses que je ne mérite pas qu'Il m'accorde.
- Quel est ton voeu ? Je peux faire de toi le maître du monde, l'Antéchrist, mon serviteur sur la Terre. Non seulement, tu pourras approcher les plus belles femmes qui existent mais en plus, elles seront toutes amoureuses de toi. Je te donnerai également un palais dans chaque région où des serviteurs zélés exauceront tes moindres caprices et où des femmes se feront belles dans l’attente de ta seule venue. Et enfin, toute la technologie sera à ton service pour t'emmener dans les mondes préfabriqués par l'imagination florissante de l'homme.
- Ca m'a l'air merveilleux mais vois-tu, il n'y a qu'une femme que je désire et quelle femme ! Quant à l'imaginer dans un monde virtuel, ça me serait trop frustrant.
- Mais cette femme, je peux te la donner si tu veux.
- Hé comment ferais-tu !
- C'est simple, comme il y a deux ans, lui donner l'illusion qu'elle t'aime.
- Tu sais donc de qui il s'agit ?
- Me crois-tu donc dans l'ignorance de tes tribulations avec Antéa ?
- Tu lis dans mes pensées ?
- Oui, bien sûr petit homme puisque je suis justement tes pensées, ton mental. Je ne suis que l'empêcheur de la manifestation divine, le persécuteur au nom de Dieu. Si tu savais comme il est facile de vous tromper, vous autres humains !
- J'en suis souvent la victime mais il m'arrive de plus en plus de l'aimer sans rien attendre en retour et ça part vers elle et ça me revient sous forme qu'elle prend de mes nouvelles.
- Alors tu sais ! C'est toi mon maître, petit homme. Je te conduirai partout comme du temps de mon cher Faust.
- Conduis-moi vers ma belle.
- Monte sur mon dos, petit homme, prochain arrêt en gare d’Antéa. »
[...] Apparition dans la chambre promise !
« Antéa, comme tu es belle ma déesse endormie.
- Mon Mani ! Fis-tu dans ton demi-sommeil.
- Sors de ton sommeil, je suis venu te chercher, c'est la balade de Méphisto. »
Tu clignes longuement des yeux avant de les ouvrir en grand. Tu distingues une forme humaine toute auréolée de lumière. Méphisto derrière moi sous son apparence chevaline, les yeux rouges, paré de vert, la queue dressée et menaçante, de la vapeur s'échappant de ses naseaux et une robe tachetée de rouge et de verdâtre.
« Comment es-tu venu à moi ?
- Ne cherche pas à savoir.
- Et ce monstre chevalin, que nous veut-il ?
- Il ne te fera rien, n’aies pas peur. Je te présente la monture que j'ai gagnée pour mon amour pour toi. Méphisto a des foulées plus rapides que la lumière.
- Mais, comment es-tu entré ?
- Par ton coeur, par la douceur de tes sentiments pour moi. Ils ont guidé Méphisto jusqu'à toi.
- Alors, tu peux venir me voir et repartir quand tu veux, je n'ai plus d’intimité. Tu peux faire comme bon te semble avec moi !
- Est-ce une proposition pour finir la nuit ?
- Non, c'est juste que je me rends compte combien tu dois m'aimer pour être capable de telles choses. C'est dommage que je ne t'aime pas en retour.
- Tu dois m'aimer un peu sinon Méphisto n'aurait pas pu te trouver au milieu des autres. Il a repéré sur la terre qu'ici même, il y avait le plus grand foyer d'amour qui s'élevait vers moi.
- Si peu, mon pauvre Mani
- Alors tant pis, les prochaines fois, je te regarderai dormir sans te réveiller. Ta présence suffira à mon bonheur.
- Oh non, je veux bien qu'on fasse l'amour ensemble quand l'envie du sexe d'un homme me prendra. Ce sera plus pratique que de fuguer en descendant par le balcon. En toi, j'aurais un homme disponible pour satisfaire mon corps, retrouver mon âme et établir mon esprit.
- A ton service, ma chérie.
- Mon amour, apprends-moi à enfourcher ton bel étalon ?
- C'est un jeu où l'on risque de se brûler les doigts tant les rênes sont contondantes !
- Fais-moi faire un tour alors, ce sera comme lorsque je me tenais à Dave quand il me prenait sur sa moto et que nus, nous cheminions à travers champs et sur les berges des gorges du Verdon.
- Ce n'est pas à travers champs que nous allons. Là-bas, il n'y a pas de route.
- Comment est-ce, là-bas ?
- Des gens qui prennent racines, qui régressent dans l'ordre végétal puis minéral jusqu’à brûler du feu éternel. Ca va t'effrayer. Ces images te resteront gravées pour toujours tant la souffrance de ces êtres est grande. Il me faut traverser cet enfer pour aller jusqu'à toi.
- Comment peux-tu supporter une telle horreur ?
- Je sais que ma récompense sera de me trouver près de toi, alors je peux tout endurer pour cela.
- Dis, tu me réveilleras les prochaines nuits que tu viendras me voir, promets-moi que tu ne feras pas que me regarder dormir !
- Tu es si belle quand tu dors que je resterais des heures durant à contempler ton visage éclairé par la lumière diffuse du clair de lune.
- Je veillerai dans l'attente de te voir apparaître et sortir de mon coeur.
- Alors, je ne viendrais pas. Je ne peux infiltrer la réalité que lorsque tu n'es plus consciente de ton interaction avec elle. C'est ainsi que je peux mêler nos réalités individuelles. Je ne peux venir que si tu dors ou que tu m'aimes au paroxysme en me faisant revivre en pensées dans ton esprit.
- Je suis moins fort que toi dans ce domaine. Tu es tel un dieu qui veille sur moi. Que ne pourrais-je refuser à mon dieu ? Sais-tu que je suis nue sous les draps ?
- Je n'ai pas à l'imaginer, je le vois par mon troisième oeil.
- Et je ne puis me défendre contre mon dieu. Viens et aime-moi !
- J'ai peur que l'on s'aime cette nuit et que petit à petit, jour après jour, on s'aime de moins en moins. J'ai peur de coucher avec toi et ensuite, te laisser tomber parce qu'il ne me restera plus rien à découvrir de toi.
- La première femme avec qui l'on couche, ça ne s'oublie pas, ne crois-tu pas ? Et puis, tu apprendras que je suis une femme riche de trésors. Qu’une vie entière ne te suffirait pas pour te lasser de moi !
- Sont-ce des trésors longuement accumulés dans les bras de tous ces beaux hommes auxquels tu t’es offerte dans tes nuits de débauche ?
- Ils n'ont jamais reçu de moi plus que je voulais leur montrer.
- En tous cas, chacun d’eux a reçu ce que j’attendais de toi!
- Le sexe n’est que peu de chose tandis qu’un amour est éternel. Bien qu’il reste toujours des séquelles d'un amour brisé, ne doute pas de mon amour renaissant pour toi. Quand je t'aurais reçu en moi, tu pénétreras dans le royaume de Dieu. Je suis la porte, je suis ta Béatrice, ton Eurydice, ton amour jusque dans l'éternité. Entre mes cuisses, se trouve la porte de l'infini.
- Peut-on imaginer telle chose dans le corps d'une femme aussi éprise soit-elle !
- Si un jour, tu en connais une autre que moi, plus jamais le jardin d’Éden ne te rouvrira ses portes.
- Quel sombre destin tu me donnes, ta jalousie suffirait-elle à m’en fermer les portes !
- Ce n’est pas que je sois jalouse, mais nos énergies se seront équilibrées tout au long de nos joutes sexuelles. Si jamais tu venais ensuite à coucher avec Danaé ou une autre femme, l’équilibre serait rompu et il nous faudrait tout reprendre depuis le début.
- Il a suffi donc que je vienne te voir pour que tu me reçoives dans ton coeur !
- Je mesure ton amour non à ce que tu me dis mais à ce que tu fais. Jamais les mots ne vaudront plus que des mots tant qu’ils ne sont pas suivis par des actes !
- Mais, pensais-tu réellement refaire un jour ta vie avec moi?
- Je t’avoue que non, mais vu ton amour et la passion que tu me portes, je serais bien bête de ne pas en profiter et d'en désirer un autre. C’est bien dommage que les sentiments ne se commandent pas, je voudrais tant être folle de toi et ne penser à nul autre !
- Comment faudrait-il que je sois pour te plaire ?
- Tu t'en sortiras de toi-même si tu m'aimes vraiment et puis chez nous les femmes, la beauté des hommes n’est pas primordiale, on s'en soucie guère tant qu’on l’aime, qu'il nous fait bien l'amour, qu’il sait trouver les mots pour nous consoler et qu’il nous donne l’impression qu’avec lui, on peut gravir des sommets.
- Pour moi, il n'y a que ta beauté et ta jeunesse qui m'attirent.
- Goujat, va-t’en, grimpe sur ta monture et ne reviens jamais plus me troubler ! »
Envol dans les airs et aspiration en ton sein.
[...] Retour dans ma chambre.
« Pourquoi lui as-tu dit que tu ne l'aimais que pour sa beauté et sa jeunesse, Maître ?
- Parce que c'est la vérité. Que crois-tu qui m'attire en elle ?
- Mais pourquoi lui dire, elle avait craqué pour toi, tu l’avais enfin gagnée à ta cause !
- Elle aura une vie bien plus riche et joyeuse avec un beau jeune homme plein de force et de volonté, du genre cadre dynamique ou représentant capable de convaincre une personne âgée de lui acheter un ioniseur d’air.
- Mais comment arriveras-tu à vivre sans elle ?
- J'irai sur ton dos l'espionner pendant ses nuits.
- Tu sais, il y a plein de femmes comme elle sur les bancs de la fac, toutes plus belles les unes que les autres et qui ne refuseraient pas une partie de jambes en l’air à l’occasion.
- Je le sais bien, chacune m'interpelle mais comment les aborder ? Elles sauraient immédiatement que je ne les aime que pour leur beauté et leur jeunesse. Elles ne m’en détesteraient que davantage et elles parleraient de moi comme du mec qui veut se taper de jeunes étudiantes. Je ne veux pas être catalogué ainsi.
- Prends une moche, ça a un trou aussi et des fois, elles en demandent davantage que les autres depuis le temps qu’elles n’ont pas été satisfaites. Prends n’importe laquelle, tu t’occupes d’elle un temps, la flattant sans cesse jusqu’à la faire craquer. Tu l’épouses au plus vite et tu ne seras plus seul et une prostituée à vie sans besoin de la rémunérer.
- Et si Antéa revenait vers moi par la suite !
- Hé bien, tu pourras bien l'espace d'un week-end recevoir d'elle tout ce qu'elle te doit depuis le temps, majoré de la plus-value !
- Crois-tu que je pourrais alors tromper ma légitime épouse ?
- Tu sais, je crois que tu aimes trop Antéa pour qu'une autre puisse un jour la remplacer dans ton coeur. Tu n’auras qu’à expliquer à ta future qu’il se peut qu’un jour, une de tes ex revienne. Que d’ici-là, elle aura intérêt à te combler si elle ne veut pas te voir partir avec ton ex le jour de son retour !
- Comme il te plaît de voir les gens souffrir, s’abîmer à faire des efforts inutiles !
- C'est que je peux les manier à ma guise quand ils pensent trop au lieu d'agir.
- Dans ton élan, tu embrumerais l’esprit de ma légitime. Elle souffrirait de voir Antéa me dominer dans l’acte. Elle attendrait qu’Antéa s’écroule dans mes bras pour venir par-derrière lui enfoncer son pieu dans son dos. Alors, je boirai son sang à ses lèvres. Poussée dans sa rage, mon épouse trahie continuerait à le marteler jusqu’à m’éclater le coeur.
- Allons donc, comment ferais-je cela à mon Maître !
- Aurais-tu le cynisme de me laisser en vie pour que je dépérisse sachant Antéa hors du monde, inaccessible au vivant ?
- Choisis le concubinage, si tu préfères. Comme ça, quand Antéa te reviendra, tu n’auras qu’à jeter à la porte ta concubine, tu ne lui devras absolument rien.
- Oui, mais d’ici là, à la moindre dispute, ma concubine risquerait de me quitter et je n'aurais plus de trou à bourrer pour la nuit.
- Tu n'auras qu'à en chercher en boîte. Il y a beaucoup de femmes seules en manque d’amour et de tendresse.
- Oui, mais faudrait-il encore que je parvienne à les séduire!
- Il y a de jolies célibataires à Paris. Elles disent apprécier leur liberté mais quand elles découvriront ta gentillesse, elles se disputeront comme des chiffonnières pour devenir ta compagne.
- Sans que j’aie un mot à dire, elles viendraient vers moi !
- Ne t’inquiète pas, je te soufflerai à l’oreille les mots qu’elles veulent entendre. Ces mots magiques qu’elles attendent depuis toujours qu'un homme vienne leur dire.
- Je n’aimerais pas les tromper, je me sentirais mal de leur dire qu’elles sont merveilleuses dans le seul but qu’elles écartent les cuisses.
- Je peux te présenter la nymphomane type, l’assoiffée de sexe. La première chose qu’elle attend, c’est voir dans tes yeux que tu la mâtes sous toutes les coutures. La seconde, que tu l’abordes. La troisième, que tu l’invites à boire un coup. La quatrième, que tu la raccompagne chez elle et enfin voir ton sexe qui bande pour elle !
- Oui mais faudra-t-il encore que j’utilise une capote et ça va me couper tous les moyens. La première fois, j’ai tellement envie de la sentir à même ma peau. J’ai bien peu de chance de tomber sur une vierge assoiffée de sexe !
- Que crois-tu donc ! Si tu savais le nombre de jeunes femmes qui n’attendent que ça, qui regrettent même toutes les occasions perdues. Elles ne sont pas si nombreuses que ça à l’avoir déjà fait. Elles fantasment jour et nuit sur les hommes qu’elles croisent dans la rue quand elles ne flashent pas sur un acteur ou un chanteur.
- Je ne serais dans leurs bras qu’un objet de plaisir. J’en veux une qui m’aime, qui ne pense qu’à moi, qui me supplie de ne pas la quitter, qui s’agrippe à mes jambes pour ne pas que je m’en aille.
- Un pot de colle ! Bah, ça ne me dit rien qui vaille ! Tu ne sais pas ce que c'est. Tu ne le supporterais pas, c'est toi qui t'en irais loin d'elle pour ne pas étouffer.
- Crois-tu ?
- Je te connais bien, tu as besoin de tranquillité, d’être seul pour te ressourcer. N’apprécies-tu pas tes nuits solitaires passées à réécrire cet ouvrage ? Chaque fois que tu as envie d’une femme, tu n’as qu’à partir en boîte et en ramener une juste pour la nuit.
- Mais ce n’est pas sûr qu’une me suive pour mes beaux yeux et puis même si elle veut bien de moi, elle repartira à l'aube et moi j’aimerais tant qu'elle soit folle de moi, qu’elle me tombe chaque jour dans les bras et m’accompagner partout où j’irai.
- Te sens-tu capable de la divertir suffisamment pour la conserver ?
- Peu m’importe qu’elle soit infidèle tant qu’elle me consacre du temps.
- Tu accepterais qu’elle collectionne les conquêtes pendant ton absence. L’imagines-tu derrière son rideau à mâter les beaux mâles qui passent. A peine les aura-t-elle abordés qu’elle remontera sa robe et écartera les cuisses. Le pire, c’est qu’après son infidélité, elle ne pourra pas te l’avouer de peur de perdre la sécurité que tu lui apportes. Et si l’amant d’un jour n’a pas pris ses précautions, la peur d’être contaminée lui fera te refuser l’acte sexuel et voilà qu’elle prétextera d’atroces migraines.
- Mais je ne lui en voudrais pas de m’avoir trompé. Si elle a tiré quelque plaisir, je serais heureux pour elle !
- Mais, elles sont habituées à ce qu’un homme ait un autre genre de réaction en apprenant qu’il est cocu.
Méphisto resta un moment dubitatif mais se reprit :
- Il existe aussi un autre genre de femme plus difficile à cerner au premier coup d’oeil. Celle, qui une fois dans la place, ne voudra plus que tu la touches mais voudra bien continuer à se faire entretenir financièrement !
- Je la forcerai si elle ne veut pas.
- C'est une solution qui est employée, mais qui te dit qu'alors que tu dormiras à poings fermés, elle n'ira pas te trancher la bite avec le couteau de cuisine. Tu sais que recollé, ça ne bande plus aussi bien après et fini tes joutes solitaires.
- Elle n'oserait pas, elle voudrait pas se retrouver enfermée pour émasculation et risquer de ne pas voir ses enfants grandir.
- Allons, crois-tu que les juges te feraient la part si belle ? Ils l’interrogeront et elle répondra que tu la maltraitais, que tu la violais quand elle ne voulait pas. Elle montera ses enfants contre toi. Ta fille et ton fils iront jusqu’à t’accuser à tort de les avoir violés pour la soutenir. Le juge donnera la garde de tes enfants à ton ex-femme. Ils te feront enfermer et tu ne toucheras même pas d’indemnité pour la perte de ta virilité.
- Alors mieux vaut encore que j'épouse Antéa ?
- Qui te dit qu'elle se laissera faire plus facilement qu’une autre. Tu devras apprendre à faire des compromissions. C'est bien beau de vouloir gravir des échelons, prendre des décorations spirituelles, encore faut-il que ta promise veuille se résoudre à te suivre.
- Et les houris du Paradis. Ces déesses qui ont toujours seize ans et qui sont plus parfaites que les humaines.
- Je veux bien te les montrer mais elles aiment les hommes indifféremment.
- Tu as raison, ça ne me conviendrait pas non plus.
- Si elle est trop présente dans ton coeur, j'ai les moyens de te la faire oublier à condition que tu me le demandes.
- C'est mon plus beau souvenir jusqu'alors. Que me resterait-il d’agréable à me souvenir sans mon histoire avec elle !
- Promènes-toi dans la rue, dans les boutiques et les centres d’information, sur les bancs des universités, montre-moi celle qui te plaît et je la rends tellement amoureuse de toi qu'elle écartera les cuisses cinq minutes après. Que tu la culbuteras dans la salle des archives sur un bureau et le soir-même, une nouvelle fois dans son lit.
- Voyons... Danaé est intéressante mais ce n'est quand même pas Antéa.
- Seulement, Danaé t'aime beaucoup. Sais-tu qu'elle apprécie bien davantage ta nature qu’Antéa ne te comprend? Elle n'osera jamais te le dire, mais elle est tombée amoureuse de toi dés le premier jour où tu lui as parlé au téléphone.
- Mais elle me ressemble trop, elle est vierge, vraie et innocente. Tandis qu’avec Antéa, je ne me retrouve jamais, c'est toujours la surprise, le changement. Elle est capricieuse, imprévisible, toujours prête à imaginer de nouveaux stratagèmes. Et sa voix ensorceleuse, son rire en cascade, ses manigances, ses délires. C'est une pièce de théâtre à elle seule.
- Si tu veux vraiment Antéa, je te la donne tu sais. Je te l’ai déjà dit.
- Non, je veux qu'elle m'aime naturellement.
- La première fois qu'elle t'a aimé, c'était une illusion. Je l'avais abusée pour qu'elle te voie différemment.
- Mais, je ne le savais pas alors. D’ailleurs, tu n’es pas obligé de me le répéter sans cesse. Tu ne peux pas prendre tes décisions tout seul ? Fais comme mal te semble. Je ne veux rien savoir.
- Mais, tu es désormais mon Maître. Même pour te faire plaisir et pour ce qui te concerne, je n'ai pas le droit d'abuser Antéa sans que tu m’y autorises. Je ne peux qu'obéir à tes ordres et seulement te faire des suggestions. Tu es désormais maître de ton destin.
- J'ai une idée lumineuse ! Tu vas réduire la Terre à néant en sauvant seulement Antéa et moi, ainsi elle n'aura d'autre choix que de m'aimer si elle ne veut pas se trouver toute seule.
- Ce n’est pas dans mon pouvoir, je ne peux pas le faire et puis ... J’ai des comptes à rendre. Et même si je pouvais, tu penses à l’humanité, au champ d’expérience !
- T'as de bien faibles pouvoirs pour un tel prestige au travers des siècles et une si grande renommé à travers le monde.
- Ce n'est pas la peine de me flatter, je ne peux pas, c'est tout. Penser un monde avec deux personnes seulement. Un couple. J’en ai connu un il y a longtemps ! Mais ça s’est mal terminé pour moi, depuis je suis condamné à errer ici-bas.
- Mon Mani ? fit une voix lointaine comme sortie du néant.
- Elle t'appelle, tu l’entends ?
- Ramène-moi chez elle, Méphisto. Au galop. Dépêche-toi avant qu’elle s’impatiente, je ne veux pas la faire attendre bien qu’il me serait profitable d’aggraver son manque. »
[...] Apparition.
« Tu m'as appelé Antéa ?
- Oui, peu importe pourquoi tu m'aimes. Si je suis belle et jeune, ce n'est pas ma faute. Tu m'as aimée alors que tu ignorais comment j'étais. Et puis, je sais bien que je ne suis pas belle, c’est l’amour que tu as pour moi qui te donne l’illusion de ma beauté.
- Je t'ai aimée seulement parce que tu m’avais dit être tombée amoureuse de moi. Comme ça, je n’avais plus à chercher.
- Pourquoi tu dis ça ? Tu fais tout pour me décevoir de toi. Mais, ça ne marchera pas, j'ai décidé de t'appartenir pour la vie, si tu veux toujours de moi !
- Je ne sais pas trop ! Quand je te regarde, t'es tellement moche !
- Mais, tu m'aimes ?
- J'ai juste envie de baiser avec toi, c'est tout !
- T'es trop craquant.
- Tu vois Méphisto qu'il n'y a pas besoin de tricher.
- Oui, Maître. »
Méphisto à part : « Il est bien naïf mon petit homme. Ni l'un ni l'autre ne savent que sans moi, leur amour n'existerait pas? Quand comprendront-ils qu'ils sont manipulés d'un bout à l'autre de leur vie ? »
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La fiancée de Gulliver


Antéa ne m'appelait plus. Avait-elle un gros problème ? Déjà qu’elle craignait que sa mère n’ait découvert que nous dialoguions de nouveau. S'était-elle retrouvée séropositive comme elle le craignait suite à cette beuverie où l’homme l’avait prise sans mettre de préservatif ? Était-elle tombée enceinte, ce qui expliquerait son retard de règles ou même devait-elle mener de front ces deux galères à la fois ? Ce n'était pas mon problème, enfin je me forçais à le croire pour arrêter de penser au pire.

Une fois encore, j'arrivais dans la cité des paillettes et du flush. Ce n'est pas elle qui aurait pu faire le déplacement. Elle ne m’en avait parlé qu’à seule fin d'aiguiser mon imagination.

Je tombais sur elle au coin de la rue menant chez elle. Elle était d'une humeur massacrante. Je lui demandai un pacte de sang en souvenir du temps passé. Elle restait là sans répondre attendant de voir ce que j’avais à lui proposer. Comme les drogués, elle avait les pupilles dilatées, les yeux rouges et les paupières enflées. Je sortis un flacon de mon sang et lui demandai de le mélanger au sien. Elle se fit une entaille profonde aux cinq doigts de la main droite. Elle versa mon sang dans une cuvette qu’elle prit sur le rebord d’une fenêtre et plongea sa main ruisselante.

« A ton tour maintenant, me dit-elle en me tendant mon Opinel.
- Qui te dit que je prendrais le risque de mélanger mon sang au tien ?
- On peut tout aussi bien faire l’amour sans capote fit-elle en me tirant par le bras. »
Elle vit que je n’étais pas partant, que je n’étais pas prêt à la suivre.
« T'es vraiment nul, t'es comme les autres. Tu tiens tant que ça à ta vie. Si seulement, tu faisais quelque chose au lieu de végéter sans cesse. Ne vaut-il pas mieux encore que tu meures, ne crois-tu pas ? Bois à mes lèvres le breuvage mortel, entre dans la mort par ton aimée si tu l’aimes d’un coeur pur !
- Très bien, on y va dis-je, alléché par les courbes que je devinais sous ses vêtements et que j'imaginais gravir et dévaler. »
Je l’aimais tellement que je pris le risque de perdre ma vie pour un moment de bonheur passé entre ses bras et puis, n’était-ce pas ça que j’attendais d’elle ?

On a quitté la ville pour trouver un coin paumé et désert dans la nature. On a atterri tout près d’un champ de lavande accompagné du chant des cigales loin de la cohue des voitures. J'avais maintenant l'opportunité de me suicider à long terme. Cette fois, il n'y aurait pas moyen de faire machine arrière. En la regardant allongée sur la banquette arrière, je pensai déjà au moment d’extase à venir. A voir son état d'abandon, ses cheveux sales, son haleine chargée de reste de nicotine et de tartre, ses traits tirés, l'odeur fétide de son corps dans ses vêtements crasseux, il n'y avait pas de doute, elle avait laissé tomber ses beaux principes sur l'apparence.

Pourrais-je survivre sachant Antéa condamnée, n'ayant plus que quelques années pour jouir de la vie ? Ses beaux projets, son bel avenir dans la cité du strass, il n'en restait rien. Je n'avais plus eu de ses nouvelles à partir du jour où elle se sut condamnée. Elle avait choisi de me cacher la vérité en jouant les femmes de petites mémoires plutôt que de s'avouer vaincue par la maladie et que je m’apitoie bêtement.

Malgré le contact de sa peau rêche, de ses mains calleuses sur mes hanches, je l’ai laissé me conduire, mener les assauts. Elle commençait à pleurer parce qu’elle ne me sentait pas sincère. Qu’à la façon de la tenir, je cherchais plus à m’en éloigner qu’à m’en rapprocher. Quand elle m’offrait sa bouche, je détournais le visage comme si j’avais craint qu’elle me contamine par ses lèvres. Elle était obligée de serrer mes fesses de toutes ses forces pour ne pas que je ne me retire d’elle, avant chaque assaut. Mais même si cela ne dura que dix minutes, ce qui me rendait heureux, c'est qu'au moins, elle avait pensé à moi en le faisant, elle avait gardé les yeux ouverts !

Un mois plus tard, je fis le test, négatif. Ça ne passait pas aussi facilement que ça. Je continuais toujours de baiser Antéa. Mais à l’inverse, j’étais devenu avide de son venin de mort. Je me risquais à la prendre autrement pour augmenter les risques. J'avais même mélangé son sang au mien. Un mois encore et toujours rien. Six mois après, la même chose, j'en venais à désespérer. Mon sang se révélait vierge de toute contamination. Il fut pratiqué des analyses complémentaires en laboratoire. A la lecture des résultats, il semblait que je bénéficiais d'une vaccination naturelle. Antéa quant à elle, allait beaucoup mieux. On lui fit des analyses et ils virent que le virus avait disparu de son corps, rémission complète. Mon sang fut administré aux sidéens et séropositifs et l'on constata la guérison plus ou moins instantanée de tous les malades. Ils passaient de séropositif à séronégatif en quelques jours. Ils essayèrent de pratiquer une culture sanguine à partir de ma moelle osseuse qui me fut prélevée mais sans résultat. Hors de son mentor, elle ne se cultivait pas. Ils stimulèrent ma moelle osseuse pour que je donne plus de sang. Je devins une bête de laboratoire. J'étais méconnaissable. Mon corps bourgeonnait. Antéa était de plus en plus horrifié de la bête à sang qu'ils me faisaient devenir. Il me fut désormais interdit de connaître les joies de l'amour avec Antéa. Ils avaient peur qu’une crise cardiaque m’emporte. Ainsi pour le bien de l'humanité, je fus sacrifié sur l'autel de la médecine. Ils m’ouvraient chaque jour pour me greffer des étendues de chair et des membres prélevés sur des morts pour me refermer ensuite. Les premiers bénéficiaires de mon sang étaient les cas désespérés. Pour les autres, ça pouvait attendre. Selon les statisticiens, la distribution de mon sang commençait légèrement à influer sur la courbe de progression du nombre de séropositifs en France. Mon volume augmentait sans cesse. Des membres m'avaient poussé suite aux potions qu’on m’injectait en intraveineuse. A chacune des extrémités de mes nouveaux membres, on me faisait des ponctions sanguines. Je ressemblais à une méduse de dimensions gigantesques. Il avait fallu m'installer dans un hangar désaffecté, à peine désinfecté pour me préserver d'agents extérieurs. Par la suite, il devint trop étroit. Ils fixèrent des filins entre le toit et des nacelles de montgolfières. Celles-ci lâchèrent tout leurs lestes et le toit s’ébranla avant de se soulever et d’être emporté plus loin. Ensuite, ils firent tomber les murs de tôles vers l'extérieur. Ils ne surent bientôt plus que faire, alors ils me laissèrent coucher dehors, juste recouvert d'une grande bâche.

Antéa n'osait plus me regarder dans les yeux. Dix mille litres de sang m'étaient prélevés chaque jour. Après quelques années, il n'y eut plus un seul cas connu de séropositivité dans le monde. Seulement voilà, qu'étais-je devenu ! J'étais une montagne vivante et à moi seul, j'obstruais la vallée. Il fallait voir les bouchons, les files interminables de voitures qui ne pouvaient passer que si je soulevais l’une de mes tentacules gigantesques. A hauteur de mes yeux, je voyais les skieurs descendre les pistes. Mais, je n'étais plus utile à personne. Pour me nourrir, j’arrachais les arbres fruitiers de terre. J’élaguais l’arbre entre mes dents mangeant branches, feuilles et fruits. Je lapais l’eau des lacs subalpins faisant bien attention de recracher les baigneurs imprudents. Et vous savez quoi, j'avais la plus grosse bite du monde, plus grosse que le tunnel du Mont Blanc, avoisinant l’Eurotunnel Trans-Manche dans sa section, plus difficilement dans sa longueur. Lors des éruptions, on ne dénombrait pas moins de huit geysers de sperme à différents niveaux. Malgré ma taille gigantesque, Antéa ne renonça pas à m'aimer. Elle entrait depuis quelques jours déjà dans la caverne que formait mon méat urinaire pour édifier une étrange toile d’araignée de cordelettes. Quand elle eut terminé son ouvrage dantesque, elle retira tous ses vêtements. Elle mit un porte-jarretelles noir renforcé autour de son bassin en guise de harnais. Ensuite, elle se cala au milieu de la toile en le fixant par des mousquetons. Elle tira sur les cordes de toutes ses forces pour m’informer qu’elle était prête. J’ai commencé alors à me branler et quand le liquide afflua, elle fut aspergée de mon sperme des pieds jusqu’à la tête dans un jet continu qui dura bien vingt secondes. Comme d’autres prenaient des bains de boue, Antéa prenait des douches de mon sperme. Quand elle ressortit de la caverne complètement ivre, je l’attrapai en enroulant les fines extrémités de mes tentacules qui me servaient de doigts autour de sa chevelure, la portai à mes lèvres et la léchai goulûment pour la nettoyer du sperme et la poser toute baveuse sur la colline formée par mon téton gauche. En frottant son corps nu sur ma glande, elle me faisait l'impression d'une limace.

En aval de mon endroit, la situation était désespérée, les rivières de ma pisse faisaient déborder le Fier. Les gens avaient de ma pisse jusqu’aux genoux. Comme il y avait le Mont Blanc, on dénomma le lac Blanc pour désigner le lieu où mon sperme se répandait jour après jour. Mes fans s'y baignaient avec délectation. En amont, j'emmerdais littéralement les ponts et chaussées. Je ne pouvais pas me déplacer dans une autre vallée, parce que certains de mes membres s’étaient enfouis dans le sol à la recherche d’éléments nutritifs. D’immenses racines qui s’étendaient sur des kilomètres de profondeur. Il n’y avait plus d’arbres à portée de mes tentacules. Bien qu’Antéa eût attaqué et détourné plusieurs trains de convoyage de fruits et légumes, cela n’avait représenté qu’un bien maigre apéritif pour un géant de ma taille. Quant aux rares poissons du lac à l’eau trop pure, ils avaient tous péris dans mon ventre. Je commençais à dépérir malgré les efforts d’Antéa. Mon état n’était pas brillant et j’étais affamé à tel point que je m’imaginais bientôt griller des brochettes de petits enfants pour me régaler de leur chair tendre.

Par décision de salubrité, il fut décidé d'accélérer ma mort. Mais soutenue par les anciens séropositifs, Antéa lança un grand mouvement de manifestation avec tracts et banderoles pour la sauvegarde de la méduse géante. Avec leurs porte-voix, ils disaient qu’ils iraient jusqu’à me servir de bouclier humain. Ils campèrent sur mon corps. Ils me faisaient griller quelques poils avec leurs bonbonnes de gaz. Je les regardais en salivant, la bonne bouchée que ce serait ! Pour haranguer la foule, Antéa se plaçait au sommet de mon téton gauche. Quand elle en avait fini, elle se recroquevillait sur elle-même et collait son oreille à ma glande pour s’oublier entre les battements assourdissants de mon coeur.

Les militaires ont jeté des grappins pour grimper sur mes cuisses. Ils ont encerclé mes fanatiques défenseurs et les ont évacués. Antéa fut jetée sans ménagement dans un fourgon, au moins ne l’avais-je pas mangé ! Pendant qu’il s’éloignait à vive allure, je vis son sentiment de désespoir sur son visage au travers de la petite vitre arrière.

Laissé sans défense, je vis arriver de loin de gros avions, des B 52. Ils prirent de l’altitude et quand ils approchèrent à quelques centaines de mètres à la verticale, ils lâchèrent leurs bombes à fragmentation. Je vis des crevasses géantes pulluler sur mon corps, le sang en sortant formait des rivières qui se rejoignirent à mon entrejambe pour former un fleuve de sang épais qui comme une coulée volcanique emportait tout sur son passage. Mes globules blancs surdimensionnés s’attaquaient aux habitations pour extraire ses habitants et les digérer. Il y eut aussi des milliers de noyés ensanglantés. Des vers géant commencèrent à dévorer ma chair trois jours après ma mort. Des Canadairs répandirent des tonnes d’acides sur mon corps déchiré pour tuer les immondes créatures. Mon corps se désagrégea dans la vallée donnant une couleur ocre à la terre. Le sol s’en trouva plus fertile et de nouvelles espèces apparurent.

Devant son désespoir, Antéa ne reprit pas ses études de droit quand elle fut libérée de prison. Elle changea de filière et opta pour la biologie et suivit une spécialisation en virologie. Elle fut recrutée par le laboratoire P4 de Lyon. Elle était chargée d’archiver les échantillons de virus. Elle tenait l'outil de sa vengeance. Elle aurait pu facilement répandre le virus Ebola mais elle préférait quelque chose de plus insidieux. Elle retira le patrimoine génétique de virus H.I.V. pour l’implanter au sein de capsules de souche grippale. Elle modifia les protéines de surface des capsules afin que le virus s’attaque toujours aux mêmes cellules cibles. Ce qui créa un H.I.V. de nouvelle génération plus facilement transmissible que l'original. Il avait un mode de diffusion différent, il passait par l’air, les bronches et les poumons et de là, jusqu’au sang.

Puis, elle a demandé à prendre ses vacances et a retiré toutes ses économies bancaires. Elle s’est fait faire les vaccins obligatoires. Elle s’inocula la nouvelle souche de virus qu’elle avait créée. Enfin, elle a convenu d’un périple autour du monde avec un tour-opérateur. Dans chaque pays traversé, elle soufflait au visage du plus grand nombre possible de personnes. Elle ne manquait pas d’embrasser sur les lèvres les beaux hommes typés qui avaient le malheur de croiser son chemin.

L'hécatombe fut inimaginable. L’endémie fut telle que l’humanité disparut en une vingtaine d'années. Seules, quelques peuplades indigènes survécurent. Elles furent à l’origine d’un repeuplement tardif des villes laissées à l’abandon.

J’ai retrouvé Antéa juste après sa mort, le temps qu'on donne à tout être pour entr'apercevoir les proches qui ont le plus compté pour lui durant son existence. Mais on n’a rien trouvé à se dire dans le peu de temps qui nous était imparti. Après nos silencieuses retrouvailles, elle fut conduite en Enfer pour avoir exterminé l’humanité et moi, renvoyé au Paradis pour avoir fini en martyr. Combien j'étais malheureux d'être séparé d'elle ! Je fis des lettres de recours aux différents ministères des anges pour qu’elle me soit rendue ou qu'on me transféra auprès d'elle. Il me fut répondu qu'en Enfer, on séparait les gens qui s'étaient aimés sur Terre pour qu'aucun plaisir ne leur soit donné. Alors, je me fis la belle du Paradis. Je me perdis dans les eaux du Styx. Je demandais mon chemin aux êtres difformes que je voyais. On me répondit qu’elle était dans la sphère la plus basse, celle réservée aux persécuteurs de l'humanité. Quand je la découvris enfin, elle avait maigri, ça lui allait mieux. Quand je la vis, les bourreaux s’apprêtaient à la jeter dans les flammes de la géhenne pour une souffrance éternelle.

Vu mon état reconnu de martyr, ils n'avaient aucune puissance sur moi. Je retirai Antéa de leurs griffes. Je transitais avec elle entre les deux mondes. Et quand je me fus lassé d’elle, j’ai demandé à Saint Pierre de bien vouloir nous laisser entrer au Paradis. Mais il me dit que je devais choisir : soit je restais avec elle dans le monde intermédiaire, soit je rentrais seul au Paradis et abandonnais Antéa à son triste sort. J’étais là en face d’un cruel dilemme. Antéa me tapait sur le système, toujours à se repaître des miasmes de l’Enfer pendant que je goûtais avec délice aux effluves du Paradis. Je ne sais pourquoi mais j’ai choisi de rester avec elle. Nous sommes entrés dans la légende comme les deux êtres les plus malheureux que le ciel n'ait jamais portés. Si un jour vous ne passez pas loin, passez donc nous voir, on vous racontera comment c’était au temps où les hommes prenaient la terre pour une poubelle.
Modifié en dernier par Gemani le 10 mai 2021, 07:13, modifié 1 fois.
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Je te dis juste ce que j'ai ressenti: Même si je pense qu'au fur et à mesure du livre je comprendrai mieux le début.

Au début j'ai eu un peu de mal à me centrer, je ne savais pas si tu parlais d'un sentiment, ou d'une femme. Et de savoir de quel sujet il était question, un roman, une initiation, un sentiment exploré ou autre.

Après je trouve que tu as bien fait tourner la nouvelle, et j'ai vu à certain moment que tu cristallisais ta problématique, mais je trouve que tu as bien rebondi et tu ne t'es pas fait attraper par elle.

Je me pose juste la question du décor, à un moment on est en voiture, puis il y a les parents, la mère, et enfin on se retrouve dans la chambre. Je n'ai pas trop compris les différentes relations. Je trouve que ça passe un peu trop vite de l'un à l'autre. Mais je suppose que tu cherchais la frustration avec un moyen de montrer comment une relation pouvait continuer malgré une passion refusée.
Une nouvelle ne permet pas de long discours non plus!

Ce n'est pas un sujet facile je ne le voyais pas comme ça, mais ça me séduit.
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merci Antoine,

Je ne pensais que ça puisse plaire à un homme mur.
Oui, je lui échappe mais pourtant je reste auprès d'elle.
La passion est retombée...

Je vais la poster pour ceux qui veulent la lire.

Tu sais, il n'y a pas de continuité entre les nouvelles.

Beaucoup de nouvelles sont dans le descriptif sexuel comme remède à ma frustration sexuelle dans les années 90.

Les nouvelles peuvent être lues dans n'importe quel ordre.
L'ordre qu'il y a en fait, c'est l'ordre dans lequel je les ai écrites.
Modifié en dernier par Gemani le 19 mai 2021, 19:27, modifié 4 fois.
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Une passion dévorante


Elle était là tout près, à quelques enjambées à peine. Elle m'apparaissait dans toute sa splendeur. On aurait dit qu'elle sortait de ma cage cérébrale. Il me semblait la connaître depuis toujours. J'ouvris la bouche, mais pas un mot n'en sortit. Elle souriait. Il semblait qu'à ses yeux, il n’y avait que moi. Elle était comme en admiration. Elle n’allait pas partir, ni filer au coin de la rue et courir pour rentrer chez elle dans la crainte que je la poursuive. Je souffrais de la chaleur et depuis un moment déjà, je transpirais à grosses gouttes. Je m’épongeais le front pour ne pas trop luire au soleil. Je soutenais avec peine son regard. Je me figurais presque qu'elle m'avait fait attendre toutes ces années pour ces retrouvailles inespérées. Combien de fois avais-je espéré être si proche d'elle et je n'arrivais pas à faire le moindre pas vers elle, approcher ma bouche de ses joues et venir la prendre dans mes bras ! Moi qui désirais tellement venir auprès d'elle ! Son apparition m'avait désarticulé. Son regard persistant me transperçait de part en part.

Elle me faisait mal. J’avais presque envie de me cacher derrière l’arbre pour m'ôter de sa vue mais ça n’aurait pas fait bien sérieux. Maintenant qu'elle me contemplait, je me sentais mis à nu. Je n’avais plus le téléphone ni la page griffonnée pour me cacher à son regard. Pourquoi m'avait-elle écrit cette si longue lettre où elle me priait ardemment de venir la voir après toutes ces années ? Qu’avait-elle donc à m’annoncer de si important qu’elle ne puisse me dire au téléphone ou par écrit ? J'oubliai qu'elle en avait après moi. J'avais longtemps galéré à des années-lumière de ma belle mais là, il me semblait la retrouver pareille qu’au temps passé. Elle était là ! Elle n’approchait pas encore, c’était comme si elle cherchait à me photographier dans son esprit. Je prenais des bouffées d'air comme si mon être se dissociait, si mon âme cherchait à s'échapper pour venir recouvrir les épaules nues qu'elle me présentait. Elle tressaillit. Je commençais à avoir des fourmis dans les jambes et le soleil m'aveuglait à moitié. J’ai reculé contre le mur pour me mettre à l'abri de sa lumière en bénéficiant de l’ombre de l’arbre. J’étais ému. J'avais enfin ma récompense mais ça n'allait pas, je voulais me fondre en elle et j'avais peur que son corps me fasse résistance. J'avais tant délié ma langue par le passé que je voulais aujourd’hui me régaler de chacun de ses mots. Mais elle ne disait rien et je ne voulais pas rompre le magique de l’instant laissé blanc.

J'étais comme un jeune enfant, un petit oisillon désemparé que l'on a jeté hors du nid et qui fait cui-cui au bas du grand pin de peur qu'on ne le mange. Il aurait fallu que je me montre viril mais ça n'aurait pas pris longtemps. J'étais mal à l'aise de me trouver près d'elle, l'esprit vide sans inspiration. En fait, aucune fille n'aurait pu avoir le béguin pour moi. Elle, j'avais dû la marquer parce qu’elle était réceptive pour quelque obscure raison. Ô, je n'avais pas été son premier amour ! Mais après moi, elle n'avait plus jamais promis l'amour toujours à qui que ce soit. Elle n'avait sûrement rien conservé de notre liaison passée. Ce n’était pas possible qu'elle m'aimât encore. Il me semblait exploser de l'intérieur. Les arêtes du mur me pénétraient la chair mais je ne devais rien dire. Je sentais son amour me broyer les os alors qu’elle ne m’avait pas encore touché, pas même effleuré.

Il me semblait la voir approcher comme au ralenti. Je vis ses doigts monter vers mon visage, venir desserrer mes dents et aiguiser mes lèvres. Ensuite, sa bouche plongea sur moi. A son contact, mes lèvres se sont enflammées. Puis nos langues se sont trouvées pour éteindre l’incendie qui me ravageait. Alors seulement, je l'ai prise aux épaules mais elle était trop lourde pour que je la ramène vers moi. Avec regrets, je me contentais bon an mal an de caresser ses épaules nues.
Des gouttes de transpiration descendaient de mes tempes et elle s’efforçait de les recueillir dans sa bouche en me baisant le visage. Elle agrippa mes cheveux en projetant ma tête en arrière pour m’embrasser encore plus fougueusement. Et brusquement, elle a retiré sa langue mais son visage tout prêt du mien, elle m’a transporté du souffle de sa voix.
« Promets-moi que tu ne me laisseras plus vivre loin de toi !
- Je préfère te savoir loin et épanouie que te voir te faner avec moi !
- Resplendis comme au premier jour et tu me verras toujours grandie par notre amour.
- Je n'ai plus d'énergie à offrir, je ne suis qu’un bois mort qui part au fil de l'eau.
- Hé bien, soit ! Je te porterai telle la rivière emporte les troncs d'arbres.
- Ne crains-tu pas que ton courant soit affaibli par ma charge ?
- Au contraire, c'est en toi que je puiserai la force d'aller plus loin.
- Et si sur un bras de rivière, tu me fais m’échouer ?
- Ce sera pour mieux te reprendre après.
- Ne chercheras-tu pas plutôt à me briser contre les rochers sur lesquels tu t’aiguises sans cesse ?
- Il me faudra bien te malmener un peu pour t'endurcir.
- Et si je me noie en toi ?
- Plus tu t'enfonceras au plus profond de moi et plus je te ferai ressortir haut et vite pour que tu retombes encore plus lourdement ! »

Mes bras s'engourdissaient dans son dos dégagé. C’est elle qui me soutenait et je me laissais reposer contre ses flancs. Elle était à peine plus grande que moi. Heureusement, elle ne portait pas d’escarpins mais des sandales. Elle avait une robe toute fleurie, la peau délicieusement marbrée par le sable et le soleil. Elle a pris ma main dans la sienne, s'est échappée de moi et m’a forcé à la suivre. Je comptais les arbres devant lesquels nous passions quand elle s’arrêta devant une voiture et ouvrit la portière. C’est à peine si elle me présenta à ses parents en murmurant mon prénom. Je me suis engouffré à sa suite, sur la plage arrière en les saluant vaguement. Mais de nouveau, elle a suspendu ses lèvres aux miennes, me rassurant de son amour. Je ne comprenais pas trop ce qui m'arrivait. Je n'avais jamais été embrassé et pensais ne jamais l'être. Quand elle me laissa à l'air libre, je n’étais pas au bout de mes peines.
« Je t’aime, reprit-elle les yeux rivés dans les miens. »
Ma main s'engouffra dans son épaisse chevelure, prenant goût à m'en mettre plein les doigts. Quand je sentis qu'elle laissa sa tête s'abandonner dans le creux de ma main, je la descendis pour lui tenir fermement la nuque.
« Serre-moi dans tes bras, m’implora-t-elle. »
Je l’ai rapprochée de moi juste à peine portant mon autre main contre sa hanche juste à peine pour la glisser entre sa peau nue et la banquette.
« Souviens-toi. »
J’ai fermé les yeux. Mais ce qui me restait du passé n'était rien en comparaison de son abandon du moment.
« Parle-moi. »
Mais, je n’ai rien trouvé à dire.
« Dis-moi que tu m’aimes. »

Mes lèvres sont restées closes. Elle devait bien le sentir. J'ai retiré ma main de sa hanche. J'ai reculé ma tête de son visage pour mieux l’observer. Les lèvres entrouvertes, elle gardait les yeux fermés et cherchait ma bouche dans l'espace sans l'y trouver. Je la trouvais belle. Elle avait chaviré dans mes bras. J'ai plongé mes mains dans mes poches et j'ai fait pleuvoir sur elle des pétales de roses du matin. Je me suis rassis à ma place, l’esprit embrouillé d’un trop plein de bonheur. Mais elle reprit la charge et vint se serrer contre moi. J'entendis sa mère me dire combien sa fille avait souffert toutes ces années de notre éloignement. Je voulais bien la croire à la façon dont elle me volait des baisers. Elle ne pouvait pas mettre plus de passion qu'elle en avait à se porter sur moi. On s’est arrêté devant la villa. On a franchi le portique. On est montés main dans la main comme font les jeunes amants. Je me suis pincé mais je me suis fait mal. Désormais, je n’avais plus à l’imaginer, elle était bien là.

On est allé dans sa chambre, elle a baissé les stores. Elle a dessiné sur son genou les cheveux d'une femme avec le visage à peine esquissé. Pendant ce temps, j’avais comme l’impression de ne plus exister pour elle. Elle a mis Nirvana dans la platine laser et s’est tournée vers moi et sur le rythme endiablé, s’est déhanchée voluptueusement devant moi pour m'inviter à venir contre elle. J'avais envie d'elle, elle le savait, mes yeux ne voyaient plus que son corps. Mais chaque fois que je m’approchais d’elle pour la saisir, elle faisait exprès de m'échapper, grimpant sur le lit et j'étais trop épuisé pour la suivre dans son manège alors je la laissai m’émoustiller encore davantage. Elle se dévêtit mais avant qu'elle ait fini son numéro, je m'étais assoupi. Quand je repris mes esprits, je sentis son corps nu s'agiter contre le mien qu’elle avait aussi déshabillé. Elle me faisait l'amour mais rien à faire quand la bête ne s'éveille pas, alors elle s’est retirée de moi. A moitié en pleurs, elle a téléphoné à son amie Danaé, j'ai posé ma main sur son épaule, laissant mon bras en travers de sa poitrine et me suis rendormi en position ventrale.

Au petit matin, on est allé sur la plage. Elle pataugeait dans dix centimètres d'eau. Elle semblait contrariée en observant le flux et le reflux des vagues sur le sable humide.
« Tu ne me désires plus, m’a-t-elle demandé sans me regarder.
- Je ne sais pas. Peut-être que j'attendais trop de cette rencontre. Maintenant qu'elle s'est produite, que l'émotion s'est dissipée, il n'y a plus ni magie ni espérance.
- Et toutes ces années que tu as passées à songer à moi, à me rappeler à ton bon souvenir ! Pourquoi aujourd’hui, fais-tu des manières quand ton rêve se réalise enfin, que je reviens vers toi ?
- Je m'étais habitué à l'idée de t'avoir perdue. Je ne pensais pas que tu reviendrais vers moi. Je me sens comme pris dans un étau. »
Elle s’est assise dans le sable humide en serrant ses genoux entre ses bras. Elle tremblait parce qu’elle se trouvait dans mon cône d’ombre et qu’un vent rafraîchissant soufflait. Le menton levé, elle me scrutait. Elle avait les yeux brillants. Elle m’a souri. J’ai vu sa poitrine palpiter comme si son cœur s’emballait tout seul. Mais plutôt qu'une crise de larmes, elle entama un monologue précipité. Elle me raconta le pourquoi de toutes ces années, mais je ne l’entendais pas, je ne la regardais même plus, j’avais relevé la tête et je regardais les reflets du soleil sur la mer à l'horizon. Alors, elle a tiré sur ma main pour m’obliger à m’agenouiller prés d’elle.
« Dis, tu m’écoutes ?
- Oui, fis-je d’un air absent sans baisser mon regard sur elle.
- Mais qu’as-tu ? On dirait que tu es ailleurs, n'es-tu pas heureux d’être là avec moi ?
- J'ai perdu mes anciens repères. Aujourd'hui, je me rends compte que tu es une vraie personne.
- Tu aurais voulu que je reste la même jeune étudiante paumée d’il y a cinq ans ?
- Je ne sais pas. Au premier abord, tu m’as transporté mais maintenant...
- Qu'est-ce qui t'effraie, dis-moi ?
- Que tu m’acceptes pleinement à tes côtés, de devoir marcher avec toi, de devoir être avec toi, de savoir que je ne suis plus seul, que je dois faire quelque chose de ma vie pour construire ensemble.
- Je sais que tu n'as pas l'habitude d'être aimé, c'est pourquoi j'irai à ton rythme, je prendrai chaque miette d'attention que tu m'accorderas. Je te promets que si je te vois dépérir, te faner, te détruire, je m'en irai parce que je te veux seulement grandi par notre amour. »

Je ne lui répondis pas. Mais, mon esprit était un champ de bataille. Je n’arrivais pas à faire coïncider sur elle, l’idéal que j’avais gardé si précieusement. Durant toutes ces années, je n’avais pas eu de visage auquel me raccrocher et aujourd’hui, on me l’imposait avec un corps mais au lieu de m'éblouir, je me rendais compte qu’elle n’était qu’un être humain, une femme parmi d'autres, qu'avait-elle de plus, qu’avais-je donc imaginé !
Soudain, un voile s’est levé à l’horizon. Je l’ai aidée à se relever et on a marché en se tenant par la taille. Elle faisait fouetter ses cheveux au vent en secouant la tête. Comme elle sentait bon, mon aimée !
Le mistral se levait. Le ciel bleu se mêlait de gris, d’orange et de noir comme pour annoncer une passion brutale. Je la sentais au creux de ma main, complètement détendue. Elle déposa amoureusement sa tête au creux de mon épaule. On marchait le long du rivage et je me rappelais les paroles d’une chanson de Joe Dassin : « Et si tu n’existais pas... »
Modifié en dernier par Gemani le 16 mai 2021, 22:45, modifié 1 fois.
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Tu sais,

l'ordre que tu as donné, même si c'est inconscient donne beaucoup d'informations, et suivant comment tu vas lire tu ne comprendras pas la même chose.

C'est pour ça que je préfère toujours prendre l'ordre donné par l'auteur, car en fait ce n'est pas mon ego qui choisit au moins c'est sûr.


apparition : sympa mais pas très gnostique :mrgreen:
Modifié en dernier par tmecap le 16 mai 2021, 23:14, modifié 3 fois.
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Oui, tu as raison, pas gnostique du tout !
Pour ma défense quand je l'ai écrit, je m'étais éloigné de la gnose...


Les apparitions fantomatiques


Je ne parlais plus à personne. Je restais enfermé des heures durant à me balancer d’avant en arrière, cognant mon crâne contre le mur. On me mettait de la nourriture dans la bouche mais je ne l’avalais pas et elle retombait sur ma serviette. Souvent, je prononçais ton nom en boucle, de plus en plus vite. Je t'appelais à l'aide mais tu ne venais pas! Les infirmières et les psychiatres me parlaient, je voyais leurs lèvres s’agiter mais je n’entendais pas leurs voix. On me mit plusieurs fois un stylo et du papier entre les mains mais comme le reste, ils tombaient parterre. A l'extinction des feux, j’étais comme un loup sans voix mimant un hurlement à la mort. L’obscurité faisait naître en moi des peurs irraisonnées. Je restais alerte guettant les ombres infernales du dehors qui se reflétaient sur les murs tamisés. Je voyais de moins en moins clairement ce qui se passait autour de moi. Perdant le contact avec la réalité environnante, j’émergeai lentement dans un autre lieu qui m’était inconnu. Ma vue s'est clarifiée et ma première image fut celle d'une jeune femme assez charpentée et intuitivement, j’ai ressenti que c’était toi ! Je te voyais déambuler des marches, sourire à des femmes et faire des mimiques aguicheuses à des hommes, parfois te retourner et marcher vers moi, me dépasser sans me voir puis reprendre ton chemin comme si de rien n’était. J'avais beau essayé de te retenir, mes mains passaient à travers ton corps. Je te suivais à la fac et je me couchais à tes pieds comme un chien auprès de sa maîtresse.

Quand le soir, tu pénétrais dans les draps, le visage tourné vers la lune, un peu nostalgique, je m'allongeais tout près et me laissais envahir par la mélancolie de ton regard. Comme j'aurais voulu dans ces moments là te faire signe que j’étais là, mais tu étais si détendue que pour rien au monde, je ne voulais pas troubler ta béatitude par une apparition fantomatique qui t’aurait glacé les sangs.
Je ne ratais jamais de te suivre dans le bain moussant. J’avais dans cet élément comme l’impression que ta peau m’offrait quelque résistance. D'ailleurs cela te démangeait à l'endroit même de mes attouchements. Je n'insistais pas pour qu'à force de te gratter, tu ne t'arraches la peau et n’en deviennes vilaine à porter des croûtes.

Tu faisais partie d'une bande de joyeux lurons, tu passais de l'un à l'autre au fil des mois. J'essayais de rejoindre la réalité quand l’un d’eux te faisait l’amour. J’avais trop mal dans ces moments-là. Je me sentais comme happé par les courants de l'enfer, je m'enlisais dans la moquette comme dans un marécage. Je voulais continuer de vous regarder malgré le mal que ça ma faisait, surtout ne pas te lâcher des yeux. Faire abstraction de lui comme si ton orgasme venait de moi. Mais à peine en avait-il fini, s'égouttant la bébête au lavabo, que tu lui disais que tu devais rentrer, te refusant à des prolongations câlines, ce que je prenais comme une peur ou un refus de tomber amoureuse. Et moi, je reprenais mes esprits, appartenance de mon corps subtil, j'avais une fois de plus échappé aux démons de la chair.

Je te suivais partout où tu allais et même dans la maison. Un soir, alors que tes parents tardaient à rentrer, tu es descendue te faire réchauffer un plat au micro-onde. Comme je me centrais souvent sur ton visage, je me suis retrouvé dans l'enceinte du four. Mes particules subtiles furent choquées et j’en fus très diminué. Ainsi, je ne pouvais plus te suivre à la fac, je me serais perdu dans les rues de Marseille, j'en étais malade de te voir partir chaque matin et devoir attendre que revienne le soir pour te revoir enfin.

Pendant tes trop longues absences, les zones ténébreuses m’envahissaient et les idées noires me gagnaient. Les succubes venaient se coller à moi pour profiter de ma passion. Je me gorgeais de prana pour me refaire des réserves et voir l'existence du bon côté. À peine m’étais-je rétabli, que de nouveau je fus traversé par un éclair, j’entendis la voix de maman au loin mais je ne voulais pas revenir dans l'autre monde où j'étais trop loin de toi. L’électrochoc avait une nouvelle fois annihilé mes facultés de déplacement et de recentrage. Il me fallut encore rester de longues journées à me repaître du prana pour recommencer à t’épier dans la ville.

Lisant un courrier qu’on t’avait adressé, tu m’as semblé profondément troublée. J’ai regardé par-dessus ton épaule la feuille de papier qui te tourmentait et j’ai reconnu l'écriture de maman. Elle te suppliait de venir à la clinique d’Annecy, que depuis deux mois, j'étais dans un état comateux que les médecins disaient irrémédiable et que toi seule pouvait encore me sauver. Mais tu ne supportais pas qu’on te dise ce que tu avais à faire et puis, tu avais ta vie à mener et tu ne pouvais pas te préoccuper de chacun des hommes que tu abandonnais au bord du chemin. Alors, tu demandas conseil à Danaé qui te répondit de ne rien faire, de ne pas intervenir, de seulement vivre ta vie.

Dans la matinée qui suivit, je t’accompagnais dans l'antre lugubre qui menait au cabinet d’un médium. Il y avait tellement d’esprits qui entouraient la mystérieuse femme que j’avais du mal à me frayer un chemin jusqu'à elle pour la posséder et parler de sa bouche. Mais à mesure que je m’approchais d’elle, je sentais qu'elle commençait à se nourrir de mes énergies vivifiantes. J’ai immédiatement tenté de m’enfuir mais elle avait déjà écartelé mon âme et je suis resté là, figé, comme écartelé au milieu d'une toile d’araignée. Par sa bouche, des esprits t’ont parlé, les uns se sont amusés à te tourmenter sur la vie que tu menais à courir les boîtes, d’autres te disaient de suivre la direction de ton cœur. Quand tu es sortie de la séance, ton esprit était encore plus embrouillé qu’avant. Au travers de la vitre, je t’ai regardé disparaître derrière les grands pins, souhaitant ardemment qu'on me donne la chance un jour de te retrouver. Des jours et des nuits interminables où j’étais séparé de toi, où l’intensité de mon corps subtil déclinait inexorablement. Je me lamentais sur mon sort quand soudain j’entendis une voix familière, mais très faible, comme au loin m’appeler.
« Serre-moi la main si tu m’entends...
Mon Gémani, réveille-toi, je t'en prie, reviens...
C'est Antéa mon bébé, l’unique amour de ta vie.
Je suis venu te chercher, je t'aime.
On ne se quittera plus jamais. Je te le promets. »
Son amour aidant, j'ai émergé davantage dans ce lieu où j'étais tant désiré.
Elle continua : « Je comprends maintenant pourquoi tout ce temps, tu me manquais moins qu’avant et pourquoi je faisais ces rêves étranges où je te voyais cogner à une vitre sans que tu puisses la briser pour venir me rejoindre. Tu étais près de moi, n'est-ce pas ? Tu voyageais dans l’astral. Mais depuis quinze jours, je me sentais abandonnée, quand je rêvais du palais des glaces, tu n'étais plus derrière la vitre et j'avais comme un poing au cœur, la gorge irritée et les yeux brillants. Ta présence me manquait. J’avais envie de nouveau que tu te soucies de moi.»
J’ai battu des paupières péniblement.
« Oh, mon amour, je ne t’abandonnerai plus, je te promets, fis-tu en te couchant sur moi ». Mais le médecin te mit en garde. Il était dangereux que dans mon état, tu te livres à de tels ébats ; j'étais encore très faible, il me faudrait encore de longues semaines pour récupérer ma coordination motrice.
Quand j’ai rouvert les yeux la fois suivante, la lumière m’a moins aveuglé. Quand je t’ai vu à mon chevet, je me suis senti le plus heureux des hommes.
« Mon amour, fis-tu en me prenant la main, je devrais t’en vouloir, tu as failli me rendre folle ! Je voyais des ondées qui me suivaient dans les rues de Marseille. J'ai même cru voir ton visage au clair de lune, dans l’enceinte du four même une fois, tellement proche que j’aurais pu l’embrasser. Mais je croyais alors que je ne faisais que projeter ton image. Étais-tu conscient de flotter auprès de moi ? Je comprends pourquoi je n’éprouvais plus ce besoin de t’appeler, tu me comblais par ta présence. »

Quelques jours après, vu mon état, on me transporta dans un établissement de rééducation. Ne voulant pas qu’une autre femme s’occupe de moi, tu restas pour me soigner. Tu me poussais à longueur de journée dans mon fauteuil roulant. Chaque matinée et chaque après-midi, tu me soulevais de ma chaise en passant tes bras autour de ma taille, puis tu me traînais jusqu’au bord de la piscine. Là, tu m’installais sur un flotteur et tu dominais ma peur de l’eau en le retirant petit à petit. Ensuite, tu me maintenais à l’équilibre à la surface tant bien que mal tandis que tu tenais ma tête hors de l’eau. Quand je me calmais, tu me prenais la main et me faisais suivre du geste le vol tortueux des hirondelles qui rasaient la surface avant d’aller se percher sur les fils grillagés.

Le soir, tu me tournais sur un côté puis sur l’autre pour me faire ma toilette. Après tu venais t’étendre nue contre moi. Je sentais tes bras venir m’étreindre mais les miens restaient inertes. Parfois, j’avais des crises où tout mon être se mettait à trembler et j’émettais des plaintes aiguës dans lesquelles il te semblait reconnaître ton prénom. Pour me calmer, tu ramenais ma tête entre tes seins, en ébouriffant mes cheveux. Et petit à petit, tes efforts commencèrent à porter leurs fruits. Pendant que je maintenais mes coudes appuyés sur les barres parallèles, tu m’encourageais à avancer vers toi en tapant sur tes cuisses. Et je faisais de mieux en mieux, même si mes pieds raclaient maladroitement le sol. Ma délivrance survenait quand enfin je te rejoignais à l’autre bout et que je tombais dans tes bras et que tu me remettais enfin sur ma chaise.

Quand une nuit, tu as senti mes dernières phalanges caresser maladroitement tes hanches, tu es venue me dominer en venant te mettre sur moi à califourchon. Par des mouvements restructurants, tu as frotté tes fesses sur mon sexe qui s'est mis à grossir. J’ai senti que tu l’introduisais profondément en toi et commençais à te déhancher sur lui pendant que tes mains posées à plat sur mon torse me massaient sur le même rythme endiablé. Mes doigts tremblants ont glissé pour te caresser maladroitement les fesses mais épuisé par tant d'efforts et de concentration pour activer mes muscles endoloris, je les laissai tomber le long de mon corps. Mon phallus me sembla être devenu aussi rigide qu’un bilboquet et cette nuit-là, tu as reçu mon sémen en toi pour la première fois. Mais, j’avais joui trop vite et tu n’avais pas pris ton plaisir. Tu t’es écroulée sur moi, me baisant mille fois le visage. Puis, tu t’es endormi avec mon sexe introduit qui faiblissait de volume dans ta cavité. Tu m’étouffais de ton poids mais je n’avais pas la force de te faire basculer. Pendant de longues semaines, tu étiras mes muscles, tordis mes membres, me demandant sans cesse de serrer plus fort, de monter plus haut, de le faire plus longtemps. Et pour la première fois, en te rejoignant à l’autre bout des barres parallèles, je t’ai serré dans mes bras. J’ai vu tes yeux briller. Je t’ai dit merci et tu t’es effondrée en larmes, des larmes d’effort, de peines et de retrouvailles.
Quand j’ai pu enfin marcher tout seul, tu as dit qu’après m’avoir reconstruit, tu allais maintenant me vêtir. Une couturière est venue prendre mes mesures.

Quand j’ai mis le costume, dans tes yeux, je me suis trouvé beau. Tu m’as dit m’avoir réservé une récompense pour mes efforts que je n’aurais qu’à condition de te suivre. Cela faisait si longtemps que nous étions enfermés au centre qu’on avait grandement envie de se retrouver seuls tous les deux. Mais alors que j’insistai pour que tu m’aides à retirer le costume pour ne pas l’abîmer, tu m’as supplié de le garder parce que tu aimais me voir bien habillé. Tu es montée côté conducteur sans me demander si je voulais prendre le volant. Quand on a passé la grille de l’institut, je me suis senti revivre. J’ai humé par la fenêtre les odeurs de la campagne : la bouse de vache, le crottin de cheval, l’odeur des foins, la senteur des conifères, l’herbe humide, l’essence des mûriers, chacun des parfums me ressourçait. Après quelques virages appuyés et quelques dérapages à cause des gravillons, je vis qu’on approchait d’un village mais comme je n’aimais guère les hommes, je te suppliai de ne pas y aller mais tu ne m’écoutais pas sûre de ton fait. Tu as arrêté la voiture au bas des marches d’un édifice bien austère. Après avoir monté à ton bras les quelques marches, nous sommes entrés en poussant la grande porte en bois qui grinça. Derrière elle, il y avait une grande allée qui menait à un attroupement de personnes qui s’était tu en nous entendant entrer. Aux premières loges, j’ai vu nos parents qui étaient réunis et Danaé qui m’a souri, éblouissante comme toujours. Il y avait un homme en toge bleu ciel sur l’estrade. Je me croyais renvoyé deux mille ans plus tôt, du temps des romains. Je marchais devant mais intrigué quelque peu par le bruit que tu faisais dans mon dos, je me suis tourné vers toi. Tu enfilais une étincelante robe de mariée avec une longue traîne de plusieurs mètres. Dans ce blanc, ton sourire malicieux t'embellissait et tes yeux brillaient d'une passion dévorante. Nous nous sommes arrêtés devant l’estrade et l’homme enveloppé dans sa toge a commencé :
« Nous sommes ici pour célébrer... » Mais comme tu t’impatientais en tapant du pied, il a sauté quelques strophes pour en venir à l’essentiel.
« Antéa, voulez-vous prendre Gémani ici présent pour compagnon, le temps de l’aimer et de le chérir tant que sa compagnie vous épanouira ?
- Oui, je le veux.
- Gémani, voulez-vous prendre Antéa ici présente pour compagne, promettez-vous de l’aimer et de la chérir tant que sa compagnie vous épanouira ?
- Oui, je le veux dis-je bien que je ne pense pas la quitter tant je m'y sens attaché.
- Si une personne veut s’opposer au désir de ces deux êtres, qu’elle le dise maintenant ou se taise à jamais. »
C’est alors que j’ai entendu quelqu’un tousser, je me suis retourné et c’était ta mère qui faisait encore des siennes. Mes espoirs se sont envolés. Mais au lieu de prendre la parole, elle fit un geste de la main pour me signifier que ce n’était rien qu’une quinte passagère qu'elle n'avait pu contenir et c’est à peine si j’entendis :
« Par les pouvoirs que vous me donnez, je vous déclare unis pour votre épanouissement. Embrassez-vous. »
Là, je ne sais plus trop, je crois que je me suis évanoui avant la ronde des anneaux, juste après qu’elle ait soulevé son voile. Quand j’ai repris mes esprits, un baiser enchanteur enflamma mes lèvres et fit envoler mes derniers doutes.
Modifié en dernier par Gemani le 17 mai 2021, 07:01, modifié 1 fois.
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